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Comment le syndic de copropriété devient-il le pilier central de la rénovation énergétique ?

Comment le syndic de copropriété devient-il le pilier central de la rénovation énergétique ?

À l’occasion du Forum de l’UNIS, organisé le 10 avril 2025, une table ronde présidée par la sénatrice des Alpes-Maritimes, Dominique Estrosi-Sassone, a mis en lumière l’évolution profonde du rôle du syndic de copropriété. Désormais considéré comme un véritable relais des politiques publiques, le syndic émerge comme l’acteur incontournable de la rénovation énergétique en France. Entre accompagnement technique, médiation entre copropriétaires et gestion des nouvelles obligations légales, ces professionnels font face à des défis économiques et sociaux considérables. La sénatrice et les experts réunis lors de cette table ronde ont souligné l’urgence de reconnaître cette évolution du métier et d’adapter sa rémunération à ces nouvelles missions. Comment valoriser ce “tiers de confiance” essentiel pour l’habitat collectif français ?

Sommaire :

Le syndic de copropriété : relais essentiel des politiques publiques

Un intermédiaire stratégique pour la rénovation énergétique

Le syndic de copropriété occupe aujourd’hui une position stratégique dans la mise en œuvre des politiques publiques, particulièrement en matière de rénovation énergétique. Comme l’a souligné Dominique Estrosi-Sassone, sénatrice des Alpes-Maritimes, ces professionnels servent “d’intermédiaire entre les propriétaires d’une part et les professionnels de la rénovation énergétique” d’autre part. Cette position privilégiée leur permet de structurer efficacement la demande tout en assumant “un rôle éminemment important d’information, de conseil et d’adhésion des copropriétaires”.

Le syndic de copropriété : relais essentiel des politiques publiques
Forum de L’UNIS au CESE le 10 avril 2025

La complexité croissante des projets de rénovation énergétique renforce cette nécessité d’accompagnement. Le syndic de copropriété doit désormais anticiper les travaux face aux échéances réglementaires imposées notamment par la loi Climat et Résilience (loi n° 2021-1104 du 22 août 2021). Cette loi vise avant tout à lutter contre le dérèglement climatique. Pour y parvenir, elle introduit des obligations strictes en matière de performance énergétique des bâtiments. Parmi les mesures phares, figure l’interdiction progressive de mise en location des logements considérés comme des “passoires thermiques”, une disposition entrée en vigueur dès 2025 pour les classes G.

Selon les chiffres du ministère de la Transition écologique, plus de 5 millions de logements sont classés F ou G sur l’échelle du DPE. Ce qui représente 17 % du parc total des résidences principales. Or, ces mesures posent un véritable défi pour les copropriétés françaises. Elles concernent directement les syndics, chargés d’accompagner les propriétaires. Leur mission : aider à la mise en conformité énergétique des logements. Sans cela, de nombreux biens risquent d’être exclus du marché locatif.

Le décodeur des politiques publiques

Au-delà de la rénovation énergétique, le syndic de copropriété intervient dans de nombreux autres domaines d’action publique. La sénatrice a notamment évoqué les politiques liées à l’habitat dégradé. Elle a cité en particulier les copropriétés en difficulté ou fragiles. Elle a aussi souligné l’importance de la lutte contre le marché du sommeil. Enfin, elle a rappelé les actions menées pour prévenir les violences conjugales.

La lutte contre l’habitat indigne et le marché du sommeil est encadrée par la loi ALUR (loi n° 2014-366 du 24 mars 2014) et plus récemment par la loi contre l’habitat dégradé du 9 avril 2024. Cette dernière confère aux syndics de nouvelles responsabilités. Désormais, ils doivent identifier et signaler les situations d’habitat indigne. Pour cela, ils disposent d’outils renforcés. Ces moyens leur permettent d’intervenir plus efficacement dans les copropriétés dégradées.

Concernant les violences conjugales, la loi du 28 décembre 2019 (n° 2019-1480) a introduit des mesures permettant l’éviction du conjoint violent du logement familial, y compris en copropriété. Le syndic de copropriété peut être directement sollicités dans ce cadre. En effet, ils jouent un rôle clé pour faciliter l’application de ces mesures. Ils peuvent, par exemple, organiser l’accès à l’immeuble. De plus, ils transmettent parfois des informations utiles aux services sociaux.

