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Travaux

Copropriété : êtes-vous conforme aux règles d’accessibilité ?

Copropriété : êtes-vous conforme aux règles d’accessibilité ?

La question de l’accessibilité en copropriété revient avec force dans l’actualité réglementaire. Si la loi du 11 février 2005 fixait une échéance au 1er janvier 2015 pour la mise aux normes, de nombreuses copropriétés ne sont toujours pas conformes. L’important est d’éviter les erreurs coûteuses, de comprendre précisément vos droits et obligations, et de garantir un cadre de vie inclusif et légal. L’article ci-dessous apporte des explications détaillées pour naviguer dans ce cadre complexe.


Sommaire :


À retenir – Les obligations d’accessibilité en copropriété

  • La loi du 11 février 2005 impose l’accessibilité des bâtiments, mais les immeubles anciens ne sont pas systématiquement concernés.
  • Les bâtiments neufs respectent des normes très strictes dès la conception.
  • En copropriété, les travaux ne sont pas obligatoires sauf dans certains cas (renouvellement, création).
  • Des mécanismes juridiques favorisent les initiatives individuelles pour l’accessibilité.
  • Les dérogations sont possibles pour des motifs spécifiquement prévus par la loi.

Cadre réglementaire — Lois et normes en vigueur

Avant d’examiner les droits et devoirs des copropriétaires, il est essentiel de bien comprendre les textes juridiques qui encadrent l’accessibilité copropriété. Voici les principales références législatives à connaître pour agir en conformité.

L’ordonnance n° 2014 1090 du 26 septembre 2014 : un tournant réglementaire

L’ordonnance n° 2014-1090 du 26 septembre 2014 répond de manière pragmatique à l’impossibilité de respecter l’échéance du 1er janvier 2015 fixée par la loi du 11 février 2005 pour la mise en accessibilité des ERP, des transports publics et des bâtiments d’habitation. Elle instaure les Agendas d’Accessibilité Programmée (Ad’AP). Ce dispositif permet aux gestionnaires d’établissements de proposer un calendrier pluriannuel de travaux, pouvant aller jusqu’à trois ans, voire davantage en cas de contraintes majeures.

Elle prévoit aussi une dérogation automatique pour les ERP situés dans un immeuble collectif à usage principal d’habitation, lorsque les copropriétaires refusent les travaux nécessaires. Enfin, la loi n° 2015-988 du 5 août 2015 ratifie l’ordonnance. Elle en confirme la validité juridique tout en introduisant quelques ajustements, notamment en matière de prorogation des délais.

Le décret du 5 novembre 2014 — précisions sur la “disproportion manifeste”

Le décret n° 2014 1326 du 5 novembre 2014 intervient pour préciser la notion de disproportion manifeste entre l’application des normes d’accessibilité et leur coût ou leurs contraintes sur l’usage du bâtiment. Cela permet d’octroyer des dérogations justifiées lorsque :

  • les travaux sont trop coûteux ou compromettent la viabilité économique ;
  • ils seraient inefficaces du fait d’une rupture de la chaîne de déplacement (ex. rendre accessibles des sanitaires à un étage dont l’accès n’est pas adapté).

Article R 162 1 du Code de la Construction et de l’Habitation — Immeubles neufs

L’article R 162 1 du Code de la Construction et de l’Habitation impose que :

« Les bâtiments d’habitation collectifs et leurs abords doivent être construits et aménagés de façon à être accessibles aux personnes handicapées, quel que soit leur handicap. L’obligation d’accessibilité porte notamment sur les circulations communes intérieures et extérieures, une partie des places de stationnement, les logements, les ascenseurs, les locaux collectifs et leurs équipements. »

Cette obligation concerne uniquement les bâtiments neufs, construits après le 1er janvier 2007. Le décret n° 2021 872 du 30 juin 2021 est venu actualiser ces textes, précisant les équipements concernés (cheminements, portes, éclairage, etc.).

Par ailleurs, la loi ÉLAN de 2018 impose que 20% des logements en rez-de-chaussée ou desservis par ascenseur doivent être accessibles ou adaptables, en complément des normes de base.

Ces précisions montrent que la réglementation française cherche à concilier deux impératifs. D’un côté, elle garantit l’accessibilité universelle. De l’autre, elle prend en compte les contraintes techniques, économiques et architecturales. Les dispositifs juridiques — tels que les Ad’AP, les dérogations ou encore les normes applicables aux constructions neuves — offrent un cadre pour naviguer entre ces exigences. Ils assurent ainsi la cohésion et favorisent le vivre-ensemble en copropriété.

Immeubles neufs vs anciens — Distinctions essentielles

Avant de plonger dans les modalités d’application concrètes, il est utile de rappeler pourquoi cette distinction entre bâtiments neufs et anciens est fondamentale. En effet, les règles d’accessibilité ne s’imposent pas de la même manière selon la date de construction.

