Le marché immobilier français traverse actuellement une période particulièrement difficile. Lors de sa conférence de presse du 12 juin 2024, la FNAIM a dressé un constat alarmant de la situation. En effet, pour la troisième année consécutive, les transactions sont en forte baisse et les prix reculent nettement. Cette crise du logement sans précédent frappe de plein fouet les professionnels de l’immobilier, avec un doublement des faillites d’agences en un an. Face à l’ampleur du problème, la FNAIM appelle de ses vœux une politique volontariste des pouvoirs publics. La fédération avance également plusieurs propositions concrètes pour relancer le secteur et restaurer la confiance. Des mesures d’urgence qui semblent indispensables pour sortir de l’ornière et éviter l’enlisement.
Sommaire :
- Des chiffres qui confirment l’ampleur de la crise immobilière
- Des taux d’intérêt qui asphyxient le marché du crédit
- Une profession sinistrée par la crise du logement
- Des propositions pour enrayer la crise du logement
Des chiffres qui confirment l’ampleur de la crise immobilière
Une chute des ventes de logements anciens
La FNAIM révèle des données préoccupantes sur les ventes de logements anciens. À fin mars 2024, elles accusent un recul de 23% sur 12 mois glissants. Ainsi, on compte seulement 822 000 transactions. Du jamais vu depuis 2016 ! Désormais, la crise du logement s’étend à l’ensemble du territoire, même si un léger ralentissement de la baisse est observé.
Selon les estimations de la FNAIM, le volume pourrait se stabiliser vers 800 000 ventes à fin 2024. Un palier historiquement bas, alors que le marché évolue autour d’une moyenne de 980 000 transactions par an depuis 2000.
La crainte d’une crise du logement durable
Selon les prévisions de la FNAIM, le nombre de ventes pourrait se stabiliser autour de 800 000 en 2024. Soit une baisse de 8% sur un an. Une telle crise du logement sur 3 années consécutives (-32% de ventes cumulées entre 2022 et 2024) est quasi-inédite.
En effet, il faut remonter à la crise de 2008-2009 pour observer un tel effondrement du marché (-28% sur 2 ans). D’ailleurs, les professionnels redoutent un marché durablement atone, avec des cycles de plus en plus longs et violents.
“ Le taux de rotation annuel du parc était de 3,1% en 2021, un pic historique. Il est retombé à 2,3% en 2023. Et, 2,1% seraient attendus pour 2024. Le plus bas taux depuis la crise de l’euro en 2014 ! ”, analyse Loïc Cantin, président de la FNAIM.
Des prix immobiliers qui dévissent
Concernant les prix immobiliers, la FNAIM annonce une baisse généralisée de 3,8% sur un an au niveau national, la plus forte depuis 15 ans. Une correction particulièrement sévère frappe Paris (-7,7% en un an, -14% depuis le début de la crise Covid) et les grandes métropoles.
Ainsi, le recul atteint -6,1% sur un an pour les 10 plus grandes villes de Province, -4,9% pour leur banlieue. Selon les projections, la crise du logement pourrait faire chuter les prix de 5 à 7% en 2024, en fonction de l’évolution des taux d’intérêt.
Des taux d’intérêt qui asphyxient le marché du crédit
Des volumes de crédits immobiliers en berne
Le marché du crédit immobilier est également sinistré. Selon les données de la Banque de France, la production de crédits a été divisée par 3 en l’espace de 2 ans. Elle passe ainsi de 26,6 milliards € en mai 2022 à 8,7 milliards € en mars 2024. Cette contraction est d’une violence rare. Alors que les volumes mensuels évoluent autour de 20 milliards par mois entre 2017 et 2021. Cette contraction est le reflet direct de la crise du logement. En cela, les ménages éprouvent les pires difficultés à financer leur projet immobilier.
“Il n’y aura pas de sortie de crise sans une reprise des volumes de crédit”, martèle Loïc Cantin.
La remontée des taux porte un coup fatal
Selon l’observatoire CSA/Crédit Logement, les taux d’intérêt des crédits immobiliers, après avoir atteint des sommets à 4,21% en décembre 2023, redescendent lentement pour s’établir à 3,73% en mai 2024.
Malgré ce léger reflux, les taux restent nettement supérieurs à ceux pratiqués avant le déclenchement de la crise du logement (1,10% début 2022). Un niveau qui pèse lourdement sur le pouvoir d’achat immobilier des ménages. Comme le pointe la FNAIM, ce dernier s’est contracté de 15% en 3 ans et demi, alors que l’inflation a bondi de 14% sur la période. Un cocktail détonnant qui verrouille l’accès au crédit pour de nombreux ménages.
Selon les projections de la FNAIM, il faudrait une baisse des prix immobiliers de 5%, combinée à une hausse des revenus de 3% et une stabilisation des taux pour espérer un rebond de 8% du pouvoir d’achat immobilier en 2024.
Une profession sinistrée par la crise du logement
Par ailleurs, la crise du logement met en péril la santé financière des professionnels de l’immobilier. Sur les 12 derniers mois, la FNAIM recense la faillite d’une agence immobilière sur 24 (+112% sur un an) et d’un administrateur de biens sur 110 (+35%).