“Les lois sont nombreuses et souvent imbriquées les unes dans les autres”, a souligné la sénatrice Dominique Estrosi-Sassone, présidente de la commission des affaires économiques. Elle a, par ailleurs, rappelé avoir présidé deux commissions d’enquête. La première portait sur l’efficacité des politiques publiques en matière de rénovation énergétique. La seconde s’intéressait à la paupérisation des copropriétés.

Les défis économiques d’un métier en transformation

Un modèle économique sous tension

La question de la viabilité économique du métier de syndic de copropriété a été au cœur des discussions. Étienne Dequirez, président de Sergic et de Plurience, a pointé un malentendu récurrent relevé dans le récent sondage réalisé par l’Institut IPSOS pour l’UNIS et PLURIENCE. En effet, il dévoile des résultats surprenants sur la perception des syndics de copropriété en France.

“On a vu la confusion avec les copropriétaires qui pensent qu’ils nous paient 141€ par logement par mois alors que c’est ce qu’ils paient par an ! ” indique-t-il. Or, cette perception erronée constitue l’un des principaux obstacles à une relation sereine entre copropriétaires et syndics.

Comme l’a fait remarquer Yannick Borde, président de Procivis : “C’est moins qu’un forfait internet ou que n’importe quel forfait.” Cette comparaison met en perspective le faible coût de ce service essentiel au regard d’autres dépenses courantes des ménages.

Plus révélateur encore, selon les chiffres du CCI-FRANCE sur l’immatriculation des professionnels de l’immobilier. Parce que sur 44503 titulaires de cartes au 1er janvier 2025, seuls 5088 possèdent la carte “S” et se consacrent exclusivement à l’activité de syndic de copropriété. Cette situation montre qu’il est “impossible” de vivre uniquement de cette activité, comme l’a souligné Étienne Dequirez. En effet, la plupart des cabinets complètent leurs revenus par d’autres services immobiliers, notamment la gestion locative et les transactions.

Syndic de copropriété : Un modèle économique sous tension

L’enjeu de la revalorisation des honoraires de syndic de copropriété

Comment justifier une augmentation des honoraires des syndics face à l’élargissement constant de leurs missions ? Cette question épineuse a été abordée par plusieurs intervenants. Yannick Borde, président de Procivis, a reconnu la difficulté : “Les copropriétaires ont un prix en tête, c’est quand même difficile de monter les prix.” Il suggère qu’une hausse significative pourrait être acceptée en cas de “choc technologique” ou d’évolution radicale du service rendu.

Certes, la loi ALUR a encadré les honoraires du syndic de copropriété avec l’instauration d’un contrat type (décret n° 2015-342 du 26 mars 2015). Ainsi, ce dernier distingue les prestations incluses dans le forfait annuel et les prestations particulières facturables séparément. Cependant, cette réglementation a permis plus de transparence. En revanche, elle n’a pas vraiment entraîné une revalorisation des honoraires. Ces derniers restent souvent en décalage avec l’ampleur des nouvelles missions confiées aux syndics.

Olivier Safar, président de l’UNIS Île-de-France et Grand Paris, a partagé un exemple concret pour illustrer ce décalage. Notamment, sur un projet de rénovation dans une copropriété en plan de sauvegarde à Aulnay-sous-Bois comprenant 700 logements.

“Le coût global des 3 intervenants (bureau d’étude, architecte, AMO) était de 115 000€. Pour ce même projet de 25 millions d’euros, le syndic n’a perçu que quelques centaines d’euros pour les réunions d’information, malgré un travail colossal ayant permis d’obtenir 21 millions d’euros de subventions sur 25 millions d’euros de travaux !”

Vers une reconnaissance du rôle sociétal du syndic de copropriété

Un tiers de confiance pour les copropriétaires

Malgré les critiques parfois formulées à son encontre, le syndic de copropriété bénéficie globalement de la confiance des copropriétaires. Étienne Dequirez l’a affirmé : “Les copropriétaires ont globalement tout à fait confiance dans leur syndic.” Cette relation de confiance constitue un capital précieux que la profession doit préserver et renforcer.

D’ailleurs, les études menées par les organisations professionnelles confirment cette tendance. Selon une enquête de Plurience, 62% des résidents se déclarent satisfaits de la gestion de leur copropriété. Bien que des attentes croissantes se manifestent en termes d’écoute, de transparence et de conseils.