Immeubles neufs (permis depuis le 1er janvier 2007)

Les bâtiments collectifs d’habitation construits après cette date doivent respecter une obligation stricte d’accessibilité complète. Elle couvre les parties communes, les ascenseurs, les cheminements, les stationnements adaptés, etc. L’article R 162 1 du Code de la Construction et de l’Habitation codifie cette règle. Il précise que ces bâtiments et leurs abords doivent permettre l’accès à tous, quels que soient les handicaps.

La loi ÉLAN, adoptée en 2018, a introduit un assouplissement majeur. Depuis le 1er octobre 2019, les permis de construire doivent intégrer seulement 20% de logements accessibles. Les 80% restants sont considérés comme “évolutifs”, c’est-à-dire conçus pour devenir accessibles ultérieurement grâce à des travaux simples. Cette évolution a suscité de nombreuses critiques. Certains y voient une remise en cause du principe d’accessibilité universelle défendu à l’origine, puisque la proportion de logements accessibles se trouve drastiquement réduite.

Immeubles anciens (construits avant 2007 / 2008)

Contrairement aux bâtiments neufs, les immeubles anciens n’ont pas d’obligation de mise aux normes généralisée en matière d’accessibilité. Toutefois, l’accessibilité peut devenir obligatoire ou contestable dans les cas suivants :

  • Si le copropriétaire concerné initie des travaux à ses frais — une possibilité qui a profondément évolué depuis l’ordonnance d’octobre 2019 en faveur d’un droit d’information plutôt que d’autorisation.
  • En cas de travaux lourds, de transformation d’usage (vers un ERP ou des logements PMR), ou de modifications structurelles, les normes d’accessibilité peuvent s’appliquer rétroactivement.

Exemple concret :

Un immeuble ancien, construit en 1960, n’a pas à installer un ascenseur par défaut. Il pourra le faire uniquement si :

  • Un copropriétaire le demande expressément (via une information envoyée deux mois avant l’AG) et aucune opposition motivée n’est formulée.
  • L’immeuble change de fonction (ex. création d’un ERP) ou des travaux modifient son usage ou sa structure — dans ce cas, les règles s’appliquent rétroactivement.

Travaux en copropriété — Qui décide, comment et selon quelle majorité ?

Travaux à l’initiative de la copropriété

Toute modification des parties communes pour améliorer l’accessibilité en copropriété doit être décidée en assemblée générale. Elle suit les règles de vote classiques : majorité simple (article 24) pour les travaux sans atteinte à la structure, majorité absolue (article 25) en cas d’impact plus lourd.

Travaux à l’initiative d’un copropriétaire

L’ordonnance n° 2019 1101 du 30 octobre 2019 a introduit une évolution majeure via le nouvel article 25 2 de la loi du 10 juillet 1965. Un copropriétaire peut désormais réaliser à ses frais des travaux d’accessibilité touchant les parties communes ou l’extérieur, sous réserve d’en informer l’assemblée générale.

Procédure à suivre :

1. Le copropriétaire informe le syndic (idéalement par lettre recommandée) de son intention, en demandant l’inscription d’un point d’information à l’ordre du jour de la prochaine AG. Il doit s’accompagner d’un descriptif détaillé des travaux (nature, localisation, plans techniques, marques, justificatifs…) conforme à l’article 10 1 du décret du 17 mars 1967.

2. Le syndic doit alors inclure à la même AG :

    • le point d’information sur ces travaux
    • la question d’opposition éventuelle motivée à leur réalisation
      ainsi que le descriptif dans la convocation.

3. L’assemblée générale ne peut légalement refuser ces travaux que si elle juge qu’ils :

    • portent atteinte à la structure de l’immeuble,
    • affectent ses éléments d’équipement essentiels,
    • sont incompatibles avec la destination de l’immeuble.

4. En l’absence d’opposition motivée dans les deux mois suivant l’AG, le copropriétaire peut lancer les travaux, devenant maître d’ouvrage jusqu’à la réception. À compter de ce moment, les aménagements deviennent communs et leur entretien est réparti selon le règlement de copropriété.

Opposition abusive

L’assemblée peut refuser, malgré le régime assoupli. En cas d’abus de majorité (refus injustifié), des recours judiciaires peuvent être envisagés.

Rôle du syndic et des copropriétaires — Pratiques et responsabilités

Le syndic doit veiller à trois obligations :

  • Recevoir toute demande d’un copropriétaire, y compris détaillée selon l’article 10 1 du décret du 17 mars 1967 (nature, plan, documents techniques).
  • Inscrire à l’AG, dans la convocation, le point d’information et la question d’opposition éventuelle, avec projet de résolution incluant les motifs possibles de refus (atteinte à la structure, modification de l’usage, etc.).
  • Respecter le délai de deux mois avant que les travaux puissent débuter.

