La possibilité de mettre un bien immobilier en location va de plus en plus dépendre de sa performance énergétique avec à la clé d’éventuels travaux de rénovation énergétique. Face à ce constat, le rôle du diagnostiqueur immobilier va-t-il progressivement conditionner l’accès au marché locatif ? Analyse de Vincent Desruelles, directeur d’études Xerfi.
Un contexte favorable pour le métier de diagnostiqueur immobilier
Le diagnostic de performance énergétique (DPE) est au cœur des dispositions de la loi Climat résilience promulguée en août 2021. En effet, la note obtenue par le DPE va progressivement conditionner l’accès au marché locatif.
Dès 2023, 1,7 million de logements classés F et G ne pourront ainsi plus faire l’objet d’une hausse de loyer. Que ce soit lors d’un renouvellement de bail ou d’une nouvelle location. Puis une interdiction de location s’appliquera pour les biens classés G et F respectivement en 2025 et 2028.
Le diagnostiqueur immobilier pourra aussi compter sur le nouveau DPE, entré en vigueur en juillet dernier. Ce dernier, prévoit que les évaluations réalisées avant le 1er janvier 2018 devront être renouvelées avant fin 2022. Pour toutes les autres, l’échéance tombe avant fin 2024.
De plus, le haut niveau des transactions dans l’ancien soutiendra également la demande. Les repérages amiante avant-travaux et démolition profiteront du rebond dans la construction. C’est d’ailleurs, le principal segment dans le BtoB.
Dans ces conditions, le chiffre d’affaires des professionnels augmentera de 5% par an d’ici à 2023, selon nos prévisions.
Diagnostiqueur immobilier : des facteurs de tension concentrés sur les prix
L’enjeu tarifaire devrait se traduire par une consolidation du secteur sur fond de montée en expertise. Pour autant, le diagnostiqueur immobilier « solo » compose l’essentiel du tissu économique.
Toujours du côté de la réglementation, on note l’extension du diagnostic déchets aux réhabilitations significatives dès 2022 ainsi qu’au marché adressable du DPE. Ces opportunités constitueront des moteurs non négligeables pour le marché.
Toutefois, la croissance des ventes dans l’ancien devrait ralentir après le rebond de 2021. Néanmoins, les volumes de transactions ne devraient pas retomber sous la barre symbolique du million d’unités à moyen terme.
De la même façon, la bonne tenue du marché de l’emploi favoriseront les projets de déménagement. En clair, la hausse de la mobilité résidentielle soutiendra les missions de diagnostics réglementaires afférentes à la location.
Enfin, les marchés immobiliers et la construction soutiendront la croissance du marché tricolore du DPE. L’avant-travaux constituera également un débouché porteur pour le diagnostiqueur immobilier. En effet, de nombreux facteurs y contribuent comme la raréfaction du foncier et l’obligation de repérage de l’amiante. Certes, cette obligation gagne de plus en plus d’environnements différents ce qui entraine une hausse des missions de repérage liées aux travaux de rénovation.
La structuration du secteur monte en puissance
Or, face à cette demande croissante de DPE, il faut savoir que seulement 40% des diagnostiqueurs appartiennent à un réseau ou sont salariés d’un groupe leader. D’où la nécessité pour le métier de diagnostiqueur immobilier de se structurer.
À cet effet, les enseignes activent en réalité trois grands leviers :
- Étendre la présence territoriale,
- Renforcer l’attractivité,
- Assurer des formations.
Étendre sa présence territoriale est le premier levier
Cela passe par des opérations de croissance externe ou le recrutement de nouveaux franchisés. Hypérion Développement a ainsi mis la main sur Expertam cette année. Une société spécialisée dans le repérage amiante auprès des acteurs du bâtiment.
De plus, les grandes entreprises du secteur cherchent à renforcer leur maillage territorial. Le métier de diagnostiqueur immobilier doit répondre à des demandes de proximité. Cela, aussi bien dans les grandes agglomérations que dans les régions secondaires. Pourtant, certains secteurs sont parfois encore peu développés. À ce titre, la franchise reste la voie privilégiée. C’est pourquoi, les groupes intégrés lancent des campagnes de recrutement offensives à l’instar de Socotec ou Bureau Veritas.
Les enseignes s’efforcent également de renforcer leur attractivité
Par ailleurs, les enseignes s’efforcent également de renforcer leur attractivité auprès des aspirants diagnostiqueurs. Aussi, elles offrent des conditions d’entrée privilégiées. C’est le cas de l’absence de coûts d’adhésion comme cela se pratique chez BC2E. D’autres enseignes étendent les packs de services mis à leur disposition. De sorte qu’elles apportent un soutien juridique aux adhérents alors que les nouvelles règles d’opposabilité du DPE instaurent une responsabilité accrue des professionnels.
La formation est un actif hautement stratégique
Enfin, la formation est un actif hautement stratégique. Soulignons que la profession de diagnostiqueur immobilier peut aussi passer par la reconversion. Or, ce métier est actuellement en tension. Puisque plus d’un millier de postes sont à pourvoir dans l’Hexagone. Face à cette situation, signalons l’existence du centre de formation de BC2E accessible à tous les diagnostiqueurs de France. Il permet ainsi d’engranger des revenus supplémentaires.
Prendre le virage du numérique
Le segment du BtoB poursuit lui aussi sa structuration à marche forcée. Les données collectées lors des repérages amiante avant-travaux constituent par ailleurs une mine d’or pour les acteurs du BtoB. Car ces derniers sont désireux de construire une offre crédible dans la numérisation du bâti et l’accompagnement des gestionnaires de patrimoine (bailleurs sociaux, collectivités, entreprises…).
Les leaders du segment ont ainsi lancé les grandes manœuvres pour profiter des retombées importantes attendues dans l’entretien-rénovation et la démolition. AC Environnement a ainsi créé une nouvelle filiale baptisée Digiliance. Elle est dédiée à la numérisation des bâtiments pour le compte de gestionnaires de biens.
En dernier lieu, la collecte et l’analyse des données recueillies peuvent permettre d’accélérer la mutation des acteurs du diagnostic. En effet, ils pourront s’orienter vers un modèle de « bureau d’études de l’existant ». Toutefois, le chemin s’annonce semé d’embûches du fait d’un champ concurrentiel bien plus vaste. Puisqu’il est composé notamment des bureaux de contrôle, mais également des bureaux d’études et sociétés d’ingénierie. D’ailleurs, ces dernières jouissent d’une forte crédibilité dans ce domaine.
Compte tenu des risques dont protègent les diagnostics et de la technicité des opérations, l’accès à la profession est largement réglementé. Le diagnostiqueur immobilier doit, en effet, être certifié par un organisme accrédité par le Cofrac sur chacun des diagnostics proposés.
Ainsi, plus de 55000 certifications actives ont été recensées en 2021, portées par 11600 personnes. Si les profils de compétences sont variés, les généralistes dominent le marché. Près de 4300 professionnels disposent de l’ensemble des certifications pour la réalisation des diagnostics réglementaires portant sur l’immobilier ancien (vente ou location).
Le groupe Xerfi est en France le leader des études économiques sectorielles. Il présente le plus grand catalogue de travaux sur la France et l’International.