Douche froide ou eau chaude pour les consommateurs ? Le récent rapport de la Cour des comptes dresse un bilan en clair-obscur du déploiement à grande échelle des compteurs communicants Linky. Si Enedis, principal distributeur d’électricité, affiche « mission accomplie » avec 34 millions de compteurs Linky installés fin 2021, l’onde de choc peine encore à se propager chez les particuliers, faute d’offres réellement innovantes. Ce constat interroge : les compteurs communicants seront-ils de simples outils de télé-relève pour les opérateurs, ou un réel levier de maîtrise de la demande d’énergie et de transition bas-carbone ? Focus sur un jalon industriel majeur… qui doit maintenant faire ses preuves sur le terrain des usages.
Sommaire :
- Compteurs communicants Linky : un déploiement réussi malgré quelques zones d’ombre
- Un financement avantageux pour Enedis
- Des bénéfices à concrétiser pour les consommateurs
- Les compteurs communicants, piliers des trajectoires bas-carbone
Compteurs communicants Linky : un déploiement réussi malgré quelques zones d’ombre
Un programme industriel déployé avec succès
Pari tenu pour Enedis : fin 2021, 90% des foyers français étaient équipés d’un compteur communicant Linky. Et, cela, conformément à la feuille de route fixée par la Commission de régulation de l’énergie. En effet, mener un projet d’une telle ampleur dans les temps requis est une vraie prouesse opérationnelle et logistique. Cerise sur le gâteau, la facture finale de 4,6 milliards d’euros est inférieure de 18% au budget initial.
Seule ombre au tableau : les surcoûts enregistrés pour adapter le système d’information d’Enedis aux exigences de Linky. Cela questionne sur la fiabilité des évaluations initiales et la maîtrise des interfaces entre les différents systèmes. Un retour d’expérience précieux à capitaliser pour optimiser les déploiements futurs.
Des inquiétudes progressivement levées
Pour rappel, le déploiement massif des compteurs communicants Linky a d’abord suscité une vague d’oppositions sur fond d’inquiétudes sanitaires et de confidentialité. Pour autant, plusieurs études, dont la dernière publiée en juin 2024 par l’École des Ponts, ont confirmé l’absence de risque avéré pour la santé.
Ainsi, plusieurs éléments ont contribué à rassurer progressivement les citoyens. D’une part, les analyses complémentaires ont apporté davantage de clarté. D’autre part, le renforcement du cadre réglementaire sur la protection des données a joué un rôle clé. Ces évolutions se traduisent par une nette baisse des contentieux.
L’enjeu désormais : parachever l’installation, avec encore 15% de compteurs non communicants début 2024. Si Enedis est dans les clous, les entreprises locales de distribution (ELD) peinent à tenir la cadence sur leurs zones de desserte. À cet effet, un suivi rapproché par les pouvoirs publics s’impose pour garantir un accès équitable aux fonctionnalités avancées.
Un financement avantageux pour Enedis
Rémunération élevée et garantie pour l’opérateur
Sur le volet financier, le jackpot est pour Enedis. En effet, pour assurer le déploiement des compteurs communicants Linky, la Commission de régulation de l’énergie (CRE) lui a accordé un taux de rémunération garanti élevé pendant 20 ans. Notons que ce taux est distinct des tarifs de réseau habituels. S’y ajoutent des bonus conséquents. Ces derniers sont attribués en cas d’atteinte des objectifs liés au coût, aux délais et à la performance.
Résultat : 311 millions d’euros de gains additionnels engrangés sur la période 2016-2023. Un dispositif pour le moins généreux, épingle la Cour des comptes, qui avait déjà tiré la sonnette d’alarme en 2018. Si elle ne remet pas en cause le deal conclu, elle appelle la CRE à la vigilance sur l’usage de cette manne financière. Pour la Cour, ces rémunérations supplémentaires doivent absolument être conditionnées à la réalisation effective des investissements nécessaires sur le réseau.
Un lissage de facture discutable
Autre mécanisme dans le viseur : le lissage de l’impact du programme des compteurs communicants Linky sur la facture, via un différé tarifaire alambiqué. Concrètement, le surcoût a été intégré à l’augmentation du tarif d’acheminement (TURPE) entre 2022 et 2029. Cela correspond, en outre, à une facture salée de 785 millions d’euros in fine pour les consommateurs. En 2018, la Cour des comptes avait recommandé de revoir ce dispositif complexe et coûteux, en vain. Un choix qui interpelle sur la répartition de l’effort financier entre le distributeur et l’usager.
Des bénéfices à concrétiser pour les consommateurs
Des gains avérés pour le distributeur
Côté distributeur, le bilan des compteurs communicants Linky est globalement positif. La remontée automatisée des données se traduit par :
- des interventions plus rapides,
- une facturation plus fiable,
- une réduction de la fraude.
Enedis a répercuté une partie des gains via la baisse de certaines prestations facturées, comme les mises en service. Le reste est intégré aux trajectoires d’économies sur l’acheminement. Mais, il est prématuré de dire si cela compensera tous les investissements consentis, nuance la Cour.
Des effets vertueux sur la gestion du réseau
Les bénéfices techniques des compteurs communicants Linky sont bien réels. Avec une connaissance affinée des flux, ils facilitent l’intégration des énergies renouvelables décentralisées et de l’autoconsommation.
