Garantir un logement décent est un droit fondamental pour chaque locataire en France. Pourtant, de nombreux logements ne respectent toujours pas les critères de sécurité, de confort et de performance énergétique. Avec l’évolution de la législation, notamment la loi Climat et Résilience, de nouvelles exigences entreront en vigueur dès 2025. Ces changements visent à renforcer la qualité des logements en intégrant des seuils énergétiques plus stricts. Ce guide, élaboré par l’ANIL et la CNAF, détaille les démarches à suivre pour s’assurer qu’un logement répond aux critères de décence. Ainsi, il propose des solutions concrètes pour accompagner locataires et bailleurs dans cette transition essentielle.
Sommaire :
- Qu’est-ce qu’un logement décent ?
- Les critères actuels de décence d’un logement
- Les évolutions pour le logement décent prévues en 2025
- Démarches et recours pour garantir un logement décent
- Prévention et accompagnement : le rôle des acteurs locaux
Qu’est-ce qu’un logement décent ?
Le concept de logement décent est au cœur des politiques publiques visant à garantir des conditions de vie dignes pour tous les locataires. Il s’agit d’un logement qui ne présente aucun risque manifeste pour la sécurité ou la santé des occupants. Cette obligation s’impose à tous les bailleurs. Qu’il s’agisse de logements vides ou meublés, dans le secteur privé comme social.
La notion de logement décent repose sur plusieurs piliers : la sécurité, la salubrité, la performance énergétique et le confort minimal.
En effet, un logement est considéré comme décent s’il ne met pas en danger la santé ou la sécurité physique des locataires. De plus, il doit disposer des équipements de base nécessaires pour un usage quotidien.
« Le bailleur est tenu de remettre un logement décent ne laissant pas apparaître de risques manifestes pouvant porter atteinte à la sécurité physique et à la santé » (loi du 6 juillet 1989, art. 6).
Depuis les années 2000, le cadre réglementaire s’est progressivement renforcé pour s’adapter aux évolutions sociétales et environnementales. Initialement centré sur la sécurité et l’intégrité structurelle des logements, ce cadre inclut désormais des critères liés à la performance énergétique. En cela, il reflète les préoccupations croissantes autour de la précarité énergétique et du respect de l’environnement.
« Le logement doit répondre à un critère de performance énergétique minimale, défini par un seuil maximal de consommation d’énergie finale par mètre carré et par an ».
Le droit à un logement décent est aujourd’hui reconnu comme un principe fondamental. Ainsi, sa garantie s’inscrit dans la législation française. Chaque locataire doit pouvoir exiger des conditions de logement conformes à la loi, avec la possibilité de recours en cas de manquement.
Les critères actuels de décence d’un logement
Les critères de décence d’un logement sont définis par le décret du 30 janvier 2002. Ils s’articulent autour de trois grands axes : la sécurité et la santé, le confort minimal et la performance énergétique.
Sécurité et santé des occupants
Un logement décent doit avant tout assurer la sécurité physique des locataires. Cela inclut :
- Solidité et étanchéité. Le gros œuvre du bâtiment (murs, toiture, planchers) doit être en bon état d’entretien pour éviter tout risque d’effondrement ou d’infiltrations d’eau. Une structure dégradée peut entraîner des problèmes d’humidité, de moisissures et, à terme, nuire gravement à la santé des occupants.
- Installations électriques et gaz. Les réseaux doivent être conformes aux normes en vigueur. En effet, des installations vétustes ou mal entretenues représentent des risques majeurs d’incendie ou d’intoxication au monoxyde de carbone.
- Absence de plomb. Dans les logements anciens, les peintures au plomb représentent un risque d’intoxication, particulièrement pour les enfants. À cet effet, la réglementation impose la suppression des peintures contenant du plomb si elles sont dégradées.
Toutefois, la sécurité ne se limite pas à la structure du bâtiment. Puisque le logement doit être exempt de toute infestation de nuisibles et de parasites (rats, cafards, punaises de lit). Depuis 2018, ce critère est devenu obligatoire pour répondre aux problèmes croissants de prolifération de ces espèces en milieu urbain.
