Emmanuelle Cosse, Ministre du Logement et de l’habitat durable, a signé mercredi 29 juin 2016 l’arrêté étendant au territoire de l’unité urbaine de Paris l’agrément de l’Observatoire des loyers de l’agglomération parisienne (OLAP). Compte-tenu de l’ampleur du travail d’observation, l’encadrement des loyers pourra donc entrer en vigueur à partir de 2018 dans l’agglomération parisienne.
La ministre a signé mercredi un arrêté permettant d’étendre le dispositif d’encadrement des loyers à 412 communes de la région parisienne. Selon la ministre, il s’agit d’ « une mesure de progrès social et de régulation qui va bénéficier à 8 millions de franciliens ».
« L’agglomération parisienne connait un marché locatif tendu, où les loyers grèvent durement le budget des ménages. Je me félicite de cette étape décisive vers l’encadrement des loyers sur ce territoire. Plus de huit millions de Franciliens sont concernés par cette mesure qui va permettre de lutter contre les loyers trop chers et de redonner du pouvoir d’achat. L’observation, puis l’encadrement des loyers à Paris – où les loyers avaient augmenté de 34% en dix ans – ont démontré l’efficacité de ce dispositif », indique Emmanuelle Cosse.
Cet élargissement de l’encadrement des loyers, qui avait été évoqué par la ministre en avril, concerne les départements des Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis, Val-de-Marne, Yvelines, Val d’Oise, Essonne et Seine-et-Marne.
Lille sera la deuxième métropole française à mettre en œuvre l’encadrement des loyers en décembre 2016. Grenoble a également lancé son observatoire et souhaite pouvoir encadrer des que les données seront suffisantes. Il existe, à ce jour, 24 observatoires couvrant 30 agglomérations soit un tiers de la population française.
Dans les semaines à venir, la ministre du Logement et de l’Habitat durable fera des annonces pour une meilleure information des citoyens sur le dispositif d’encadrement des loyers et les moyens, pour les locataires comme pour les propriétaires, de s’assurer que leur loyer respecte la loi et, le cas échéant, de connaître les recours possibles.
« Il y a eu beaucoup d’incompréhensions et d’idées fausses sur l’encadrement des loyers. C’est un dispositif nécessaire et efficace pour redonner du pouvoir d’achat aux ménages et renforcer l’offre de logement abordable dans les grandes villes », précise Emmanuelle Cosse. En effet, cette décision est largement controversée.
La Présidente de la région Ile-de-France, Valérie Pécresse, la désapprouve : « Le blocage des loyers, en baissant la rentabilité de l’investissement locatif, va dissuader des opérations de construction et de rénovation, pourtant indispensables pour stabiliser les prix de l’immobilier en Ile-de-France et répondre aux besoins des Franciliens. Cette décision, court-termiste et électoraliste, prise sans aucune concertation avec les maires, risque d’avoir des effets désastreux dans notre région, alors que notre objectif est de construire 70.000 logements par an. »
Lors du Comité régional de l’habitat et de l’hébergement (CRHH) qui s’est réuni ce mercredi 29 juin, le vice-président de la région chargé du logement et de la politique de la ville, Geoffroy Didier, a d’ailleurs rappelé l’opposition de la région à cette mesure, à l’occasion de la présentation de la politique de la région en faveur de la construction.
Jean-François Buet, Président de la FNAIM estime que l’encadrement des loyers est une mauvaise solution pour un vrai problème. « Ce dispositif est une aberration qui ne vise qu’à restreindre encore plus l’offre locative. La crise du logement est déjà criante sur Paris, ce n’est pas en organisant la pénurie avec un encadrement des loyers que cela va s’améliorer. Les locataires ne trouvent pas de logement, et cela empire de jour en jour », ajoute-t-il.
Pour Maud Velter, Directrice Associée de Lodgis, « étendre l’encadrement des loyers à d’autres zones paraît prématuré. Cela fait moins d’un an que la mesure est entrée en vigueur à Paris à titre expérimental et il n’est pas encore possible d’en mesurer l’impact notamment sur l’entretien du parc locatif privé. De plus, les premiers bilans suite à l’encadrement des loyers montrent que la réglementation ne semble pas respectée, les loyers n’ayant pas évolué à la baisse. Enfin, dans les faits cela ne permet pas aux locataires de se loger plus facilement. »
Bernard Cadeau, président d’ORPI, a réagi également à cette annonce : « Chez ORPI, nous dénonçons depuis le début l’inefficience du dispositif à l’échelle parisienne. Ma crainte aujourd’hui, c’est que les mêmes causes produisent les mêmes effets, et qu’à l’échelle régionale, les difficultés issues de la mesure soient démultipliées. La pertinence des données, que l’on peut déjà largement remettre en cause pour Paris intra-muros, risque d’être encore plus discutable sur un territoire si étendu et si diffus. Le recueil des données, qui commence à se mettre en place à Paris, est pour l’instant quasi-inexistant en Ile-de-France. Par conséquent, le risque de conflits autour de la fixation des loyers est accru, étant donné la difficulté à donner des points de repère fiables. »
Les professionnels de l’immobilier dénoncent ce message « désastreux » envoyé aux bailleurs. Ces mesures peuvent les inciter à se tourner vers d’autres placements et c’est déjà le cas à Paris, avec une perte des investisseurs estimée entre 15% et 20% chaque année.
« Les investisseurs vont de nouveau fuir devant cette annonce politicienne. Les rendements locatifs vont continuer à s’éroder sur l’agglomération parisienne. On oriente le marché vers un assèchement de l’offre avec ce type de mesure. Et le risque reste un déplacement de l’offre vers des plates-formes de location touristique. Nous n’attendions qu’une chose à la nomination d’Emmanuelle Cosse, qu’on nous laisse tranquille pendant un an, mais voilà que l’on complexifie et pénalise notre marché et nos métiers », conclut Jean-François Buet.