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Construction

Crise du logement neuf en France : causes et conséquences en 2024

Crise du logement neuf en France : causes et conséquences en 2024

La France traverse actuellement une crise du logement neuf sans précédent. En 2024, le secteur de la construction résidentielle fait face à des défis majeurs, entraînant une chute vertigineuse des ventes et des mises en chantier. Cette situation alarmante résulte d’une combinaison de facteurs économiques et réglementaires. Hausse des coûts de construction, taux d’intérêt élevés et nouvelles normes environnementales ont créé un cocktail explosif. Quelles sont les causes profondes de cette crise ? Quelles en sont les conséquences pour l’économie et la société françaises ?

Sommaire :

Crise du logement neuf en France : un secteur en péril

Les causes multiples d’un effondrement du marché

La crise du logement neuf que traverse la France en 2024 s’explique par plusieurs facteurs convergents. Tout d’abord, l’inflation galopante des dernières années a entraîné une hausse significative des coûts de construction.
Crise du logement neuf en France
Rappelons qu’entre février 2020 et mai 2023, ces coûts ont augmenté de 16,5%, principalement en raison de la flambée des prix des matériaux et de l’énergie. Bien que cette inflation se soit stabilisée depuis, les prix restent élevés. Ils pèsent lourdement sur la rentabilité des projets immobiliers. Selon l’INSEE, l’indice BT01, qui mesure l’évolution du coût de la construction, a atteint 130,7 en mai 2024, contre 111,6 en février 2020, soit une augmentation de 17,4%.

Parallèlement, la lutte contre l’inflation a conduit la Banque Centrale Européenne (BCE) à relever ses taux directeurs. Or, cette politique monétaire restrictive s’est répercutée sur les taux d’intérêt des crédits immobiliers. Ainsi, ils ont atteint des niveaux inédits depuis plus d’une décennie. Malgré une légère baisse récente, ces taux demeurent élevés. En cela, ils réduisent considérablement la capacité d’emprunt des ménages et donc leur pouvoir d’achat immobilier.

Enfin, l’entrée en vigueur de nouvelles réglementations environnementales, notamment la RE2020, a ajouté une couche de complexité et de coûts supplémentaires pour les constructeurs. Si ces normes visent à améliorer la performance énergétique des bâtiments, elles ont également contribué à renchérir le prix des logements neufs. Selon une étude de la Fédération Française du Bâtiment (FFB), la RE2020 entraîne un surcoût moyen de 5% à 10% pour la construction de logements neufs.

Un effondrement des ventes et des mises en chantier

Les conséquences de cette crise du logement neuf sont spectaculaires. Les ventes de maisons individuelles, qui constituaient un pilier du marché immobilier français, se sont effondrées. En 2024, elles devraient atteindre le niveau historiquement bas de 48 000 unités. Soit une chute vertigineuse de 62% par rapport à 2019 ! Cette situation est d’autant plus préoccupante que la moyenne annuelle des ventes entre 2009 et 2022 s’établissait autour de 125 000 unités. Ces chiffres, fournis par le Pôle Habitat FFB, illustrent l’ampleur de la crise que traverse le secteur.

Un effondrement des ventes et des mises en chantier
Pour autant, le segment des appartements neufs n’est pas épargné. Les ventes des promoteurs immobiliers ont chuté de 37% en 2023 par rapport à 2019. Et, la tendance ne semble pas s’inverser en 2024. Malgré quelques mesures de soutien comme le recentrage du Prêt à Taux Zéro (PTZ) sur les logements collectifs, le marché peine à retrouver son dynamisme.

Selon les données du ministère de la Transition écologique, les ventes de logements neufs en promotion immobilière sont passées de 129 547 unités en 2019 à environ 81 600 en 2023.

Impact sur l’économie et l’emploi

La crise du logement neuf a des répercussions importantes sur l’ensemble du secteur du bâtiment et des travaux publics (BTP). Ainsi, l’activité globale du BTP a connu une baisse de 2,7% en volume en 2023. De plus, les prévisions pour 2024 tablent sur un nouveau recul de 2,8%.

Cette contraction de l’activité se traduit par une diminution de l’emploi dans le secteur. Entre le quatrième trimestre 2022 et le premier trimestre 2024, le BTP a perdu 21 800 emplois salariés, soit une baisse de 1,4%.

Toutefois, notons que malgré cette baisse, l’emploi dans le BTP reste supérieur de 6,4% à son niveau d’avant la crise du Covid-19. Cette relative résilience s’explique en partie par la diversification des activités des entreprises du secteur, notamment vers la rénovation énergétique des bâtiments existants.

Les conséquences sociales et territoriales de la crise

Aggravation de la pénurie de logements

La crise du logement neuf intervient dans un contexte déjà tendu sur le marché immobilier français. La baisse drastique de la production de nouveaux logements ne permet pas de répondre aux besoins créés par l’évolution démographique et les mutations sociétales (décohabitation, vieillissement de la population, etc.).

En outre, cette situation risque d’aggraver la pénurie de logements. Et, cela, particulièrement dans les zones tendues comme les grandes métropoles. Selon une étude de la Fondation Abbé Pierre, le déficit de logements en France est estimé à environ 900 000 unités en 2024, un chiffre qui pourrait s’aggraver avec la crise actuelle.