La sénatrice Dominique Estrosi-Sassone a d’ailleurs insisté sur la nécessité pour la profession de “mieux valoriser son expertise et ses savoir-faire.” Selon elle, cette mise en valeur passe également par “une meilleure formation, par un meilleur contrôle des activités,” car “de ce meilleur contrôle des activités, il en ressortira une garantie de sérieux, une garantie de confiance.”

À cet effet, la loi ALUR a instauré une commission de contrôle des activités de transaction et de gestion immobilières (article 13-1 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970), mais ses décrets d’application se font toujours attendre. La sénatrice a souligné l’importance de montrer que “quand le syndic de copropriété manque à ses obligations, il est sanctionné.”

L’évolution vers un rôle de conseiller global

Le syndic de copropriété voit son rôle évoluer vers celui d’un conseiller aux compétences multiples. Yannick Borde a décrit un “professionnel hybride qui doit maîtriser une partie juridique, financière, comptable, budgétaire” avec “de plus en plus des sollicitations à caractère technique.” Cette polyvalence exigée reflète la complexification du métier.

De même, cette évolution pose la question de la formation des professionnels. Si la carte professionnelle est obligatoire depuis la loi Hoguet, les exigences en termes de qualification ont été renforcées par le décret n° 2016-173 du 18 février 2016. Puisque ce dernier impose une formation continue de 14 heures par an. Cependant, face aux nouvelles missions, certains intervenants estiment que ce volume horaire reste insuffisant.

Olivier Safar va plus loin en évoquant l’ajout d’un “rôle sociétal” aux missions traditionnelles comptables, techniques et juridiques. Il compare même parfois ce rôle à celui d’un “psychothérapeute de groupe” qui doit “guider dans le bon sens pour faire avancer non pas l’intérêt privatif, mais l’intérêt collectif de la copropriété.” Bien que cette dimension relationnelle et sociale prenne une importance croissante, elle reste insuffisamment reconnue et rémunérée.

Ce rôle de médiateur, bien que non inscrit formellement dans les contrats de syndic de copropriété, répond à une attente réelle des copropriétaires. La question se pose alors de l’intégration explicite de cette mission dans les contrats. “Si on doit faire de la médiation entre copropriétaires pour régler des conflits, rajoutez-nous une mission de médiation,” suggère Olivier Safar.

Les nouvelles missions du syndic de copropriété face à la rénovation énergétique

Un acteur clé dans la transition environnementale

Le rôle du syndic de copropriété dans la rénovation énergétique est désormais crucial. Étienne Dequirez a souligné une réalité souvent ignorée. En effet, “le syndic de copropriété, est le seul qui reste en moyenne 15 ans sur un immeuble” alors qu’une “rénovation énergétique, c’est une opération lourde qui va durer plusieurs années.” Cette continuité fait donc du syndic l’acteur idéal pour piloter ces projets sur le long terme.

La loi Climat et Résilience a instauré plusieurs obligations qui renforcent ce rôle :

  • L’obligation d’établir un Diagnostic de Performance Énergétique (DPE) collectif pour les immeubles à partir de 2024.
  • L’obligation d’élaborer un Plan Pluriannuel de Travaux (PPT) dans les copropriétés de plus de 15 ans.
  • La constitution obligatoire d’un fonds de travaux, porté à 5% du budget prévisionnel pour les copropriétés dont le DPE est classé F ou G.

Yannick Borde a rappelé les enjeux majeurs liés au parc immobilier existant. “80% des logements qui existeront en 2050 sont ceux déjà construits aujourd’hui.” Face aux enjeux de décarbonation, les syndics occupent une position stratégique pour “préserver la valeur patrimoniale” de ces biens tout en garantissant “leur habitabilité future malgré les contraintes réglementaires et les évolutions techniques nécessaires”.

Des compétences techniques et financières accrues

L’accompagnement des projets de rénovation énergétique exige des compétences spécifiques, notamment dans le montage financier des opérations. Ce travail considérable, réalisé avec différents partenaires techniques et financiers, illustre les nouvelles responsabilités du syndic de copropriété.

