La Cour de cassation tranche un débat crucial le 4 décembre 2025. Comment calculer la rémunération de l’administrateur provisoire d’une copropriété en difficulté ? L’ANCC contestait le décompte des lots effectué par la cour d’appel de Versailles. Selon elle, seuls les 282 lots réellement administrés devaient être pris en compte. Or, le règlement de copropriété en mentionnait 659. La Haute juridiction statue sans ambiguïté : ce sont les lots définis au règlement de copropriété qui font foi, quelle que soit leur consistance. Cette interprétation de l’arrêté du 8 octobre 2015 a des conséquences directes sur le mode de rémunération applicable. Au-delà de 500 lots, le juge fixe librement les honoraires. Analyse d’une jurisprudence qui sécurise les pratiques.
Sommaire :
- Quel est le contexte de cet arrêt sur la rémunération de l’administrateur provisoire ?
- Comment est calculée la rémunération de l’administrateur provisoire selon la réglementation ?
- Quelle définition des lots retient la Cour de cassation ?
- Quelles sont les conséquences pratiques de cette décision ?
- Quels enseignements tirer pour les professionnels et copropriétaires ?
À retenir – Rémunération de l’administrateur provisoire en copropriété
- Le nombre de lots correspond à ceux inscrits au règlement de copropriété, pas aux lots réellement gérés.
- Au-delà de 500 lots, le juge fixe librement les honoraires selon les diligences accomplies.
- En dessous de 500 lots, un barème avec droits fixes et proportionnels s’applique automatiquement.
- Les lots vacants ou sans appels de fonds comptent dans le calcul du seuil.
- Cet arrêt du 4 décembre 2025 sécurise juridiquement le mode de calcul pour tous les acteurs.
Quel est le contexte de cet arrêt sur la rémunération de l’administrateur provisoire ?
Une copropriété en difficulté sous administration provisoire
Le tribunal désigne l’Association nationale de la copropriété et des copropriétaires (ANCC) comme administrateur provisoire d’un syndicat de copropriétaires. Cette nomination s’inscrit dans le cadre de l’article 29-1 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965. Ce texte autorise le tribunal à nommer un administrateur provisoire lorsqu’une copropriété connaît des difficultés graves de gestion. À l’issue de sa mission, l’ANCC saisit le président du tribunal judiciaire. Elle demande la fixation de ses honoraires par voie de taxe. Le président du tribunal judiciaire rend une première ordonnance le 27 avril 2022. Par la suite, l’affaire remonte devant la cour d’appel de Versailles. Finalement, la Cour de cassation statue le 4 décembre 2025 (pourvoi n° 23-21.525).
Un litige sur le nombre de lots à considérer
Le désaccord porte sur l’interprétation du terme “lots” dans l’arrêté du 8 octobre 2015. Ce texte fixe la rémunération applicable à l’administrateur provisoire. L’ANCC défend une position restrictive. Selon elle, seuls les lots ayant fait l’objet d’appels de fonds comptent. Cela représente 282 lots réellement administrés : 271 appartements avec caves et 11 locaux commerciaux.

Or, le règlement de copropriété mentionne 659 lots. Cette différence est déterminante. En effet, elle conditionne le mode de calcul de la rémunération de l’administrateur provisoire. Le 21 juin 2023, le premier président de la cour d’appel de Versailles annule l’ordonnance initiale. Il statue à nouveau et fixe les honoraires de l’ANCC à 24 410,30 euros TTC.
Comment est calculée la rémunération de l’administrateur provisoire selon la réglementation ?
Le régime de droit commun pour les petites copropriétés
L’article 61-1-5 du décret n° 67-223 du 17 mars 1967 définit le système de rémunération. Le décret n° 2015-999 du 17 août 2015 a modifié ce texte. L’administrateur provisoire perçoit des droits fixes et des droits proportionnels dégressifs par tranche. Un arrêté conjoint des ministres de la Justice et du Logement fixe ces montants. Ce système barémique s’applique aux copropriétés de moins de 500 lots. Il offre une prévisibilité des coûts pour le syndicat des copropriétaires. Le professionnel reçoit d’abord un droit fixe pour l’ensemble de sa mission. Ensuite, le calcul intègre des droits proportionnels au nombre de lots. Ce système dégressif par tranche favorise les économies d’échelle.
Le régime dérogatoire pour les grandes copropriétés
L’article 3 de l’arrêté du 8 octobre 2015 prévoit une exception importante. Le texte dispose : “par dérogation aux articles 4 à 15, lorsque la copropriété comporte 500 lots et plus, l’entière rémunération de l’administrateur provisoire est fixée par le juge en fonction des frais engagés et des diligences accomplies”.
Ce régime offre davantage de souplesse. Il permet d’adapter la rémunération de l’administrateur provisoire à la complexité réelle de chaque mission. Le magistrat évalue concrètement le temps consacré. Il prend également en compte les difficultés rencontrées et les résultats obtenus. Ainsi, il n’est pas contraint par un barème préétabli. Ce système évite d’appliquer une grille tarifaire inadaptée aux grandes structures.