Les compteurs intelligents jouent également un rôle clé dans la stabilité du système électrique. Puisqu’ils permettent d’agir à distance sur les usages énergivores, comme le chauffage de l’eau. Par exemple, lors des récents pics hivernaux, ces dispositifs ont permis d’effacer ou de décaler jusqu’à 2,5 GW de consommation. Cette optimisation a été rendue possible grâce au pilotage des chauffe-eau dans les foyers.
Un potentiel d’économies d’énergie inexploité
Cependant, les consommateurs adoptent difficilement les compteurs communicants Linky. En effet, l’effet attendu des données de consommation détaillées et des offres incitatives sur la maîtrise de la demande reste limité. Les résultats escomptés ne sont, pour l’instant, pas au rendez-vous. En cause : la frilosité des fournisseurs d’électricité à développer des offres innovantes, avec une tarification modulée selon les heures de consommation.
Les acteurs historiques n’ont pas su pleinement se saisir du potentiel des compteurs communicants Linky pour faire évoluer leurs modèles. À peine 3% des clients résidentiels ont opté pour une offre à prix dynamique en 2024, loin de la déferlante espérée. Les fournisseurs craignent ainsi de rendre leurs offres de détail plus complexes et de perdre des clients.
L’émergence d’offres pour “libérer” les données
Mais, une nouvelle vague d’acteurs bouscule l’écosystème. Leur mission : rendre accessibles et actionnables les précieuses données des compteurs communicants Linky. Ainsi, des applications mobiles comme Hello Watt, plébiscitée par plus d’un million d’utilisateurs en 2024, les aident à décrypter leur consommation. Elle cible les travaux de rénovation les plus rentables et mesure les économies post-travaux.
Selon Hello Watt, 65% des utilisateurs de l’appli déclarent mieux maîtriser leur consommation et 42% avoir réduit leur facture. La donnée est ainsi mise au service de l’action. C’est un levier précieux pour les particuliers, mais aussi pour les pouvoirs publics afin d’évaluer la pertinence des dispositifs d’aides à la rénovation énergétique.
“Avec les données granulaires de consommation, on peut mieux orienter et dimensionner les subventions”, souligne Xavier Coudert, co-fondateur d’Hello Watt. La donnée ainsi libérée devient un carburant puissant pour massifier les économies d’énergie.
Les compteurs communicants, piliers des trajectoires bas-carbone
Atteindre la neutralité carbone en 2050 implique de transformer en profondeur nos modes de consommation énergétique. Et, les compteurs communicants Linky en sont une clé de voûte. Ils permettent une gestion plus fine des réseaux pour y intégrer massivement les renouvelables décentralisées et les bornes de recharge des véhicules électriques.
Mutation des métiers de l’énergie : cap sur l’hybridation des compétences
Un virage qui bouscule les métiers du secteur. Les professionnels doivent développer une vision prospective et systémique, en cultivant des compétences à la croisée de la technologie, de l’analyse de données et de l’ingénierie financière. La transition écologique rebat les cartes et appelle des profils hybrides. Preuves à l’appui, les offres d’emplois et les programmes de formation s’adaptent à vitesse grand V.
Rénovation énergétique : la donnée comme carburant de la performance
La mue est encore plus tangible dans l’univers de la rénovation énergétique. Avec les compteurs communicants Linky, le diagnostic de performance, l’analyse en temps réel et la mesure des économies passent à la vitesse supérieure. Un champ d’opportunités qui attire de nouveaux profils, à l’instar des data scientists.
Autre signe de cette évolution : depuis 2023, la formation continue des diagnostiqueurs immobiliers intègre un module sur l’exploitation des données des compteurs intelligents. Une montée en compétence vitale pour accompagner la massification des travaux économes en énergie.
Écosystèmes en ébullition : la donnée comme trait d’union
La dynamique est enclenchée. Reste à actionner le levier de la formation et à libérer le potentiel d’innovation pour faire des compteurs intelligents un moteur de la transition énergétique et de la sobriété. De la donnée à l’action, des partenariats inédits se nouent entre énergéticiens, start-ups et artisans pour développer les services bas-carbone de demain.
Linky n’est qu’un premier pas. D’autres technologies et modèles restent à inventer pour rendre notre consommation énergétique plus intelligente, sobre et renouvelable. L’avenir de la filière se jouera sur sa capacité à faire converger les expertises pour électrifier et décarboner massivement les usages… en embarquant cette fois pleinement les citoyens. Un défi aussi stimulant que vital.
Le Linky a des avantages indéniables du côté Enedis, mais il est choquant que vous n’ayez pas du tout évoqué le sujet de la pollution électromagnétique qui est associée à l’installation de ces compteurs.
C’est un véritable sujet de fond car ce système de type CPL vient rajouter sa couche de pollution à « l’électrosmog » ambiant souvent déjà beaucoup trop élevé et qui devient pathogène un peu partout en France avec le déploiement des antennes relais, l’utilisation trop importante du Wifi et autres systèmes HF. Nombres de lieux atteignent dorénavant des valeurs pics au delà des 2V/m, soit une exposition 10 fois trop importante par rapport aux maxima préconisés par les médecins/biologistes (même si les opérateurs respectent les normes de complaisance qui ont été faites pour eux).
Le second sujet qu’on ne devrait pas taire, est la volonté d’Enedis de contrôler à terme ce qui se passe chez ses abonnés. On est en France/Europe, et ça viendra … .