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Equipements

Comment réussir l’individualisation de l’eau chaude sanitaire en copropriété ?

Comment réussir l’individualisation de l’eau chaude sanitaire en copropriété ?

Le député Bastien Marchive a alerté l’Assemblée Nationale sur les difficultés liées à la production et à la distribution collective de l’eau chaude sanitaire (ECS). En effet, sa question révèle un gaspillage énergétique massif. Les systèmes collectifs d’eau chaude sanitaire consomment 2,5 à 5 fois plus d’énergie que les solutions individuelles. Pire encore : ils génèrent un inconfort thermique permanent. Pourtant, rien ne change. L’article 10 de la loi de 1965 bloque toute transformation en exigeant l’unanimité des copropriétaires. Le député interroge alors le gouvernement : pourrait-on retirer l’eau chaude collective des équipements d’utilité publique ? La réponse ministérielle surprend. L’individualisation de l’eau chaude sanitaire peut déjà être votée à la double majorité sous certaines conditions. Les copropriétaires disposent donc de solutions méconnues.


Sommaire :


Comment fonctionne actuellement l’eau chaude sanitaire collective ?

Les caractéristiques du système collectif

La plupart des immeubles français construits avant 1980 sont équipés d’un système collectif d’eau chaude sanitaire. Le principe repose sur une production centralisée. Une chaudière commune chauffe l’eau destinée à l’ensemble des logements. Cette eau circule ensuite dans un réseau complexe de canalisations. Ainsi, le système maintient en permanence une température élevée, comprise entre 55 °C et 60 °C. Cette contrainte technique vise à prévenir le développement des légionelles. Mais, elle explique aussi la forte consommation énergétique de ces installations.

Les colonnes de distribution traversent tout le bâtiment, des sous-sols jusqu’aux derniers étages. Elles passent par les gaines techniques, les cages d’escalier et parfois même par les logements. Ces canalisations diffusent une chaleur constante, aussi bien dans les parties communes que dans les appartements. Dans les immeubles anciens, l’isolation de ces réseaux se révèle souvent défaillante. Résultat : une déperdition thermique permanente alourdit la facture énergétique collective.

Face à ce constat, l’individualisation de l’eau chaude sanitaire apparaît comme une solution. Elle permettrait d’éliminer ces pertes thermiques structurelles et de réduire durablement la consommation.

Les problèmes identifiés par les audits énergétiques

Les audits énergétiques réalisés dans le cadre des rénovations révèlent des dysfonctionnements majeurs. En effet, ces diagnostics, obligatoires pour les copropriétés de plus de 50 lots, mettent en lumière un gaspillage énergétique considérable. La consommation énergétique des systèmes collectifs dépasse largement celle des solutions individuelles. Cette différence spectaculaire atteint un facteur de 2,5 à 5.

Concrètement, un immeuble équipé d’un système collectif consomme entre 150 et 300 kWh/m²/an pour l’eau chaude sanitaire. À l’inverse, les ballons individuels modernes limitent cette consommation à 60-120 kWh/m²/an. Cette surconsommation s’explique par plusieurs facteurs : le maintien permanent de la température dans les réseaux, les déperditions thermiques des canalisations non isolées, et les temps d’attente prolongés pour obtenir l’eau chaude. Les bureaux d’études techniques documentent régulièrement ces écarts de performance. Pourtant, ils n’intègrent que rarement la suppression de ces systèmes dans leurs préconisations.

Pourquoi l’individualisation de l’eau chaude sanitaire reste-t-elle rare ?

Les obstacles juridiques de la loi de 1965

L’article 10 de la loi du 10 juillet 1965 constitue le principal frein aux transformations. Ce texte fondateur du droit de la copropriété classe l’eau chaude collective parmi les “équipements d’utilité commune”. Tout copropriétaire doit obligatoirement contribuer au financement de ces équipements, proportionnellement à ses tantièmes. Cette obligation s’impose même aux propriétaires réfractaires.