Quelle définition des lots retient la Cour de cassation ?
Les lots du règlement de copropriété font foi
La Cour de cassation établit un principe clair dans son arrêt du 4 décembre 2025. Elle énonce : “Les lots de copropriété, au sens du second de ces textes [l’article 3 de l’arrêté du 8 octobre 2015], sont ceux définis au règlement de copropriété ou à l’état descriptif de division, quelle que soit leur consistance”.
Cette définition s’impose indépendamment de la nature physique des lots. Peu importe donc que certains lots soient des caves, des parkings, des box, des chambres de service ou des appartements. Peu importe également qu’ils fassent l’objet d’appels de fonds réguliers. Leur occupation effective n’entre pas non plus en ligne de compte. Seule compte la définition juridique. Les documents officiels de la copropriété font autorité.
Le rejet de l’argument sur les lots « réels »
L’ANCC invoque une interprétation restrictive. Elle se fonde sur les lots effectivement administrés. Dans son moyen de cassation, elle argue que “la notion de ‘lots’ mentionnée dans l’arrêté du 8 octobre 2015 correspond à ceux qui ont donné lieu à des appels de fonds”. Elle poursuit : cette notion “s’entend donc du nombre de lots réels à administrer et non du nombre de lots théoriques indiqué dans un règlement de copropriété obsolète”.
La Haute juridiction rejette catégoriquement cet argument. Elle relève que la copropriété dont l’ANCC exerçait les fonctions comptait 659 lots aux termes du règlement de copropriété. Par conséquent, “le premier président en a exactement déduit que la rémunération de l’administrateur provisoire devait être fixée uniquement en fonction des frais engagés et des diligences accomplies”. La Cour conclut sans ambiguïté : “Le moyen n’est donc pas fondé”.
Quelles sont les conséquences pratiques de cette décision ?
Un régime plus favorable pour les grandes copropriétés
Dans cette affaire, le dépassement du seuil de 500 lots déclenche l’application du régime dérogatoire. L’article 3 de l’arrêté du 8 octobre 2015 prévoit ce mécanisme. La rémunération de l’administrateur provisoire n’obéit donc pas au barème forfaitaire. Le juge la fixe au cas par cas. Cette solution peut s’avérer plus avantageuse ou plus coûteuse selon les circonstances.
En l’espèce, le premier président de la cour d’appel de Versailles fixe les honoraires à 24 410,30 euros TTC. L’ANCC estime ce montant insuffisant. Elle forme donc un pourvoi en cassation. Le magistrat dispose d’un pouvoir d’appréciation étendu. Il évalue les diligences accomplies, la durée de la mission et les difficultés spécifiques. Cette approche s’adapte aux particularités de chaque copropriété en difficulté.
La sécurité juridique renforcée
Cette jurisprudence clarifie un point qui pouvait prêter à confusion. Elle précise l’application des textes régissant la rémunération de l’administrateur provisoire. Désormais, les administrateurs provisoires et les syndicats de copropriétaires disposent d’un critère objectif. Ils peuvent facilement vérifier ce critère. Il suffit de consulter le règlement de copropriété ou l’état descriptif de division pour connaître le régime applicable.
Cette prévisibilité facilite les relations contractuelles. Elle limite également les contestations. Les professionnels peuvent évaluer dès le départ le mode de calcul de leur rémunération. Ils savent s’ils relèvent du barème ou de l’appréciation judiciaire. Par conséquent, ils adaptent leur offre de services et leur engagement en conséquence.
Quels enseignements tirer pour les professionnels et copropriétaires ?
L’importance du règlement de copropriété
Ce document constitue la référence incontournable. Il détermine le nombre de lots au sens de l’arrêté du 8 octobre 2015. Les professionnels doivent systématiquement le consulter avant d’accepter une mission d’administrateur provisoire. Cette consultation leur permet d’anticiper le mode de calcul de leur rémunération.
Les copropriétés en difficulté peuvent également prévoir les modalités de fixation des honoraires. Elles se basent sur ce document officiel. Cette simple lecture suffit à déterminer l’application du régime dérogatoire. Pourtant, seulement 282 lots étaient effectivement gérés. Cette différence n’a pas d’incidence juridique.
Les recours possibles en cas de désaccord
L’ANCC conteste la décision jusqu’en Cour de cassation. Son action reste néanmoins sans succès. Elle enregistre son pourvoi sous le numéro 23-21.525. L’arrêt du 4 décembre 2025 rejette ce pourvoi. L’association supporte les dépens. De plus, elle doit verser 3 000 euros au syndicat des copropriétaires. L’article 700 du Code de procédure civile fonde cette condamnation.
Cette issue rappelle un principe important. Les chances de succès d’un recours sur cette question sont désormais limitées. La jurisprudence s’affirme avec clarté. L’arrêt publié au Bulletin porte la référence ECLI:FR:CCASS:2025:C300590. Il fait désormais autorité. Les juridictions inférieures doivent suivre cette interprétation. Elle concerne la notion de “lots” pour le calcul de la rémunération de l’administrateur provisoire. Cette règle s’applique en matière de copropriétés en difficulté.

