L’immobilier francilien a connu une mutation spectaculaire en trente ans. Les Notaires du Grand Paris publient une analyse édifiante : les appartements à moins de 4 000 €/m² représentaient 80% des ventes en 2000, contre seulement 30% aujourd’hui. À Paris, la situation est encore plus frappante : les biens sous 6 000 €/m² ont quasiment disparu depuis 2010. Cette étude inédite pose une question essentielle : l’accès à la propriété est-il devenu un luxe réservé aux ménages les plus aisés ? En analysant trente ans de transactions par tranches de prix en euros constants, les notaires révèlent comment l’immobilier francilien s’est progressivement fragmenté entre un marché abordable en recul et un segment haut de gamme en pleine expansion.
Sommaire :
- Comment l’immobilier francilien s’est-il transformé en 30 ans ?
- Pourquoi les logements abordables reculent-ils en Île-de-France ?
- Comment le haut de gamme s’est-il imposé dans l’immobilier francilien ?
- Paris constitue-t-il un marché à part dans l’immobilier francilien ?
- Quelles perspectives pour l’immobilier francilien après 2022 ?
À retenir – 30 ans d’évolution de l’immobilier francilien
- Les appartements à moins de 4 000 €/m² représentaient 80 % des ventes jusqu’en 2000, contre seulement 30% aujourd’hui en Île-de-France.
- Les tranches supérieures à 6 000 €/m², quasi inexistantes avant 2003, pèsent aujourd’hui 50% des transactions dans l’immobilier francilien.
- Les biens à moins de 6 000 €/m² sont passés de 96% des ventes en 1996 à seulement 2% en 2025 dans la capitale.
- L’immobilier francilien se fragmente entre acquéreurs sensibles au crédit et acheteurs très solvables peu dépendants des taux d’intérêt.
- Après deux années d’ajustement, les prix progressent modérément (+1,3% en Île-de-France, +1,8% à Paris) avec un redémarrage des volumes (+8% pour les appartements).
Comment l’immobilier francilien s’est-il transformé en 30 ans ?
Depuis le milieu des années 1990, le marché résidentiel francilien a traversé plusieurs cycles majeurs. La progression des prix a profondément remanié la physionomie de l’immobilier francilien. En effet, l’évolution des conditions de financement et les transformations socio-démographiques ont également contribué à cette mutation.
Les Notaires du Grand Paris ont analysé ces mutations en euros constants, permettant ainsi une comparaison objective sur trois décennies. Cette méthode révèle comment les volumes de ventes se redistribuent entre les différents segments de prix.
L’analyse porte sur sept tranches de prix pour les appartements. Elles s’échelonnent du plus abordable (moins de 2 000 €/m²) au très haut de gamme (plus de 12 000 €/m²). Cette grille de lecture a été appliquée à l’Île-de-France et à Paris sur une période de 30 ans. Elle met ainsi en évidence les contrastes croissants entre Paris et sa région. En effet, le marché francilien subit une fragmentation progressive qui redéfinit l’accessibilité à la propriété. Or, cette transformation s’accélère depuis le début des années 2000.
Pourquoi les logements abordables reculent-ils en Île-de-France ?
Le segment accessible perd du terrain depuis 20 ans
Les appartements vendus à moins de 4 000 €/m² dominaient largement l’immobilier francilien jusqu’au début des années 2000. Ils représentaient alors plus de 80% des transactions. Mais, depuis 2006, cette tranche ne représente que 30% des transactions. Ce repli progressif caractérise l’évolution du marché. Puisque les augmentations de prix ont considérablement ralenti l’accès à la propriété des ménages modestes.
Le recul s’est opéré de manière progressive mais constante jusqu’en 2005. Néanmoins, le pouvoir d’achat des ménages a été soutenu par la combinaison de taux de financement bas et d’un allongement des durées d’emprunt, au moins jusqu’en 2022. Par conséquent, ces ménages ont pu maintenir une présence sur le marché de l’immobilier francilien malgré la hausse des prix.
Les classes moyennes concentrées sur un segment intermédiaire
Depuis 2007, le prix médian de l’immobilier francilien évolue entre 4 000 et 6 000 €/m². Cette tranche intermédiaire représente en moyenne 20% des transactions dès le milieu des années 2000. Ces niveaux de prix reflètent un marché destiné aux classes moyennes solvables, mobilisant souvent la totalité de leur capacité d’emprunt.
La hausse des taux depuis 2022 a fragilisé l’ensemble des emprunteurs. Cependant, ce segment s’est stabilisé, bien que sur des volumes moindres. Ce qui démontre la résilience relative de cette catégorie d’acquéreurs sur le marché de l’immobilier francilien. En octobre 2025, le prix moyen des appartements en Île-de-France atteint 6 220 €/m², soit une hausse de 1,3% en un an.