Les copropriétaires, quant à eux, doivent être vigilants quant au contenu des décisions votées et peuvent, en cas de refus, contester devant un tribunal si les motifs invoqués ne sont pas légitimes.

Rôle du syndic et des copropriétaires - accessibilité en copropriété
Rôle du syndic et des copropriétaires

Dérogations et cas particuliers — Quand et comment demander une dérogation ?

Avant de lancer toute procédure, il est crucial de comprendre que les dérogations ne sont pas une exception banale, mais une possibilité réglementée, strictement encadrée. Voici les quatre motifs légaux acceptés pour demander une dérogation :

Motifs légitimes de dérogation

  1. Impossibilité technique. Par exemple, l’étroitesse du bâtiment ou des obstacles structurels rendent la mise aux normes impraticable.
  2. Contraintes architecturales ou patrimoniales. Notamment dans les bâtiments classés monuments historiques ou situés dans des zones protégées : le respect du patrimoine prime dans certains contextes.
  3. Coût manifestement disproportionné. Lorsque le bénéfice de l’accessibilité ne justifie pas les coûts ou les impacts que cela engendrerait.
  4. Refus de l’assemblée générale. En cas de refus motivé par l’assemblée générale des copropriétaires, le syndic peut demander à titre accessoire une dérogation auprès de la préfecture.

Procédure à engager pour obtenir une dérogation

Si l’assemblée générale d’une copropriété s’oppose à des travaux d’accessibilité, une demande de dérogation devra être adressée à la préfecture. Cette démarche permettra d’anticiper et de mieux se défendre face à une éventuelle contestation juridique du copropriétaire demandeur. La demande devra être soigneusement rédigée et solidement argumentée.

Le dépôt d’un dossier auprès de la préfecture ou de la mairie, selon la nature du projet, accompagne toute demande de travaux ou d’autorisation d’urbanisme. Ce dossier doit contenir un formulaire Cerfa ou une notice d’accessibilité précisant les normes auxquelles le demandeur souhaite déroger. Il doit également inclure des justificatifs solides, comme des plans, des photos, des bilans financiers ou encore des diagnostics. Enfin, il doit expliquer clairement la motivation du recours à la dérogation, qu’elle soit technique, patrimoniale, financière ou liée à un refus de l’assemblée générale.

La demande est ensuite instruite conformément à la législation (article R. 163-3 ou équivalent selon le type de logement collectif). Elle passe devant la sous-commission accessibilité, puis fait l’objet d’une décision préfectorale.

Décision et calendrier

Le préfet notifie sa décision motivée dans un délai de quelques mois, généralement jusqu’à trois mois après l’avis de la commission. Si aucune réponse n’est donnée dans ce délai, la dérogation est réputée accordée tacitement. La décision prend alors la forme d’un arrêté préfectoral. Elle peut comporter des conditions strictes ou être limitée dans le temps, notamment lorsque le motif de la dérogation est économique.

Plusieurs exemples illustrent concrètement la mise en œuvre des dérogations. Dans un immeuble ancien dépourvu d’ascenseur, si l’installation d’un tel équipement compromet la structure ou entraîne un coût excessif, le gestionnaire peut proposer une solution alternative, comme l’ajout d’une rampe ou l’amélioration visuelle des escaliers. Cette adaptation peut alors être validée comme dérogation.

Autre cas fréquent : lorsqu’un copropriétaire en situation de handicap demande une mise aux normes, mais que l’assemblée générale refuse les travaux, le syndic peut saisir la préfecture. En s’appuyant sur ce refus motivé de l’AG, la dérogation peut être accordée.

Dérogations et cas particuliers

Recommandations pratiques

  • Vérifiez la date de construction de votre immeuble pour savoir si les normes s’appliquent.
  • Consultez les documents légaux en vigueur (loi 2005, ordonnance 2019, article R162 1, etc.).
  • Si vous êtes concerné, déposez une demande motivée en bonne et due forme. Demandez l’inscription à l’ordre du jour : envoyez votre requête au syndic avec tous les documents requis.
  • Anticipez l’opposition en AG : un refus doit être justifié ; en cas d’abus, des recours juridiques sont possibles.
  • Explorez les dispositifs d’aides (ANAH, collectivités, avantages fiscaux) avant de démarrer les travaux.
Isabelle DAHAN

Isabelle DAHAN

Rédactrice en chef de Monimmeuble.com. Isabelle DAHAN est consultante dans les domaines de l'Internet et du Marketing immobilier depuis 10 ans. Elle est membre de l’AJIBAT www.ajibat.com, l’association des journalistes de l'habitat et de la ville. Elle a créé le site www.monimmeuble.com en avril 2000.

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