Aller au contenu

Logement

Crise du logement : une nouvelle loi de défiscalisation peut-elle sauver le secteur ?

Crise du logement : une nouvelle loi de défiscalisation peut-elle sauver le secteur ?

Lors du 77e congrès de la FNAIM, trois anciens ministres du Logement – Pierre Méhaignerie, Gilles de Robien et Cécile Duflot – se sont exprimés sur la nécessité d’une nouvelle loi de défiscalisation pour répondre à la crise du logement en France. Face à des ventes immobilières en recul et une production de logements neufs en berne, ils ont unanimement plaidé pour des mesures fiscales ambitieuses, tout en dénonçant les blocages administratifs et idéologiques qui freinent le secteur. Cet appel, marqué par une volonté de réformes pragmatiques, souligne l’urgence de repenser les priorités politiques pour assurer un toit à tous.

Sommaire :

La crise actuelle du logement : un besoin de stabilité fiscale

Lors de la 77e édition d’IMMO, le congrès de la FNAIM, Cécile Duflot, Pierre Méhaignerie et Gilles de Robien, accompagnés du président de la FNAIM Loïc Cantin, ont livré leur analyse sur les défis économiques et politiques actuels auxquels fait face le secteur du logement.

Un contexte politique et économique complexe pour le logement

En 2024, la France traverse une période d’instabilité politique et économique, marquée par la censure du gouvernement Barnier le 4 décembre. Or, celle-ci a entraîné le blocage des dispositions prévues dans le projet de loi de finances 2025, notamment l’élargissement du prêt à taux zéro (PTZ). Cette situation a rendu difficile la présence de la ministre du Logement, Valérie Létard, au congrès de la FNAIM le 9 décembre, en raison de l’urgence de gérer les conséquences de cette censure sur les mesures de soutien au secteur immobilier.

Crise du logement : une nouvelle loi de défiscalisation peut-elle sauver le secteur ?
Congrès FNAIM 2024

L’expérience d’anciens ministres du Logement

La FNAIM a donc réuni trois anciens ministres du Logement, chacun ayant mis en place des dispositifs de défiscalisation pour encourager l’investissement locatif :

  • Pierre Méhaignerie (1986-1988) : Il a instauré un mécanisme de déduction fiscale pour les investisseurs, visant à stimuler la construction de logements neufs et à répondre à la demande croissante.
  • Gilles de Robien (2002-2004) : Son dispositif offrait une réduction d’impôt aux particuliers investissant dans l’immobilier locatif, avec des conditions spécifiques pour encourager la location à long terme.
  • Cécile Duflot (2012-2014) : Elle a introduit un dispositif de défiscalisation favorisant l’investissement locatif tout en imposant des plafonds de loyers et de ressources des locataires, afin de promouvoir l’accès au logement pour les ménages modestes.

Ainsi, leurs expériences offrent un éclairage précieux sur les politiques de défiscalisation et leurs nombreux impacts sur le marché immobilier. Ce regard est d’autant plus pertinent dans le contexte actuel, où le dispositif Pinel, introduit en 2014 pour soutenir l’investissement locatif, arrive à son terme le 31 décembre 2024. Leurs analyses permettent de comprendre les réussites et les limites de ces mesures, et d’envisager de nouvelles stratégies pour soutenir le secteur du logement dans un contexte politique et économique incertain.

Une crise du logement aux multiples impacts : pénurie, inégalités et instabilité politique

Ainsi, en 2024, les ventes de logements anciens ont chuté de 18 %, et la construction de logements neufs s’est limitée à 250 000 unités en 2023. Bien en deçà des 400 000 nécessaires pour répondre à la demande. En effet, ces chiffres traduisent une grave pénurie qui fragilise non seulement les familles, mais aussi l’économie. Pour Loïc Cantin, président de la FNAIM, “seuls 17 % des Français peuvent aujourd’hui accéder à la propriété. Cela reflète une fracture sociale préoccupante, qui met en péril notre modèle résidentiel.”

Cette situation impacte les jeunes générations. En cela, Gilles de Robien souligne que “15 % des étudiants abandonnent leurs études faute de logement. Cette réalité exacerbe les inégalités et limite la mobilité sociale.” Par ailleurs, la crise du logement touche de plus en plus les classes moyennes et populaires, qui peinent à trouver des logements adaptés à leurs moyens.

Quant à Cécile Duflot, elle met en lumière une autre facette de cette crise : l’aggravation des inégalités patrimoniales. “La concentration des biens immobiliers dans les mains de quelques grands propriétaires accentue la fracture sociale. Cela freine également l’accès à la propriété pour les ménages modestes et les jeunes actifs”.

Enfin, Pierre Méhaignerie insiste sur l’instabilité des politiques publiques comme facteur aggravant. “Il faut des orientations stables sur le long terme pour permettre aux professionnels de se projeter et construire là où les besoins sont criants”, affirme-t-il.

Défiscalisation : un levier pour atténuer la crise du logement

La défiscalisation a longtemps été un pilier des politiques de soutien au logement en France. Des dispositifs comme la loi Pinel ont permis de stimuler l’investissement locatif et de soutenir la construction. Toutefois, leur extinction en 2024 sans solution de remplacement risque d’aggraver la crise du logement.