Comment le haut de gamme s’est-il imposé dans l’immobilier francilien ?
Une montée en puissance spectaculaire depuis 2005
Les tranches supérieures à 6 000 €/m², longtemps marginales à l’échelle régionale (entre 1% et 13% jusqu’en 2003), progressent sensiblement à partir de 2005. Elles représentent désormais en moyenne 50% des transactions depuis vingt ans. Cette progression marque un tournant majeur dans la structure de l’immobilier francilien.
Les tranches les plus élevées (au-delà de 10 000 €/m²), inexistantes jusqu’en 2002, connaissent une accélération notable depuis 2010. En effet, de 9% des ventes en 2010, elles atteignent 31% en 2021, avant de redescendre. Toutefois, elles sont en nette diminution depuis 2022 et représentent encore 15% des ventes d’appartements en 2025.
À Paris, le prix au m² atteint 9 650 € en octobre 2025, avec une progression de 1,8% en un an, confirmant la domination du segment haut de gamme dans la capitale.
Un marché porté par les acquéreurs très solvables
Cette progression du segment haut de gamme illustre un renforcement des acquéreurs particulièrement solvables. Ces derniers ont bénéficié de conditions financières attractives sur la période 2015-2022. Par conséquent, ils disposent aujourd’hui de la capacité financière pour animer le marché de l’immobilier francilien malgré la hausse des taux.
Cette fragmentation croissante définit un nouvel équilibre. D’un côté, une offre s’adresse à des acquéreurs dont la solvabilité est devenue extrêmement sensible à la conjoncture financière. De l’autre, une offre haut de gamme moins dépendante du crédit et davantage liée à des logiques patrimoniales structure l’immobilier francilien. Les volumes de ventes d’appartements progressent de 8% en un an sur la période août-octobre 2025, totalisant 20 890 transactions en Île-de-France. Le signe d’un redémarrage porté notamment par ces acquéreurs aisés.
Paris constitue-t-il un marché à part dans l’immobilier francilien ?
La disparition quasi totale des segments abordables
Si l’Île-de-France connaît une montée progressive des prix, Paris suit une trajectoire encore plus accentuée. À partir de 2010, les tranches inférieures à 6 000 €/m² disparaissent presque complètement du marché parisien. En effet, de 96% des ventes en 1996 puis 12% en 2009, elles n’en représentent plus que 2% en 2025, selon les données des Notaires du Grand Paris.
La capitale glisse progressivement vers un marché quasi exclusivement composé de biens fortement valorisés. Cette accélération très nette se produit entre 2017 et 2021. Durant cette période, les tranches supérieures à 10 000 €/m² représentent plus de 60% des transactions, avec un pic de 89% observé en 2020. Cette concentration sur le haut de gamme reflète la spécificité du marché parisien au sein de l’immobilier francilien.
Un rééquilibrage récent mais un marché toujours inaccessible
Depuis 2022, les tranches de prix se rééquilibrent avec une répartition quasiment équivalente entre le segment inférieur à 10 000 €/m² et le segment supérieur. Néanmoins, cette évolution traduit une déconnexion croissante entre les prix parisiens et les capacités financières des ménages franciliens.
Les achats deviennent l’apanage des catégories professionnelles les plus aisées. Le marché parisien tend à devenir un marché “à solvabilité extrême”. Ainsi, il se caractérise par une demande peu sensible au coût du crédit : héritiers, ménages très aisés, investissements sécurisés, expatriés et clientèle internationale. Paris, dans sa distribution des prix, constitue un marché spécifique déconnecté du reste de l’immobilier francilien.
Sur la période août-octobre 2025, Paris enregistre 6 620 ventes d’appartements, soit une progression de 8% en un an, confirmant le dynamisme de ce marché spécifique.
Quelles perspectives pour l’immobilier francilien après 2022 ?
L’ajustement en cours depuis 2022 ouvre une nouvelle phase du cycle immobilier francilien. La hausse récente des taux d’intérêt a déjà entraîné une forte réduction des volumes et une correction relativement modérée des prix. Par conséquent, la hiérarchie actuelle des prix reflète celle des capacités financières des ménages.
L’analyse par tranches de prix constitue un outil essentiel pour comprendre les trajectoires divergentes de l’accès à la propriété au sein du marché francilien. En effet, cette méthodologie permet d’anticiper les évolutions futures et d’identifier les segments les plus vulnérables aux variations de la conjoncture financière dans l’immobilier francilien.
Les projections pour février 2026 prévoient une légère hausse annuelle de 1,7% pour les appartements en Île-de-France et de 1,5% à Paris. Ce qui confirme la stabilisation progressive du marché après deux années d’ajustement.