Or, ces défaillances s’expliquent par la hausse soudaine des taux d’intérêt, le remboursement des PGE et le rattrapage des cotisations sociales. De plus, le nombre de collaborateurs exerçant en tant qu’agents commerciaux s’effondre (-15% en moins d’un an). Ce qui fragilise un peu plus la profession. Désormais, elle compte 150 000 emplois et pèse 19,4 milliards € de chiffre d’affaires. Soit “autant que le secteur de la publicité et davantage que celui de la poste et du courrier”, rappelle le président de la FNAIM.
Des propositions pour enrayer la crise du logement
Relancer le crédit immobilier
Pour redonner de l’oxygène au marché, la FNAIM propose de réactiver la portabilité et la transférabilité des prêts immobiliers pendant 5 à 7 ans. “Ce qui correspond au délai moyen de rotation du parc immobilier en France”, précise Loïc Cantin.
Une mesure déjà mise en œuvre après la crise des subprimes. “Certaines banques la pratiquent encore de manière discrète, mais le droit bancaire doit pouvoir s’appliquer pour tous”, insiste le président de la FNAIM. Il s’agit de permettre à un emprunteur de transférer son crédit vers un autre bien sans frais de dossier, ni pénalités. Notons qu’un amendement en ce sens a été déposé par le député Damien Adam en mars 2024 (proposition de loi n°2583).
La FNAIM suggère également de suspendre temporairement (pendant un an) les contraintes édictées par le Haut Conseil de Stabilité Financière (HCSF). Rappelons que depuis 2022, les banques ont l’obligation de limiter à 35% le taux d’effort des emprunteurs. Et, la durée des prêts est de 25 ans (27 ans pour les primo-accédants sous conditions).
“La possibilité de déroger à ces règles pour 20 % des dossiers est insuffisante pour relancer la production de crédit”, juge Loïc Cantin. Objectif : redonner aux banques une marge de manœuvre pour accompagner la demande, notamment celle des primo-accédants.
Restaurer la confiance des investisseurs
Afin de combattre la crise du logement, la FNAIM plaide pour un choc fiscal en faveur de l’investissement locatif. Les investisseurs bénéficieraient d’une exonération d’impôts sur les loyers pendant 10 ans. Et, cette période serait même étendue à 15 ans en cas de rénovation énergétique. Seule condition : un engagement de location pendant au moins 10 ans.
Cette mesure choc pourrait alors relancer la construction neuve, en berne depuis 2 ans (-12% de mises en chantier en 2023). Tout en verdissant le parc locatif. Ainsi, cette exonération serait plafonnée en fonction de la tranche d’imposition et limitée à deux logements par foyer fiscal.
De plus, la FNAIM propose d’exonérer les professionnels détenteurs d’une carte de gestion locative du régime du “permis de louer”, prévu par la loi Alur de 2014. En effet, il s’agit de restaurer la confiance des bailleurs et d’éviter un assèchement supplémentaire de l’offre locative. À titre d’exemple, dans les zones tendues comme Paris, le nombre de logements proposés à la location a chuté de 30% entre 2017 et 2023.
Soutenir les primo-accédants
Face à la crise du logement, la FNAIM milite pour un retour de l’APL accession. En effet, cette aide, supprimée en 2018, permettrait de sécuriser l’achat immobilier des ménages modestes. Rappelons qu’entre 1995 et 2018, elle a bénéficié à près de 20 000 ménages par an en moyenne. Ce serait, un soutien indispensable à l’heure où le pouvoir d’achat immobilier se contracte.
La part des propriétaires accédants a ainsi chuté de 4 points en 20 ans, tombant à 20% du parc en 2022, contre 24% en 2002. La FNAIM souhaite aussi faciliter les projets d’acquisition-rénovation via le déploiement du contrat de vente d’immeuble à rénover énergétiquement (VEFRE). Créé par la loi Climat et Résilience de 2021, ce dispositif intègre le coût des travaux dans le prix de vente et les finance grâce à un prêt unique.
“ Un outil précieux pour rénover le parc dégradé tout en favorisant l’accession, mais qui reste trop confidentiel”, pointe Loïc Cantin.
La crise du logement met l’immobilier français à rude épreuve. Les professionnels, par la voix de la FNAIM, tirent la sonnette d’alarme et en appellent à une mobilisation des pouvoirs publics. Plusieurs leviers existent pour enrayer la spirale récessive. Comme celui de redonner confiance aux investisseurs et de soutenir les ménages.
“Des maux profonds appellent des remèdes puissants. Il faut un véritable électrochoc en faveur du logement”, insiste Loïc Cantin.
Reste à transformer ces propositions en actes. L’avenir du secteur immobilier, vital pour l’économie française, en dépend. En cela, la FNAIM invite le gouvernement à ouvrir rapidement des concertations avec l’ensemble des acteurs de la filière afin de bâtir une feuille de route commune et cohérente.