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Bail mobilité : comment débloquer la vacance immobilière en France ?

Bail mobilité : comment débloquer la vacance immobilière en France ?

Des milliers de logements restent vides en France. Paradoxe : pendant que la crise du logement s’aggrave, un stock immobilier “dormant” échappe au marché locatif. Selon Gabriel Brüser, Directeur France de Wunderflats, les propriétaires fuient le bail classique qui ne garantit pas la récupération de leur bien à date fixe. Résultat : ils basculent vers la location touristique ou laissent tout simplement leur logement vide. Le bail mobilité, créé en 2018, offre une alternative flexible. Pourtant, deux freins réglementaires bloquent son essor : l’interdiction du dépôt de garantie et une durée limitée à dix mois. Comment transformer cette vacance subie en atout économique ? Quelles réformes débloqueraient ce gisement immobilier au service de l’attractivité française ?


Sommaire :


À retenir – Bail mobilité et vacance immobilière

  • Des milliers de logements restent vides faute de flexibilité du bail classique.
  • Le bail mobilité permet de louer de 1 à 10 mois avec récupération garantie du bien.
  • L’interdiction du dépôt de garantie expose les propriétaires aux impayés et dégradations.
  • La limite de 10 mois exclut les missions professionnelles de 12 à 18 mois.
  • Deux réformes clés : autoriser une garantie sécurisée et étendre la durée maximale.

Pourquoi les propriétaires laissent-ils leurs logements vacants ?

Un stock immobilier inexploité

La vacance immobilière en France ne se limite pas aux logements abandonnés. En effet, elle concerne aussi des biens occupés de manière intermittente. Ces propriétés appartiennent à des professionnels en mobilité, des expatriés conservant un pied-à-terre en France, ou encore des héritiers en attente de succession.

Selon Gabriel Brüser, Directeur France de Wunderflats, ce parc dormant constitue “une réalité structurelle complexe qui dépasse largement les simples absences vacancières”.

Ces situations créent un gisement considérable de logements hors du marché locatif traditionnel. Ce phénomène touche particulièrement les grandes agglomérations, notamment l’Île-de-France.

La rigidité du bail classique comme frein majeur

Le bail d’habitation classique impose une durée minimale de trois ans pour une location vide. Pour une location meublée, la durée est d’un an renouvelable. Toutefois, aucune garantie n’est offerte au propriétaire pour récupérer son bien à une date précise. Cette contrainte dissuade les propriétaires qui ont besoin de flexibilité.

Face à la rigidité du bail classique, qui ne garantit pas de récupérer son bien à date fixe, ces propriétaires se détournent du locatif résidentiel. Plutôt que de s’engager dans un bail mobilité ou un contrat de location longue durée, ils choisissent deux alternatives. Ainsi, la location touristique de courte durée retire des logements du marché de l’habitation. Et, par ailleurs, la vacance pure et simple laisse les biens inoccupés. Dans les deux cas, ces logements n’alimentent pas l’offre résidentielle pour les actifs et les familles qui vivent et travaillent dans les métropoles.

Solution de location choisie et avantages pour le propriétaire

Comment le bail mobilité répond-il aux besoins de l’économie moderne ?

Une infrastructure d’accueil pour les talents

L’économie française a évolué vers plus de mobilité professionnelle. Désormais, la compétitivité ne repose plus uniquement sur les salaires. Elle s’appuie aussi sur la capacité à accueillir rapidement des talents en mobilité.

Gabriel Brüser affirme que “la bataille pour l’emploi et l’innovation ne se joue plus uniquement sur les salaires, mais également sur la capacité d’accueil des talents. Impatriés, consultants, chercheurs, équipes projets : ces profils ne cherchent pas à s’installer pour dix ans. En réalité, ils ont besoin d’un logement pour six, douze ou dix-huit mois”.

Le bail mobilité offre précisément ce cadre intermédiaire entre l’hôtel et la location traditionnelle. Par ailleurs, le logement doit désormais être considéré comme une brique essentielle de l’infrastructure pour l’attractivité du territoire.

Un dispositif créé en 2018 encore sous-exploité

Instauré par la loi ELAN de 2018 (article 25), le bail mobilité permet de louer un logement meublé pour une durée de un à dix mois maximum, non renouvelable. Il s’adresse exclusivement aux personnes justifiant d’une situation de mobilité. Sont concernés : formation professionnelle, études supérieures, engagement volontaire, apprentissage, stage, mission temporaire ou mutation professionnelle.

Le propriétaire récupère automatiquement son bien à la date prévue au contrat. En effet, aucune procédure de congé ni risque de reconduction tacite n’existe.

Selon Gabriel Brüser, “le bail mobilité est une première réponse pertinente : un cadre pour déverrouiller ce stock sans cannibaliser le logement familial pérenne. Ces biens, disponibles par intermittence, ne seront jamais intégrés dans le marché locatif classique. Ainsi, ils permettent de maintenir des logements dans le giron résidentiel plutôt que dans la location touristique.”

Quels sont les freins actuels au développement du bail mobilité ?

L’absence de dépôt de garantie inquiète les propriétaires

Toutefois, l’interdiction du dépôt de garantie dans le cadre du bail mobilité constitue un frein majeur à son développement. En effet, les propriétaires redoutent deux risques principaux : les impayés de loyer et les dégradations du logement.