Les aides financières à la rénovation énergétique sont nombreuses, mais complexes à mobiliser :

  • MaPrimeRénov’ Copropriété, gérée par l’ANAH, qui peut atteindre jusqu’à 25% du montant des travaux dans la limite de 15 000€ par logement.
  • Les aides des collectivités territoriales, variables selon les régions et les départements.
  • Les Certificats d’Économie d’Énergie (CEE), dispositif national impliquant les fournisseurs d’énergie.
  • L’éco-prêt à taux zéro collectif pour les copropriétés.

Yannick Borde a également évoqué la nécessité de faciliter l’accès aux financements en améliorant la coopération avec les établissements bancaires. “Nous avons un travail considérable à accomplir en tant que syndics auprès des établissements bancaires pour les familiariser avec le fonctionnement des syndicats de copropriété et leur permettre d’évaluer correctement le niveau de risque et les probabilités de défaut de paiement d’une copropriété.” Cette méconnaissance du secteur bancaire constitue un frein important aux projets de rénovation.

Notons que la loi contre l’habitat dégradé du 9 avril 2024 a introduit un “prêt collectif à adhésion simplifiée” pour faciliter le financement des travaux en copropriété. Cependant, comme l’a souligné Yannick Borde, “il faut que la profession, mais surtout nos partenaires bancaires se saisissent de ce nouvel outil, dont l’efficacité dépendra de son appropriation par l’ensemble des acteurs.”

Le syndic d’intérêt collectif : une innovation à perfectionner

Une nouvelle catégorie de professionnels spécialisés

La loi du 9 avril 2024 contre l’habitat dégradé a créé une nouvelle catégorie de syndics : le “syndic d’intérêt collectif”. Selon la sénatrice Estrosi-Sassone, cette innovation représente “une voie médiane” entre le syndic public souhaité par certains et la certification QualiSR défendue par d’autres comme gage de compétence suffisant pour la rénovation de l’habitat dégradé.

Le syndic de copropriété d'intérêt collectif : une innovation à perfectionner
Ce syndic spécialisé peut être mandaté à la demande d’un mandataire ad hoc ou d’un administrateur provisoire. Ainsi, il intervient dans la rénovation de l’habitat dégradé. Il peut aussi appuyer les collectivités, les copropriétaires, les syndics et les administrateurs provisoires. Toutefois, l’absence de décrets d’application freine encore sa mise en œuvre concrète.

Des questions en suspens

Plusieurs interrogations demeurent concernant ce nouveau statut. La sénatrice a notamment évoqué “le questionnement du financement”. Car ce service “peut avoir un coût, voire un surcoût” problématique pour des copropriétés déjà en difficulté, alors que “les aides aujourd’hui de l’ANAH ne sont pas suffisantes potentiellement.”

L’ANAH propose une “aide à la gestion” pour les copropriétés en difficulté, mais Olivier Safar a souligné les lourdeurs administratives liées à cette aide. “Pour l’obtenir il faut remplir 18 pages d’un questionnaire. Mettre en moyenne environ 45 documents dedans.” Plus problématique encore, ces aides sont versées très tardivement : “Vous êtes à un an et demi ou 2 ans quand on est payé. Et encore, certains dans le sud de la France ne sont pas payés au bout de 3 ans !”

Le périmètre d’intervention pose également question. Quel est son périmètre d’intervention ? Quelle est sa durée d’intervention ? Ces aspects n’ont pas été “complètement tranchés”. Parce qu’il faut clarifier les interactions entre ce nouveau syndic, l’administrateur judiciaire provisoire et le syndic déjà en place. Olivier Safar a précisé que ces syndics spécialisés devraient suivre une formation complémentaire d’environ 20 heures, plus 7 heures annuelles de mise à jour, pour obtenir cette qualification.

C’est pourquoi, La présidente de l’UNIS, Danielle Dubrac, envisage une “contractualisation avec le Conseil syndical” pour clarifier les missions de ce nouveau type de syndic. Il est, en effet, important de préciser que “ce syndic d’intérêt collectif ne peut pas à lui seul gérer la copropriété” et doit agir “en lien avec le Conseil syndical et avec aussi les décisions qui sont prises en Assemblée générale.”

Isabelle DAHAN

Isabelle DAHAN

Rédactrice en chef de Monimmeuble.com. Isabelle DAHAN est consultante dans les domaines de l'Internet et du Marketing immobilier depuis 10 ans. Elle est membre de l’AJIBAT www.ajibat.com, l’association des journalistes de l'habitat et de la ville. Elle a créé le site www.monimmeuble.com en avril 2000.

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