Le secteur immobilier est porteur de risques avérés de blanchiment d’argent. Toutes les étapes d’un projet immobilier sont concernées : attribution de marchés publics, construction, transactions ou locations, obtention de prêts immobiliers… TRACFIN met en évidence des failles et identifie, le cas échéant, des pistes de renforcement pour lutter contre ces infractions.
Les risques de blanchiment d’argent dans l’immobilier
Les investissements immobiliers constituent un important vecteur de blanchiment d’argent en France. Certains segments du marché comme l’immobilier parisien sont les plus visés. C’est également le cas pour l’immobilier de prestige dans les régions à fort potentiel touristique.
Toutefois, les risques de blanchiment dans l’immobilier ne se limitent pas à ces deux segments. TRACFIN (Traitement du Renseignement et Action contre les Circuits Financiers Clandestins) constate ce type d’opérations lors de l’achat de biens résidentiels grand public dans la périphérie des agglomérations. Dans la plupart des cas, ce sont les trafics de stupéfiants qui financent ces achats. L’immobilier commercial offre également des opportunités pour des réseaux de blanchiment d’argent.
Notons, que le secteur de l’immobilier fait intervenir une diversité d’acteurs professionnels. Certains sont particulièrement exposés au risque de blanchiment d’argent. C’est notamment le cas des promoteurs immobiliers, des marchands de biens et de certains fonds d’investissement spécialisés immatriculés à l’étranger.
Ces derniers ont recours à des montages complexes afin de dissimuler le bénéficiaire effectif du bien et l’origine des fonds utilisés pour son acquisition. D’ailleurs, les notaires et les agents immobiliers, assujettis aux obligations de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme (LCB/FT), jouent un rôle primordial dans la détection de ces opérations.
TRACFIN constate une plus grande implication des professionnels en 2019. Conformément à leur obligation, les notaires ont transmis 1816 déclarations de soupçon (+23 % en un an). Tandis que les professionnels de l’immobilier en ont adressé 376 (+37 %). Toutefois, le volume d’informations déclarées reste faible au vu du nombre de transactions immobilières réalisées chaque année en France.
Escroquerie aux prêts immobiliers
Le financement d’opérations immobilières expose les établissements financiers. Aussi, TRACFIN constate que des prêts sont obtenus de manière frauduleuse par des réseaux d’escrocs. Pour ce faire, les fraudeurs utilisent de faux justificatifs de revenus et de patrimoine. De même, certains possèdent de faux documents d’identité. Ces escroqueries commises en bande organisée reposent sur une connaissance pointue du secteur. On constate que ces réseaux bénéficient parfois de la complicité d’études notariales ou de professions spécialisées telles que les marchands de biens immobiliers.
La profession de marchand de biens immobiliers n’est pas réglementée par une loi spécifique. Celle-ci n’est donc pas assujettie au dispositif de LCB/FT. Pourtant, elle présente un risque particulièrement élevé en matière de blanchiment d’argent.
Les enjeux financiers des transactions immobilières sont un vecteur privilégié pour l’intégration de fonds issus de divers crimes et délits. Aussi, certaines opérations d’acquisition-vente de biens immobiliers facilitent le blanchiment de fonds frauduleux ou d’origine criminelle. En particulier lorsque les transactions sont effectuées par l’intermédiaire de structures ou montages financiers destinés à masquer l’identité du bénéficiaire effectif.
De toute évidence, les vulnérabilités les plus importantes du secteur immobilier français concernent les opérations de montant élevé. Pour ces motifs, l’immobilier de prestige ou l’immobilier d’affaires sont particulièrement visés.
D’autant plus lorsque ces opérations portent sur des biens situés en zone frontalière ou font intervenir une clientèle étrangère. Certaines de ces opérations visent à blanchir le produit de fonds issus de la corruption ou du détournement de fonds publics.
Les risques de blanchiment d’argent des opérations immobilières en VEFA
La VEFA, également appelée « achat sur plan », consiste à acheter un bien immobilier en cours de construction. Le vendeur s’engage à livrer ce bien à l’acheteur, une fois achevé. C’est le notaire qui conclut obligatoirement les ventes immobilières. L’acte d’acquisition doit être un acte authentique.
L’acte authentique contient les informations suivantes :
- une description exacte et détaillée du logement ;
- le prix et l’échelonnement des paiements en fonction de l’avancement des travaux, soit au maximum :
- 35 % du prix à l’achèvement des fondations,
- 70 % du prix à la mise hors d’eau (murs et toiture achevés…),
- 95 % du prix à l’achèvement de l’immeuble,
- et le solde (5 %) lors de la mise à disposition du bien à l’acquéreur.
Un schéma qui diffère de celui d’une vente immobilière classique
L’acte notarié indique un versement initial sur le compte de l’office et des versements ultérieurs « paiement de la fraction » sur un compte bancaire centralisateur. Ce dernier est un compte technique. En cela, il sert d’intermédiaire entre les particuliers acquéreurs et les promoteurs immobiliers. Il est donc abondé au fur et à mesure de l’avancement des travaux.
La modalité du financement d’un bien en VEFA passe nécessairement par le compte de la Caisse des dépôts et consignations (CDC) du notaire qui enregistre l’acte. Puis par un établissement bancaire qui enregistre le paiement échelonné via le compte centralisateur du programme immobilier.
Ce schéma diffère de celui d’une vente immobilière classique, où l’ensemble des flux financiers est enregistré au sein du compte CDC du notaire. En effet, l’échelonnement des paiements peut attirer des personnes physiques ou morales cherchant à blanchir des fonds de manière fragmentée. Aussi, certaines opérations de blanchiment d’argent sont susceptibles d’être réalisées avec la complicité de promoteurs immobiliers. Une vigilance particulière est à observer lorsque les fonds proviennent de l’étranger ou transitent par des sociétés tierces à l’opération immobilière sans justification économique apparente.
Pour conclure,
L’immobilier est au centre des préoccupations de TRACFIN. Le service de renseignement financier incite donc les professionnels du droit et de l’immobilier à poursuivre leurs efforts. Car, le volume d’informations déclarées reste encore modeste en rapport au nombre de transactions immobilières réalisées chaque année en France. 2 192 déclarations de soupçons en 2019, alors que les ventes de logements anciens ont passé le cap du million, d’octobre 2018 à septembre 2019 !
> Consulter le rapport complet “Tendances et analyse des risques de BC/FT en 2019-2020”.