Confort minimal et équipements essentiels
Un logement décent doit offrir des conditions de vie acceptables. Cela implique la présence d’un minimum d’équipements et d’installations assurant le confort des locataires :
- Surface habitable. La surface d’une pièce principale doit être d’au moins 9 m², avec une hauteur sous plafond de 2,20 m ou un volume de 20 m³. Cette exigence garantit que le logement offre un espace suffisant pour une vie quotidienne normale.
- Chauffage. Le logement doit être équipé d’un système de chauffage en état de fonctionnement. Ainsi, il doit maintenir une température intérieure adéquate, même en hiver.
- Installations sanitaires. Le logement doit comprendre des sanitaires (WC) séparés de la cuisine ainsi qu’un équipement pour la toilette (douche ou baignoire), alimenté en eau chaude et froide. L’absence de ces éléments de base rend le logement non conforme aux exigences de décence.
- Cuisine. La présence d’un coin cuisine est indispensable. Celui-ci doit être équipé d’un évier raccordé à une installation d’eau potable et permettre l’installation d’un appareil de cuisson.
Ces critères reflètent une volonté de garantir des conditions de vie dignes et de prévenir l’habitat indigne qui touche encore des milliers de ménages en France.
Performance énergétique et ventilation
Depuis 2023, la performance énergétique est devenue un critère central dans l’évaluation de la décence d’un logement. Cette évolution répond à une double exigence :
- Réduction de la précarité énergétique. Un logement excessivement énergivore génère des factures très élevées. Cette charge financière pèse lourdement sur les locataires. À terme, elle peut les plonger dans une situation de vulnérabilité financière.
- Lutte contre les passoires thermiques. Un logement dont la consommation d’énergie finale dépasse 450 kWh/m²/an est considéré comme non décent. Cette mesure s’applique principalement aux logements classés F et G au DPE.
En plus de la performance énergétique, la ventilation joue un rôle essentiel. Un logement doit permettre un renouvellement de l’air suffisant pour prévenir l’apparition de moisissures et garantir un environnement sain. Les systèmes de ventilation doivent être en bon état de fonctionnement et adaptés à la taille du logement.
Les évolutions pour le logement décent prévues en 2025
L’accent sur la performance énergétique
La prochaine étape majeure dans l’évolution des critères de logement décent concerne la performance énergétique. À compter du 1er janvier 2025, les logements classés F et G au Diagnostic de Performance Énergétique (DPE) seront considérés comme non décents. Ils ne pourront plus être proposés à la location.
Ces logements, souvent qualifiés de passoires thermiques, sont caractérisés par une mauvaise isolation et une consommation énergétique excessive. Cette interdiction s’appliquera aussi bien aux logements vides qu’aux logements meublés, qu’ils soient situés dans le secteur privé ou social.
Comment cela va-t-il se traduire concrètement ?
Dès 2025. Les logements classés F et G deviendront non décents. Par conséquent, les propriétaires ne pourront plus conclure de nouveaux baux tant que des travaux de rénovation énergétique n’auront pas été réalisés. Toutefois, pour les baux en cours, la situation sera différente. En effet, les locataires pourront exiger des travaux de mise en conformité sans risquer une augmentation de loyer liée aux travaux d’amélioration énergétique.
En 2028. La réglementation se durcira davantage. À cette date, seuls les logements classés entre A et E seront éligibles à la location. Les logements encore classés F et G devront impérativement faire l’objet de rénovations plus ambitieuses pour atteindre au moins la classe E.
Horizon 2034. D’ici 2034, l’objectif est de ne conserver dans le parc locatif que des logements classés entre A et D. Ainsi, cette dernière étape vise à aligner l’ensemble du parc immobilier français sur des standards de haute performance énergétique. En cela, elle contribue à atteindre les objectifs climatiques nationaux fixés par l’Accord de Paris.
Les sanctions en cas de non-conformité
Les propriétaires qui ne respectent pas cette nouvelle réglementation s’exposent à plusieurs sanctions :
- Impossibilité de louer. Un logement classé F ou G sera interdit à la location dès 2025, bloquant ainsi toute source de revenus locatifs pour le propriétaire.
