Le droit de construire pour un lot privatif en copropriété est souvent négligé, entraînant des litiges fréquents. Les propriétaires pensent au permis de construire, mais pas à leurs obligations envers la copropriété. Pourtant, l’autorisation de la copropriété est nécessaire pour éviter toute action en justice pouvant entraîner la démolition de l’ouvrage. Explications de Me Charles DULAC, Avocat au barreau de Paris.
Le droit de construire en copropriété : tout ce qu’il faut savoir
Les copropriétaires sont désireux d’agrandir leur surface habitable. Ils entreprennent alors des travaux dans leurs lots privatifs sans se préoccuper de leurs obligations. Le plus souvent ces travaux vont porter sur :
- la création d’une mezzanine,
- l’aménagement de combles,
- la construction d’une véranda,
- la création d’un étage supérieur, etc.
Dans un premier temps, les propriétaires pensent à déposer préalablement un dossier de permis de construire auprès de la Mairie. En effet, cette démarche est indispensable lorsqu’il est question d’agrandir la surface de plancher. Pour autant, très peu en font la demande à la copropriété. Or, un défaut d’autorisation de la copropriété d’aliéner les droits de construire peut aisément entraîner une action en justice.
En copropriété, il est important de vérifier ce que comportent les titres notariés tels que le règlement de copropriété ou l’état descriptif de division. Ainsi, à défaut de contradiction, le sol doit être considéré comme une partie commune. Cela est vrai, que la copropriété soit un immeuble de plusieurs étages ou des pavillons de plain-pied. Précisons que cette règle découle de l’article 3 de la loi du 10 juillet 1965.
En outre, le droit de construire découle de cette même règle. De fait, il se décompose en droit de surélever, édifier et d’affouiller.
Le droit de construire est donc un accessoire de la partie commune qu’est le sol ou l’assiette foncière de la copropriété. Par conséquent, toute création d’un lot, qu’il soit destiné à un usage commun ou privatif, doit être considérée comme un acte de disposition à l’égard de la copropriété. En cela, il nécessite une autorisation de l’assemblée générale.
Comment céder un droit de construire sur un lot privatif ?
Il faut différencier l’aliénation d’un droit de construire pour un lot à usage commun à celui d’un lot à usage privatif. En effet, pour des parties communes telles qu’un parking ou un local, la démarche est souvent initiée par le syndicat des copropriétaires. De plus, conformément à l’article 30 de la loi du 10 juillet 1965, les copropriétaires voisins ont un droit de préemption sur ces lots.
Concernant le droit de construire pour un lot à usage privatif, il faut se référer à l’article 35 alinéa 1. En effet, ce dernier précise que :
“La surélévation ou la construction de bâtiments aux fins de créer de nouveaux locaux à usage privatif ne peut être réalisée par les soins du syndicat que si la décision en est prise à la majorité prévue à l’article 26.”
Il s’agit d’une disposition d’ordre public. Ainsi, aucune convention ou règlement de copropriété ne peut déroger à la règle de la majorité requise de deux tiers, telle qu’édictée à l’article 26 de la loi du 10 juillet 1965.
De plus, la jurisprudence de la Cour de cassation a tranché cette question. Selon elle, même si un copropriétaire a créé un lot à usage privatif, ce dernier est situé sur le terrain d’assiette de la copropriété, qui est une partie commune. Par conséquent, l’approbation de la majorité requise à l’article 26 est nécessaire (Cass. Civ. 3ème, 20 mars 2002).
Que doit comprendre la résolution en assemblée générale ?
Pour édifier, surélever ou affouiller un lot privatif en copropriété, le copropriétaire devra parcourir plusieurs étapes. Tout d’abord, il devra faire voter une résolution en assemblée générale pour la création d’un lot transitoire attaché au droit d’utiliser la surface de plancher, qui est une partie commune de la copropriété (majorité de l’article 26).
Ensuite, il devra obtenir l’approbation du projet de travaux précis qui affectent les parties communes. Surtout s’ils ont une incidence sur l’aspect extérieur de l’immeuble (majorité de l’article 25 b).
Puis, il devra faire approuver le projet modificatif des tantièmes de copropriété et des charges induites par les travaux (article 26). Enfin, il devra obtenir l’approbation du projet de cession du lot transitoire et la création d’un lot privatif moyennant une indemnité, toujours à la majorité de l’article 26.
En outre, la complexité du projet dans le cadre d’un droit à construire nécessite l’intervention d’un géomètre expert. Rappelons qu’il dispose d’un monopole réglementaire sur les bornages fonciers.
Peut-on légalement s’octroyer un droit de construire par convention ?
Avant la Loi Elan de 2018, les copropriétaires pouvaient réserver le droit de construire sur leur lot privatif. Cependant, ils devaient exercer ce droit dans les dix ans de la convention. Puis, ils soumettaient le projet aux autres copropriétaires pour approbation à la majorité de l’article 25 de la Loi du 10 juillet 1965.
Depuis l’adoption de l’article 37-1 de cette même loi, il n’est plus possible de se réserver conventionnellement des droits de construire, d’affouiller ou de surélever. Toutefois, ces droits peuvent constituer la partie privative d’un lot transitoire. Ainsi, un copropriétaire ne pourra plus prévoir conventionnellement la possibilité de surélever son lot. Néanmoins, le Syndicat des copropriétaires peut avoir créé dès l’origine un lot transitoire. Ce dernier pourra consister en un lot privatif affecté de ce droit de construire. Dans ce cas, le copropriétaire pourra l’aliéner contractuellement.
Comment procéder en cas de construction irrégulière ?
Beaucoup de copropriétaires oublient les règles de la copropriété. Ainsi, ils déposent un permis de construire et ne vont pas plus loin. Cependant, une construction non approuvée en assemblée générale doit être considérée comme une appropriation frauduleuse du droit de construire.
D’ailleurs, la jurisprudence est très sévère à ce sujet. Puisqu’elle permet au syndicat des copropriétaires et à tout copropriétaire de demander la démolition de l’ouvrage irrégulier. Et, cela, sans avoir à justifier d’un intérêt direct.
En outre, les copropriétaires voisins lésés peuvent recevoir une indemnité. Le copropriétaire négligent peut ainsi être sanctionné doublement : il doit démolir son ouvrage et payer des dommages-intérêts.
C’est pourquoi, il est important de se conformer aux règles de la copropriété et d’acquérir les droits de construire avant tout projet d’édification, d’affouillement ou de surélévation. Car, rappelons-le, cette aliénation constitue un droit réel. Il est prescrit non pas de dix ans, mais de trente ans !