Le groupe de travail de l’Assemblée nationale sur les aides personnelles au logement (APL), créé par la commission des affaires économiques a examiné l’ensemble des propositions de réformes des APL et formule six recommandations dont certaines pourraient être suivies dès le projet de loi de finances pour 2016.
6,5 millions de ménages bénéficient aujourd’hui d’une aide au logement, dont plus de la moitié ont des ressources inférieures au seuil de pauvreté et 80% ont des ressources inférieures à un SMIC. L’APL est ciblée sur les ménages les plus modestes et constitue donc une dépense très dépendante de la conjoncture économique. Ainsi, si le coût annuel des APL dépasse aujourd’hui les 18 milliards d’euros, contre 15,9 milliards d’euros en 2010, le groupe de travail rappelle que c’est avant tout parce que le nombre de bénéficiaires a augmenté (+3,5% entre 2010 et 2013) et que les classes modestes se sont paupérisées.
Les loyers augmentent, par ailleurs, plus vite que les revenus des ménages. En raison d’une sous-actualisation des barèmes, et malgré la hausse de la dépense budgétaire, le taux d’effort net des allocataires a progressé de + 0,3 % par an dans les années 2000 (+0,6% par an dans le parc privé).
Dans ce contexte, le groupe de travail écarte toute mesure générale non ciblée telle qu’un gel des barèmes, une diminution du forfait charges ou le relèvement du seuil minimal de taux d’effort qui toucheraient majoritairement les ménages les plus modestes de notre pays, même si ces mesures sont techniquement et politiquement les plus faciles à mettre en œuvre.
Par ailleurs, le groupe de travail recommande, dans le prochain projet de loi de finances, d’abroger l’article 93 de la loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015 qui prévoit la transformation, au 1er janvier 2016, de l’APL accession en simple assurance contre une baisse importante des ressources du ménage accédant. Cette quasi-suppression de l’APL accession nuirait grandement à la capacité des ménages aux revenus modestes et moyens d’accéder à la propriété tout en aggravant, à court terme, le déficit public.
Plutôt que d’appliquer la réforme prévue par la loi de finances pour 2015, le groupe de travail recommande d’abaisser les plafonds de ressources pour le bénéfice de l’APL accession, dans certaines zones, afin de limiter au maximum les effets d’aubaine, c’est-à-dire les cas où les opérations auraient eu lieu sans l’existence de l’APL (la moitié des opérations environ). L’économie serait moindre mais plus juste socialement et plus efficace budgétairement et économiquement.
De même, le groupe de travail recommande donc d’appliquer aux APL le même système que celui qui est retenu pour le RSA : pour l’appréciation des ressources des bénéficiaires, les biens seraient considérés comme procurant un revenu annuel égal à 3% du montant des capitaux (article R132-1 du code de l’action sociale et des familles). Cette mesure ciblée concernerait principalement les 10% d’allocataires qui ont un patrimoine supérieur à 30.000 €, dont 4% qui ont un patrimoine supérieur à 75.000 € et 2% qui ont un patrimoine supérieur à 150.000 €. Elle générerait une économie budgétaire annuelle de 150 millions d’euros environ.
La réforme des règles d’attribution aux étudiants semble inévitable. En 2013, les étudiants représentaient 12% des allocataires, soit 730.000 étudiants. Or seuls 32,9% des étudiants bénéficiaires de l’APL sont boursiers, c’est-à-dire ont des parents aux revenus modestes. De plus, l’APL étudiante a un effet fortement inflationniste sur les loyers des petites surfaces dans les grandes agglomérations.
Le groupe de travail recommande donc de mieux cibler les aides vers les étudiants qui en ont le plus besoin et de les moduler en fonction de trois critères : le revenu des parents, l’éloignement géographique et les cas de rupture familiale. Ces trois critères sont déjà pris en compte dans le système de bourses. Il s’agirait donc d’une mesure de mise en cohérence des aides aux étudiants, qui permettrait également de transférer la gestion des aides au logement aux CROUS. Les aides au logement ne seraient toutefois pas réservées aux étudiants qui sont actuellement boursiers. Seules les pratiques les plus abusives sont visées. L’économie annuelle générée par une telle réforme serait de 180 millions d’euros.
Enfin, à long terme, le groupe de travail préconise une réforme d’ensemble des aides publiques au logement visant à faire baisser le niveau des loyers. Avec la baisse progressive des aides à la pierre dans le budget de l’Etat, la répartition entre le soutien à la demande et le soutien à l’offre est aujourd’hui déséquilibrée : plus de 18 milliards d’euros pour les APL contre seulement 400 millions d’euros pour les aides à la pierre.
Le groupe de travail estime, en effet, qu’une hausse des aides à la pierre par opération pour les PLAI, tout en stimulant la construction, pourrait permettre de faire baisser les loyers des logements neufs de telle sorte que l’APL ne soit plus nécessaire. Selon des premières estimations fournies par l’Union sociale pour l’habitat (USH), une hausse de 1,5 milliards d’euros des aides à la pierre en faveur des PLAI permettrait, par exemple, une économie immédiate de 42 millions d’euros d’APL, amortie au bout de 25 ans.
De la même manière, le plan de construction de 40.000 logements étudiants en cinq ans, qui pourrait être amplifié, doit être l’occasion de faire baisser les loyers des petites surfaces des villes étudiantes de telle sorte que la dépense d’APL consacrée aux étudiants diminue. Or, depuis 2014, les aides à la pierre de l’Etat par opération consacrées à ce plan ne cessent de baisser, comme pour le reste des logements locatifs sociaux.
Dans le parc libre, le groupe de travail rappelle que la maîtrise du niveau des loyers dans les zones très tendues passe par la mise en œuvre de l’encadrement des loyers et estime que la fixation de maxima de loyers, au-delà desquels l’APL serait dégressive, pourrait être envisagée à terme.
Les recommandations
- Recommandation n°1 : Ne pas appliquer de mesures d’économie générale non ciblées, telles qu’un gel des barèmes, une diminution du forfait charges ou un relèvement du seuil minimal de taux d’effort.
- Recommandation n°2 : Annuler la réforme de l’APL accession prévue par la loi de finances pour 2015 et préférer un abaissement ciblé des plafonds de ressources.
- Recommandation n°3 : Prendre en compte le patrimoine des ménages dans le calcul de l’APL, sur le modèle du RSA.
- Recommandation n°4 : Mieux cibler les APL à destination des étudiants en prenant en compte le revenu des parents, l’éloignement géographique et les cas de rupture familiale.
- Recommandation n°5 : Stabiliser l’APL par période de trois ou six mois, quels que soient les changements de situation du ménage.
- Recommandation n°6 : Etudier une hausse des aides à la pierre destinée à faire baisser le niveau des loyers.
Source : www.assemblee-nationale.fr