La suppression ou la modification de ces équipements nécessite l’unanimité des voix de tous les copropriétaires. Or, obtenir l’unanimité en assemblée générale relève souvent de l’exploit. Il suffit qu’un seul propriétaire s’oppose ou soit absent pour bloquer définitivement le projet. Cette règle ultra-protectrice rend l’individualisation de l’eau chaude sanitaire quasi-impossible en pratique. Les syndics et conseils syndicaux renoncent généralement face à cette contrainte juridique insurmontable.

L’attitude des professionnels du bâtiment

Les bureaux d’études techniques (BET) évitent systématiquement ces transformations dans leurs préconisations. Pourtant, ils identifient parfaitement les gisements d’économies d’énergie. D’ailleurs, les chauffagistes adoptent la même stratégie défensive. Cette prudence généralisée s’explique par la complexité juridique perçue.

En effet, ces professionnels redoutent les contestations ultérieures. Ils craignent d’engager leur responsabilité sur des aspects juridiques qu’ils maîtrisent mal. L’individualisation de l’eau chaude sanitaire leur semble trop risquée juridiquement. Ils privilégient donc des solutions techniques plus classiques : isolation des réseaux, modernisation des chaudières, installation de circulateurs performants. Ces améliorations restent dans le cadre existant sans remettre en cause le principe collectif.

Quelles sont les nouvelles possibilités légales pour l’individualisation ?

La réponse ministérielle bouleverse les pratiques établies en clarifiant les conditions légales méconnues. Désormais, une copropriété peut abandonner son système collectif d’eau chaude sanitaire au profit de ballons individuels. Cette décision se prend à la double majorité prévue par l’article 26 de la loi de 1965. Cette règle de vote, bien moins contraignante que l’unanimité, change totalement la donne. Puisque la double majorité exige la majorité des membres du syndicat représentant au moins les deux tiers des voix. Concrètement, si une copropriété compte 100 copropriétaires détenant 1000 tantièmes, il faut réunir au moins 51 personnes représentant 667 tantièmes.

Cette possibilité remplace l’exigence d’unanimité sous trois conditions strictes :

  • la faisabilité technique doit être démontrée par une étude d’ingénierie,
  • la viabilité économique nécessite un business plan détaillé,
  • l’individualisation de l’eau chaude sanitaire doit constituer une amélioration avérée, notamment en termes d’économie d’énergie.

Ces critères objectifs permettent aux copropriétés de justifier leur décision face aux éventuels opposants.

L’évolution du cadre réglementaire

Depuis 2010, le législateur français a profondément modifié sa philosophie énergétique. Il encourage désormais activement l’individualisation des frais de chauffage, de refroidissement et d’eau chaude sanitaire. Cette évolution répond aux objectifs européens de performance énergétique des bâtiments.

Ainsi, l’article L. 174-2 du Code de la construction et de l’habitation consacre ce principe comme une obligation légale. Chaque logement doit être équipé d’appareils capables de mesurer et de réguler la consommation d’énergie. L’objectif est clair : responsabiliser les occupants sur leurs usages quotidiens. Dans ce cadre, les compteurs individuels d’énergie thermique représentent la solution privilégiée. En cas d’impossibilité technique, les copropriétés peuvent installer des répartiteurs de frais de chauffage.

Deux lois ont considérablement renforcé ce dispositif :

  • la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte (2015),
  • et la loi Élan (2018).

Elles prévoient à la fois des sanctions pour les copropriétés récalcitrantes et des aides financières pour faciliter les transformations. L’individualisation de l’eau chaude sanitaire s’inscrit pleinement dans cette dynamique réglementaire favorable. C’est pourquoi il n’est pas envisagé, à ce stade, de retirer le système collectif d’eau chaude des équipements d’utilité publique listés à l’article 10 de la loi de 1965.

Évolution des règles de vote pour l'individualisation de l'eau chaude sanitaire
Évolution des règles de vote pour l’individualisation de l’eau chaude sanitaire

Isabelle DAHAN

Isabelle DAHAN

Rédactrice en chef de Monimmeuble.com. Isabelle DAHAN est consultante dans les domaines de l'Internet et du Marketing immobilier depuis 10 ans. Elle est membre de l’AJIBAT www.ajibat.com, l’association des journalistes de l'habitat et de la ville. Elle a créé le site www.monimmeuble.com en avril 2000.

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