Le blanchiment d’argent dans l’immobilier de luxe inquiète de plus en plus les autorités françaises. En novembre 2024, la DGCCRF a mené une série de contrôles ciblés dans des agences des quartiers huppés de Paris. Cette opération, menée dans 13 agences, vise à identifier les manquements aux obligations de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (LCB-FT). À travers ces actions, la DGCCRF répond aux recommandations du Groupe d’action financière (GAFI), renforçant ainsi la surveillance du secteur. Quels sont les résultats de ces contrôles et quelles conséquences pour les professionnels ?
Sommaire :
- Une surveillance accrue du secteur immobilier de luxe
- Les méthodes de contrôle mises en place par la DGCCRF pour lutter contre le blanchiment d’argent
- Des sanctions en cas de manquement
- Les agences immobilières face à leurs obligations
Une surveillance accrue du secteur immobilier de luxe
Le secteur de l’immobilier de luxe représente une cible privilégiée pour les opérations de blanchiment d’argent. Ces biens haut de gamme, souvent situés dans les quartiers prestigieux de grandes métropoles comme Paris, attirent une clientèle internationale disposée à investir des montants importants. Cette concentration de capitaux et la fluidité des transactions rendent ce marché particulièrement vulnérable aux manipulations financières illégales.
En avril 2024, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) avait déjà tiré la sonnette d’alarme. À cette époque, l’organisme avait signalé des “manquements substantiels” dans la lutte contre le blanchiment de capitaux. Ces défaillances concernaient particulièrement le secteur immobilier, où les risques de fraude demeuraient élevés. Cette alerte faisait suite à des investigations révélant que certaines agences n’avaient pas mis en place les dispositifs nécessaires pour identifier les risques liés à des opérations douteuses.
En réponse à cette situation préoccupante, la DGCCRF a lancé en novembre 2024 une nouvelle série de contrôles dans les arrondissements les plus prisés de Paris : les IIIe, VIe, VIIe et VIIIe arrondissements. En effet, ces zones abritent de nombreux biens immobiliers de grande valeur. Or, ces propriétés sont ciblées par des investisseurs étrangers. Ces derniers cherchent à sécuriser des capitaux ou, dans certains cas, à dissimuler des fonds.
L’opération a ciblé 13 agences immobilières, choisies pour leur exposition accrue au risque de blanchiment de capitaux. Ces agences ont été scrutées en raison de leur implication dans des transactions de grande envergure, ainsi que de leur présence dans des quartiers où la demande de biens de luxe est particulièrement forte.
Les méthodes de contrôle mises en place par la DGCCRF pour lutter contre le blanchiment d’argent
Les contrôles effectués par la DGCCRF s’inscrivent dans une stratégie globale de prévention du blanchiment d’argent. En effet, le cadre légal français impose des obligations strictes aux intermédiaires immobiliers. Puisque ces derniers doivent s’assurer de la traçabilité des fonds et de l’identification des clients.
Lors de cette opération, les enquêteurs ont vérifié plusieurs aspects essentiels au respect des obligations de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (LCB-FT).
Points de contrôle :
- Identification des clients. Les agences doivent exiger des justificatifs d’identité et des preuves de l’origine des fonds pour chaque transaction. Cette vérification est cruciale pour prévenir l’utilisation de prête-noms ou de sociétés écrans.
- Évaluation des risques. De plus, les agents immobiliers doivent être en mesure de détecter les opérations atypiques. Comme des paiements en espèces pour des montants élevés ou des achats réalisés par des sociétés domiciliées dans des paradis fiscaux.
- Suivi des mesures de gel des avoirs. Dans le contexte des sanctions internationales, en particulier celles liées au conflit en Ukraine, les biens appartenant à des ressortissants étrangers sous sanction doivent faire l’objet de mesures de gel. La DGCCRF a donc vérifié que les agences avaient mis en œuvre ces dispositifs.
Les enquêteurs ont également évalué la formation des employés aux procédures anti-blanchiment et la capacité des agences à signaler des transactions suspectes à Tracfin (Traitement du renseignement et action contre les circuits financiers clandestins).
Des sanctions en cas de manquement
Les agences immobilières contrôlées risquent des sanctions significatives si des infractions sont constatées. En effet, la DGCCRF a le pouvoir d’émettre des injonctions pour obliger les professionnels à se conformer à la législation. En outre, ces injonctions peuvent être assorties d’amendes financières substantielles en cas de récidive ou de manquements graves.
Dans les cas les plus critiques, lorsque des violations manifestes sont identifiées, la DGCCRF peut saisir la Commission nationale des sanctions (CNS). Cette dernière est habilitée à prononcer des amendes pouvant atteindre plusieurs millions d’euros, ainsi que des interdictions temporaires d’exercer.
Certaines infractions, notamment la non-déclaration de transactions suspectes ou le non-respect des mesures de gel des avoirs, peuvent entraîner des poursuites judiciaires et des sanctions pénales. La Fédération nationale de l’immobilier (Fnaim) rappelle que les agents immobiliers encourent des peines pouvant aller jusqu’à cinq ans de prison et 5 millions d’euros d’amende.
Ces mesures visent à garantir que les intermédiaires immobiliers jouent pleinement leur rôle dans la prévention des activités criminelles et la sécurisation du secteur.
Les agences immobilières face à leurs obligations
Pour se conformer à la législation, les agences immobilières doivent mettre en place des procédures robustes de contrôle interne. Cela inclut :
- La formation régulière du personnel. Chaque employé doit être sensibilisé aux techniques de blanchiment d’argent et aux indicateurs de transactions suspectes.
- La création de référents LCB-FT. Certaines agences désignent un responsable chargé de superviser la conformité et de centraliser les signalements.
- La collaboration avec Tracfin. Toute transaction douteuse doit être signalée sans délai. Ce signalement permet aux autorités de suivre les flux financiers et de déclencher des enquêtes en cas de soupçon avéré.
Face à la montée des contrôles, certaines agences ont renforcé leurs dispositifs de vérification. En cela, elles font appel à des cabinets spécialisés en conformité ou à des avocats experts en droit financier. Cette professionnalisation s’inscrit dans une dynamique globale. Elle vise à rendre le secteur plus transparent et à restaurer la confiance du public.
Conclusion
Les contrôles menés par la DGCCRF dans l’immobilier de luxe traduisent une volonté claire de l’État de lutter efficacement contre le blanchiment d’argent. Le secteur, en raison de ses montants élevés et de sa dimension internationale, reste particulièrement exposé. Les mesures prises visent à renforcer la transparence, protéger l’économie et prévenir les risques liés aux financements illégaux.