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Copropriété

Cohérence ? Vous avez dit cohérence…

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Cohérence ? Vous avez dit cohérence…

Cohérence ? Vous avez dit cohérence…

 

Tant la loi ALUR du 24 mars 2014 que les nombreux décrets d’application dont la parution est aujourd’hui presque complète ont bouleversé le domaine de la copropriété. La marque première de tous ces textes est la défiance vis-à-vis du syndic.

Ce grief éclatant pourrait être pardonné sous le sceau de l’idéologie mais ce qui, à mon sens, est plus inquiétant, c’est le manque de cohérence dans de nombreuses dispositions.

Si les commentateurs et les praticiens du droit peuvent en faire leur miel, ceux qui sont en bout de chaîne, les copropriétaires, eux en feront les frais. La liste ci-après établie un peu à la Prévert, se limitant au domaine de la copropriété aussi bien dans la loi que dans les décrets,  ne prétend nullement à l’exhaustivité.

 

La mise en concurrence du syndic

 

Après revirement par la loi Macron de 2015, la question est toujours obscure.

Le syndic provisoire

Il ne peut être maintenu lors de la première assemblée générale qu’après mise en concurrence préalable effectuée par le conseil syndical s’il existe ou par les copropriétaires (article 17).

On observe simplement :

– que le conseil syndical nommé par l’assemblée générale ne peut exister avant la tenue de celle-ci !

– que les copropriétaires ignorent la date de la première assemblée générale pour soumettre préalablement des projets de contrat !

– que la loi ne précise pas qu’elle est la solution à défaut de mise en concurrence. Si elle se traduit par la nullité du mandat cela implique la désignation par le tribunal d’un administrateur provisoire. Est-ce la volonté de protéger les copropriétaires ou d’instituer une disposition « anti-syndic » ?

Le syndic est déjà en place

Tous les trois ans, le conseil syndical doit procéder à une mise en concurrence et tout copropriétaire peut la provoquer. Quelle est la sanction si l’assemblée n’y procède pas et qu’aucun copropriétaire n’ait demandé son inscription à l’ordre du jour : la nullité de la nomination du syndic ? Il faudra alors s’adresser, à nouveau, au juge pour qu’il désigne un administrateur provisoire ce qui ne manquera pas d’être onéreux pour le syndicat.

La disposition légale semble en fait plus anti-syndic que protectrice des intérêts du syndicat. La loi autorisant tout copropriétaire à demander tout au long de l’année de porter à l’ordre du jour de la prochaine assemblée générale l’examen de projets de contrats de syndics différents n’est-elle pas suffisante pour satisfaire à la concurrence et pour éviter de recourir à justice ?

 

Le contrat de syndic

 

La méfiance à l’égard du syndic amène le législateur à infantiliser les copropriétaires, qui seraient incapables de négocier quoi que ce soit et que le « prêt-à-porter », devenant obligatoire, interdit le « sur mesure ». Toutes modifications sont interdites.

Le syndic, notamment, ne peut en aucun cas faire supporter au syndicat les frais et honoraires afférents aux prestations ne concernant qu’un copropriétaire (article 10-1 : le contentieux envers les copropriétaires défaillants et les états datés lors des mutations). Qui devra en faire l’avance : le syndic ? Mais la loi lui interdit d’avancer des fonds au syndicat (article 18). Alors devrait-il s’adresser au copropriétaire qu’il va poursuivre ou au vendeur d’un lot pour lui demander son accord et une provision ? Un recours en annulation devant le Conseil d’Etat a d’ailleurs été engagé à ce sujet.

 

La vérification des comptes de copropriété

 

Il a fallu un décret (30 décembre 2015) pour préciser comment la vérification pouvait s’effectuer.

La première remarque est de constater que ce problème n’était pas de première urgence ni même de la dernière, le contentieux étant réduit à sa plus simple expression. En revanche, ce décret prévoit que :

– les pièces justificatives sont présentées aux copropriétaires classées par catégories alors que les comptes sont nécessairement présentes sous deux formes en vertu du décret comptable du 14 mars 2005, donc deux catégories : d’une part, par nature de charges et, d’autre part par clé de répartition. Laquelle retenir ? Il suffisait de viser la clé par répartition la seule intéressant le copropriétaire et lui permettant de retrouver sa quote-part

– les pièces comptables sont « des documents originaux ou des copies » alors que le décret comptable du 14 mars 2005 dispose que « les pièces justificatives doivent être des originaux » (article 6). Les deux dispositions sont d’ordre public et pourtant contradictoires !