- Suspension des aides au logement (APL). Pour les locataires bénéficiaires, la CAF pourra suspendre le versement des allocations logement tant que le logement restera non conforme aux critères de décence énergétique.
- Obligation de travaux sous astreinte. En cas de recours en justice, le juge pourra ordonner des travaux obligatoires assortis d’une astreinte financière par jour de retard.
Démarches et recours pour garantir un logement décent
Lorsqu’un logement ne respecte pas les critères de décence, le locataire dispose de plusieurs recours. En effet, les locataires disposent de plusieurs leviers pour faire valoir leurs droits et contraindre le bailleur à effectuer les travaux nécessaires.
Informer le bailleur : la première étape incontournable
Dès qu’un locataire constate que son logement présente des signes de non-décence (problèmes de chauffage, humidité, infiltrations d’eau, mauvaise isolation, etc.), il doit en informer son bailleur sans tarder. Cette démarche initiale repose sur une communication claire et documentée.
Dès lors, le locataire peut effectuer lui-même une première évaluation en utilisant des grilles d’auto-diagnostic disponibles auprès des ADIL ou en ligne. Ces grilles couvrent les principaux critères du logement décent :
- Présence d’humidité ou de moisissures dans les murs.
- Défauts de chauffage ou absence d’eau chaude.
- Installations électriques dangereuses (fils dénudés, disjoncteurs vétustes).
- Ventilation insuffisante, favorisant les problèmes de condensation.
- Présence de nuisibles (cafards, rats, punaises de lit).
Une fois les problèmes identifiés, le locataire doit alors adresser une lettre recommandée avec accusé de réception au propriétaire. Ce courrier doit détailler les désordres constatés et demander au bailleur de prendre des mesures correctives dans les meilleurs délais. Il est recommandé de joindre à cette lettre des photos des dégradations et des témoignages d’experts si des visites techniques ont été réalisées (ex. : plombier, électricien).
Si le bailleur ne réagit pas : mise en demeure officielle
Si le propriétaire ne répond pas dans un délai raisonnable (généralement un mois), le locataire doit passer à l’étape suivante : la mise en demeure. C’est une lettre plus formelle, exigeant que les travaux de mise en conformité soient réalisés sous un délai fixé (souvent 15 jours à un mois). Cette lettre constitue une preuve juridique essentielle en cas de litige ultérieur.
Saisine de la Commission Départementale de Conciliation (CDC)
Si aucune réponse n’est apportée ou si le bailleur refuse de réaliser les travaux, le locataire peut saisir la CDC (Commission Départementale de Conciliation). Cet organisme joue un rôle crucial dans la résolution amiable des litiges entre locataires et bailleurs. La CDC intervient gratuitement pour tenter de trouver un compromis entre les deux parties. La conciliation permet souvent d’éviter une procédure judiciaire plus longue et coûteuse.
Le locataire doit rédiger une demande écrite et l’adresser à la CDC du département où se situe le logement. Ce courrier doit contenir :
- Une description précise des désordres.
- Une copie des courriers envoyés au bailleur.
- Tout document prouvant la non-décence (photos, rapports d’experts).
Le bailleur est convoqué à une réunion de conciliation en présence du locataire. Si un accord est trouvé, un procès-verbal de conciliation est signé par les deux parties. En cas de désaccord persistant, la CDC émettra un avis consultatif, utile pour une future action en justice.
Recours judiciaires : saisine du juge des contentieux de la protection
Si la conciliation échoue ou si le bailleur persiste dans son refus de réaliser les travaux nécessaires, le locataire peut saisir le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire.
Le juge peut ordonner au bailleur de :
- Effectuer les travaux sous astreinte (une somme à payer par jour de retard).
- Réduire temporairement le loyer jusqu’à la réalisation des travaux.
- Suspendre le paiement des loyers si les désordres rendent le logement impropre à l’habitation.
- Accorder des dommages et intérêts au locataire pour trouble de jouissance.
La saisine du tribunal peut se faire par :
- Assignation par commissaire de justice (huissier).
- Requête simple (si les montants en jeu sont inférieurs à 5 000 €).