Gabriel Brüser qualifie cette interdiction “d’anomalie qui prive le bailleur de tout filet de sécurité immédiat face à ces deux aléas financiers. Or, les procédures de recouvrement restent longues et incertaines”.

Par conséquent, cette absence de garantie crée un déséquilibre dissuasif qui pousse mécaniquement vers la location touristique ou la vacance, perçues comme moins risquées. Sans mécanisme de couverture, de nombreux propriétaires préfèrent ne pas prendre le risque de louer leur bien via un bail mobilité.

Une limite de durée inadaptée aux réalités professionnelles

Le plafond actuel de dix mois ne correspond plus aux parcours professionnels contemporains. Pourquoi empêcher un ingénieur en mission de 14 mois ou un consultant en projet de 18 mois d’accéder à ce bail ? Cette limite arbitraire ne reflète plus la réalité des parcours professionnels actuels.

Pourtant, l’enjeu réel est la prévisibilité, pas la durée. En effet, tant que la date de fin est ferme, contractuelle et non reconductible, garantissant au propriétaire la récupération de son bien à une date connue d’avance, la durée exacte importe peu. Ainsi, cette rigidité temporelle empêche de nombreux professionnels en mobilité de bénéficier du dispositif. Elle maintient également des logements hors du marché locatif.

Analyse des obstacles réglementaires qui limitent l'adoption du bail mobilité et des solutions préconisées pour les lever.
Analyse des obstacles réglementaires qui limitent l’adoption du bail mobilité et des solutions préconisées pour les lever.

Quelles réformes débloqueraient ce stock immobilier ?

Rétablir un mécanisme de couverture agile

Pour convaincre les propriétaires de remettre leurs biens sur le marché, il est donc urgent de rétablir un mécanisme de couverture agile. Cette sécurisation peut prendre la forme “d’un dépôt encadré ou d’une garantie liquide et réactive”. Elle doit être “capable de sécuriser le propriétaire à la fois sur la remise en état du bien et sur le recouvrement des loyers”.

L’enjeu est pragmatique. En effet, sans cette protection, les propriétaires continueront à privilégier d’autres options moins risquées. Cette réforme est présentée comme la condition sine qua non pour débloquer l’offre. Elle permettrait ainsi au bail mobilité de changer d’échelle. Néanmoins, la couverture doit être suffisamment réactive pour rassurer les bailleurs. Elle doit également rester accessible pour les locataires en mobilité.

Aligner la durée du bail sur les missions professionnelles

La réforme proposée vise à permettre d’aligner le bail sur la réalité justifiée de la mission (stage, chantier, mission R&D). Au lieu d’imposer un plafond arbitraire de dix mois, le dispositif devrait s’adapter à la durée documentée de la mission professionnelle. Qu’elle soit de douze, quatorze ou dix-huit mois. L’essentiel est de maintenir le principe fondamental.

Ainsi, tant que la date de fin est ferme, contractuelle et non reconductible, le bail mobilité offre la flexibilité nécessaire aux talents. Il garantit également aux propriétaires la récupération certaine de leur bien. Par conséquent, cette évolution réglementaire permettrait d’étendre significativement le champ d’application du dispositif. Elle ne remettrait toutefois pas en cause sa philosophie initiale.

Profils professionnels en mobilité et compatibilité avec le bail mobilité actuel
Profils professionnels en mobilité et compatibilité avec le bail mobilité actuel

Quel impact économique pour l’attractivité de la France ?

Le logement comme levier de compétitivité territoriale

Dans la compétition mondiale pour attirer les compétences, le logement constitue une brique essentielle de l’infrastructure d’accueil. Les entreprises cherchent à recruter des talents internationaux ou à déployer des équipes en mobilité. Or, elles se heurtent au verrouillage de cette offre intermédiaire qui pénalise directement notre économie.

Quels sont les freins actuels au développement du bail mobilité ?

Dès lors, un bail mobilité réformé et sécurisé fluidifierait ces parcours professionnels. Il renforcerait ainsi l’attractivité économique du territoire français. Ce besoin se fait particulièrement sentir dans les métropoles où se concentrent l’innovation et l’emploi qualifié.

Un cercle vertueux pour tous les acteurs

L’activation de ce stock immobilier dormant créerait un triple bénéfice. D’abord, la sécurité pour les propriétaires qui peuvent rentabiliser leur bien sans perdre le contrôle de sa disponibilité future. Ensuite, la flexibilité pour les talents en mobilité qui trouvent un logement adapté à leur durée de mission. Ils évitent ainsi les solutions coûteuses ou inadaptées. Enfin, la fluidité pour les entreprises qui peuvent plus facilement déployer leurs équipes. Elles ne se heurtent plus aux contraintes du marché immobilier. Cette “alliance de la pierre et du mouvement” représente un levier de croissance immédiat pour l’économie française. Valoriser ce stock immobilier est à notre portée. En effet, il suffit d’adapter le cadre existant pour activer ce cercle vertueux.

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Isabelle DAHAN

Isabelle DAHAN

Rédactrice en chef de Monimmeuble.com. Isabelle DAHAN est consultante dans les domaines de l'Internet et du Marketing immobilier depuis 10 ans. Elle est membre de l’AJIBAT www.ajibat.com, l’association des journalistes de l'habitat et de la ville. Elle a créé le site www.monimmeuble.com en avril 2000.

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