Accentuation des inégalités d’accès au logement

La raréfaction de l’offre de logements neufs, combinée à la hausse des prix et à la difficulté d’accès au crédit, accentue les inégalités d’accès à la propriété. Les primo-accédants et les ménages aux revenus modestes sont les premiers touchés par cette situation. Cette dynamique pourrait renforcer les disparités sociales et territoriales en matière de logement.

Selon une étude de l’Observatoire des inégalités, le taux de propriétaires parmi les 25 % des ménages les plus modestes a diminué de 3 points entre 2019 et 2024, passant de 16 % à 13 %.

Perspectives et pistes de solutions pour lutter contre la crise du logement neuf

Vers une adaptation du modèle de production

Face à cette crise, le secteur de la construction doit se réinventer. De nouvelles approches, comme la construction hors-site ou l’utilisation de matériaux biosourcés, pourraient permettre de réduire les coûts et les délais de construction tout en respectant les nouvelles normes environnementales.

Selon une étude du CSTB (Centre Scientifique et Technique du Bâtiment), la construction hors-site pourrait réduire les délais de chantier de 30% à 50% et les coûts de construction de 10% à 20%.

L’innovation technologique, notamment à travers la numérisation des processus de construction (BIM), offre également des perspectives intéressantes pour optimiser la production de logements. D’après une enquête menée par la FFB en 2024, 65% des entreprises du bâtiment considèrent que le BIM sera un outil incontournable dans les cinq prochaines années pour améliorer la productivité et réduire les coûts.

Le rôle clé des politiques publiques

Les pouvoirs publics ont un rôle crucial à jouer pour surmonter cette crise du logement neuf. Des mesures de soutien à la demande, comme le renforcement des dispositifs d’aide à l’accession à la propriété, pourraient être envisagées. Côté offre, une simplification des procédures administratives et une stabilisation du cadre réglementaire redonneraient de la visibilité aux acteurs du secteur.

Le gouvernement a annoncé en juin 2024 un plan de relance pour le logement neuf, comprenant notamment :

  • Une extension du Prêt à Taux Zéro (PTZ) aux zones B2 et C pour les logements neufs
  • Un assouplissement temporaire des conditions d’octroi des crédits immobiliers
  • Une accélération des procédures d’obtention des permis de construire dans les zones tendues

Ces mesures, dont le coût est estimé à 2 milliards d’euros sur trois ans, visent à relancer la construction de 200 000 logements neufs par an d’ici à 2026.

L’enjeu de la rénovation du parc existant

Si la production de logements neufs est en berne, le secteur de la rénovation énergétique offre des perspectives plus encourageantes. Les dispositifs d’aide comme MaPrimeRénov’ et les Certificats d’Économie d’Énergie (CEE) soutiennent l’activité dans ce domaine. En 2024, le budget alloué à MaPrimeRénov’ atteint 3 milliards d’euros, tandis que celui des CEE devrait culminer à 9,9 milliards d’euros en 2025.

En effet, cette dynamique pourrait permettre de compenser partiellement le ralentissement dans le neuf et de répondre aux enjeux de la transition énergétique. Selon l’ADEME, le nombre de rénovations énergétiques performantes a augmenté de 25% entre 2023 et 2024. Ainsi, on a atteint 700 000 logements rénovés en 2024.

Innovations financières et nouveaux modèles d’accession

Pour faciliter l’accès au logement dans ce contexte difficile, de nouveaux modèles émergent. Le bail réel solidaire (BRS), qui permet de dissocier le foncier du bâti, connaît un succès croissant. En 2024, plus de 20 000 logements ont été commercialisés sous ce régime, contre seulement 8 000 en 2022.

Par ailleurs, des startups de la PropTech développent des solutions innovantes comme l’accession progressive à la propriété ou le co-investissement. Ces nouveaux modèles pourraient offrir des alternatives aux ménages exclus du marché traditionnel du logement neuf.

Conclusion

La crise du logement neuf en France en 2024 est le résultat d’une conjonction de facteurs défavorables, tant économiques que réglementaires. Ses conséquences se font sentir sur le secteur de la construction comme sur l’ensemble de la société française.

Face à ces défis, une mobilisation de tous les acteurs – pouvoirs publics, professionnels du secteur, et institutions financières – sera nécessaire pour trouver des solutions durables et adaptées aux enjeux actuels et futurs du logement en France. L’innovation, tant dans les modes de construction que dans les modèles de financement et d’accession à la propriété, apparaît comme une clé essentielle pour surmonter cette crise et répondre aux besoins en logement des Français.

La sortie de crise nécessitera probablement une approche globale. Elle devra combiner soutien à court terme au secteur, réformes structurelles, et adaptation aux nouvelles réalités économiques et environnementales. Le défi est de taille !

Isabelle DAHAN

Isabelle DAHAN

Rédactrice en chef de Monimmeuble.com. Isabelle DAHAN est consultante dans les domaines de l'Internet et du Marketing immobilier depuis 10 ans. Elle est membre de l’AJIBAT www.ajibat.com, l’association des journalistes de l'habitat et de la ville. Elle a créé le site www.monimmeuble.com en avril 2000.

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