Le locataire n’est pas tenu d’avoir un avocat, mais il peut être accompagné par une association de défense des locataires.
Prévention et accompagnement : le rôle des acteurs locaux
Les acteurs locaux jouent un rôle crucial dans la prévention et l’accompagnement des locataires confrontés à des situations de non-décence. En effet, ces derniers jouent un rôle clé en matière d’information, de conseil, et d’orientation.
Les Agences Départementales d’Information sur le Logement (ADIL)
Les ADIL sont des organismes de proximité dont la mission est d’offrir des conseils juridiques, financiers et fiscaux gratuits à tous les acteurs du logement (locataires, propriétaires, futurs acquéreurs, etc.). Présentes dans chaque département, elles jouent un rôle central dans la prévention de la non-décence.
Ainsi, un locataire vivant dans un logement présentant des problèmes d’humidité peut se tourner vers l’ADIL pour obtenir des conseils sur les démarches à suivre, les lettres types à envoyer au bailleur et l’orientation vers une Commission Départementale de Conciliation (CDC) en cas de litige persistant.
« La complexité et l’évolution du droit du logement nécessitent l’intervention d’acteurs experts qui accompagnent les ménages aux côtés des organismes qui délivrent des prestations, dans l’objectif d’un maintien dans le logement. » – Roselyne CONAN, Directrice générale de l’ANIL.
La Commission Départementale de Conciliation (CDC)
Les CDC sont des instances locales destinées à favoriser la conciliation entre bailleurs et locataires. Elles interviennent gratuitement et constituent une étape clé avant d’envisager un recours judiciaire.
Compétences de la CDC :
- Litiges liés à la décence des logements.
- Désaccords sur les charges locatives, les travaux ou la restitution du dépôt de garantie.
- Conflits concernant l’application des critères de performance énergétique.
Les Caisses d’Allocations Familiales (CAF)
La CAF joue un rôle crucial en conditionnant le versement des aides au logement (APL, ALS, ALF) à la décence du logement. Si un logement est jugé non conforme, la CAF peut suspendre ces aides jusqu’à ce que le bailleur réalise les travaux nécessaires. Par exemple, si un propriétaire refuse de réparer un chauffage défectueux. Le locataire en informe la CAF qui suspend l’APL jusqu’à ce que le chauffage soit réparé.
« La lutte contre le mal-logement et plus particulièrement contre la non-décence est devenue au fil des ans un sujet de plus en plus important pour nos réseaux. » – Nicolas GRIVEL, Directeur général de la CNAF.
Les Agences Régionales de Santé (ARS)
Les ARS interviennent dans les cas de logements présentant des risques sanitaires majeurs. Si un logement est jugé insalubre (présence de plomb, humidité excessive, moisissures), l’ARS peut engager une procédure d’insalubrité. En effet, si des risques graves sont identifiés, l’ARS informe le préfet qui peut prononcer une interdiction d’habiter ou imposer des travaux d’office. Pendant les travaux ou en cas d’évacuation du logement, l’ARS accompagne les locataires dans leur relogement.
Les Centres Communaux d’Action Sociale (CCAS)
Les CCAS interviennent pour accompagner les ménages les plus précaires dans leurs démarches de recherche de logement décent. Ils assurent un soutien social et administratif, facilitant ainsi l’accès aux dispositifs d’aides.
Associations de défense des locataires
Des associations comme la Confédération Nationale du Logement (CNL) ou la Confédération Générale du Logement (CGL) jouent un rôle majeur dans la défense des droits des locataires. Elles offrent des consultations juridiques et accompagnent les locataires dans leurs démarches contre les bailleurs récalcitrants.
Grâce à une action concertée entre les ADIL, CDC, CAF, ARS et CCAS, les locataires disposent d’un véritable réseau de soutien pour faire valoir leurs droits et améliorer leurs conditions de logement.
Les nouveaux critères de logement décent pour 2025 renforcent la lutte contre les passoires thermiques et assurent des logements plus sains et sécurisés. Bailleurs et locataires doivent anticiper ces évolutions dès maintenant pour garantir des conditions de vie dignes et respectueuses des normes en vigueur.