 

Les notifications électroniques

 

On trouve là, le modèle de ce qu’il ne faut pas faire. Si le décret du 21 octobre 2015 prévoit bien que le délai a pour point de départ le lendemain de l’envoi aux destinataires par le tiers chargé de l’acheminement du courrier électronique alors pourquoi envisage-t-il ensuite la possibilité de recourir aux dispositions d’un décret du 2 février 2011 permettant de demander l’envoi sur papier auquel cas le délai ne commencera à courir que le lendemain de la première présentation sur papier retirant ainsi toute sécurité et laissant planer la nullité de l’assemblée générale.

Pourquoi ne pas avoir précisé que cette demande tardive de papier ne modifiera en aucun cas le point de départ de la computation du délai ?

 

Emprunt souscrit par le syndicat des copropriétaires

 

La loi ALUR, au mépris des règles comptables imposant l’exhaustivité des écritures comptables et interdisant la possibilité pour l’assemblée générale de déléguer à un tiers un des pouvoirs du syndic, que l’on peut appeler de régalien comme étant de l’essence même de sa fonction, sans pouvoir en être séparé, a autorisé l’assemblée générale à déléguer à l’établissement prêteur la possibilité de recueillir directement les annuités de l’emprunt auprès des copropriétaires (article 26-6 de la loi du 10 juillet 1965) alors qu’il s’agit d’une opération comptable dénouant le prêt consenti par le syndicat et encaissé par lui et figurant comme tel dans sa comptabilité.

Pourquoi demain le chauffagiste et l’ascensoriste ne seraient-ils pas autorisés à percevoir directement des copropriétaires les quotes-parts leur incombant dans ces services ? A la limite, le syndic pourrait être dépossédé de tous ses pouvoirs.

Une comptabilité fiable a été instituée par le décret et l’arrêté comptables du 14 mars 2005. Si ils ont besoin d’être complétés ou modifiés (ce qui est le cas), ce ne peut être que dans le respect des règles comptables fondamentales.

 

Le livret d’épargne A, souscrit par le syndicat

 

La loi ALUR a prévu qu’un décret (à paraitre avant le 1er janvier 2016) devrait indiquer son montant en fonction du nombre de lots de la copropriété. Le décret, toujours en attente, a prévu dans son projet que ce nombre devait être prouvé par un état à lever aux hypothèques, comme si le syndic n’était pas capable de l’attester lui-même.

 

L’immatriculation des syndicats des copropriétaires

 

Elle est obligatoire à compter du 1er janvier 2017 et s’échelonnera jusqu’au 1er janvier 2019 en fonction du nombre de lots composant le syndicat alors que le décret n’est toujours pas paru et que le nombre d’immeubles de plus de 200 lots visés au 1er janvier prochain a été minimisé par le pouvoir réglementaire semblant avoir pris le terme « lot » dans le sens de lot principal ce qui change la donne dans une proportion de l’ordre de 1 à 3. La loi visant « le lot », il n’est pas possible de considérer qu’il s’agit de « lot principal ».

Si feu la commission relative à la copropriété avait posé le problème envisageant une simple immatriculation, les nouvelles dispositions prévoient maintenant d’y mentionner un nombre considérable de renseignements dont beaucoup devront être renouvelés annuellement ou ponctuellement transformant cette création en une véritable usine à gaz méconnaissant une vieille maxime « le mieux est l’ennemi du bien ».

L’immatriculation, d’une part, devrait s’effectuer dès que le notaire a établi un état descriptif de division alors que ce n’est pas ce document qui fait naitre la copropriété et d’autre part, et inversement l’immatriculation est exclue pour les immeubles qui sont à destination exclusivement professionnelle, commerciale, artisanale ou industrielle.

Le registre pêchera en conséquence et par excès et par défaut.

 

Le comptage de la chaleur fournie

 

Il doit être mis en place avant le 31 mars 2017, la sanction prévue pouvant s’élever à 1 500 euros par logement et par an alors qu’une polémique est toujours en cours. S’agit-il de compteur de chaleur (un seul à l’entrée de l’appartement) ou de répartiteurs (un par radiateur) qui ne seraient pas stricto sensu des compteurs.

La solution est d’importance du fait que le compteur de chaleur n’est possible que dans seulement environ 10% des immeubles par suite du système de distribution prépondérant.

Les modifications successives des textes et des commentaires de l’administration n’ont pas clarifiés le débat. Toujours est-il que la date du 31 mars 2017 ne sera pas respectée compte tenu des pré-requis nécessaires.

Ces quelques remarques permettent de penser que les temps ont bien changé depuis que Boileau estimait que « ce qui se conçoit bien s’énonce clairement ». Le manque de clarté découlant de ces quelques exemples ne peut que conduire à une absence de cohérence entrainant des interprétations autant diverses qu’incertaines les unes et les autres, se traduisant par une insécurité juridique à l’inverse du but à atteindre.

 

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Manda R.

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