Pour Gilles de Robien, “ll faut faire plier Bercy ! Car le ministère ne voit qu’une chose : un avantage fiscal est une dépense. Et, l’on ne veut pas voir la recette qu’il peut y avoir en face. Le logement, qu’il soit de l’acquisition, des travaux, de la construction nouvelle génère des recettes pour l’État, mais aussi pour les collectivités locales. »

Cependant, un tel dispositif nécessite des garde-fous pour éviter les dérives spéculatives. Cécile Duflot plaide pour une régulation stricte : “Les avantages fiscaux doivent être conditionnés à des plafonds de loyers et à des engagements de longue durée pour garantir qu’ils bénéficient réellement aux locataires”.

De son côté, Loïc Cantin critique l’inéquité des politiques actuelles. “Un investisseur locatif bénéficie d’avantages fiscaux significatifs, alors qu’un primo-accédant n’a aucune aide. Cette asymétrie alimente les frustrations sociales et freine l’accession à la propriété”.

Mobiliser les logements vacants : une réponse incontournable à la crise du logement

La France compte aujourd’hui 3,3 millions de logements vacants, soit presque le double d’il y a 18 ans. Or, ces biens représentent une ressource précieuse, souvent négligée, pour répondre à la pénurie de logements accessibles.

C’est pourquoi, Cécile Duflot propose des incitations financières pour encourager la rénovation et la mise sur le marché de ces logements, notamment par le biais de subventions pour des travaux énergétiques et de mises aux normes.

Pour Loïc Cantin, une approche plus coercitive est également nécessaire. “Il est inacceptable de laisser des millions de logements vacants alors que des familles peinent à se loger. Des sanctions fiscales ciblées doivent être appliquées pour inciter les propriétaires à louer leurs biens”. Cette stratégie pourrait réduire significativement la pression sur le marché immobilier dans les zones tendues.

Simplification administrative et innovation

La complexité administrative reste un obstacle majeur à la construction et à la rénovation. Pierre Méhaignerie estime que “les lourdeurs bureaucratiques découragent les investisseurs et ralentissent la production de logements. Nous devons simplifier ces démarches pour permettre une meilleure réactivité”.

L’innovation technologique offre aussi des opportunités pour accélérer les projets immobiliers tout en réduisant les coûts. Gilles de Robien plaide pour une adoption généralisée des matériaux écologiques et des méthodes de construction modulaires. “Ces innovations pourraient devenir la norme, permettant de bâtir des logements plus durables et abordables”.

Enfin, il est essentiel d’adapter les logements aux besoins spécifiques de la population. Pierre Méhaignerie propose de développer des résidences-services pour les étudiants, jeunes actifs et familles monoparentales. “Ces logements doivent être à loyers modérés et inclure des services adaptés, favorisant ainsi la mixité sociale et territoriale”.

Vers une réforme ambitieuse et pragmatique

Pour sortir de l’impasse actuelle et de la crise du logement que l’on connait, les anciens ministres ont formulé des recommandations claires et concrètes. Elles visent à relancer le secteur du logement tout en répondant aux besoins des ménages et aux enjeux économiques. Ainsi, ces propositions s’articulent autour de cinq axes principaux :

  • Un nouveau dispositif de défiscalisation, conditionné à des engagements sociaux et environnementaux.
  • Un élargissement du prêt à taux zéro (PTZ) pour encourager l’accession à la propriété dans toutes les régions, y compris les zones rurales.
  • La mobilisation des logements vacants, avec des incitations et des sanctions combinées.
  • La simplification des démarches administratives, pour accélérer les projets immobiliers.
  • La promotion de l’innovation, tant dans la construction que dans la gestion des logements.

Conclusion : agir face à la crise du logement

La crise du logement constitue une urgence sociale, économique et politique qui nécessite des solutions ambitieuses et concertées. Les propositions formulées lors du congrès de la FNAIM offrent une base solide pour envisager une réforme durable, mais leur mise en œuvre dépendra d’une volonté politique forte et d’une collaboration étroite entre l’État, les collectivités locales et les acteurs privés.

Comme le souligne Pierre Méhaignerie, “il faut revenir à une politique dynamique du logement pour les familles, les entreprises et pour le bien du vivre ensemble. Et c’est possible.” Gilles de Robien appelle, quant à lui, à “moins de discours idéologiques au profit de mesures concrètes et précises qui vont forcément avoir un effet de levier sur le logement le plus rapidement possible.” Répondre efficacement à cette crise ne se limite pas à relancer le secteur immobilier : c’est aussi une condition essentielle pour préserver la cohésion sociale et économique de la France.

Isabelle DAHAN

Isabelle DAHAN

Rédactrice en chef de Monimmeuble.com. Isabelle DAHAN est consultante dans les domaines de l'Internet et du Marketing immobilier depuis 10 ans. Elle est membre de l’AJIBAT www.ajibat.com, l’association des journalistes de l'habitat et de la ville. Elle a créé le site www.monimmeuble.com en avril 2000.

Laisser un commentaire