L’accession à la propriété de la résidence principale est un enjeu essentiel de politique sociale. C’est pourquoi, un groupe de sénateurs propose de mettre en place, à côté des dispositifs existants, un nouveau mécanisme d’accession à la propriété, « le contrat d’accession progressive à la propriété ».
L’accession à la propriété est un facteur de promotion et d’intégration sociales pour les ménages disposant d’un revenu modeste. L’idée n’est pas nouvelle, elle date de plus de 50 ans ! La loi de 1965 prévoit en effet, que lorsque le locataire d’un logement en HLM souhaite acquérir son logement et en fait la demande, « l’organisme d’habitations à loyer modéré est alors tenu de procéder à la vente, sauf motifs reconnus sérieux et légitimes par le préfet après avis du comité départemental des habitation à loyer modéré ».
Cependant, ce texte n’a eu que des effets limités, en raison tant des réticences des bailleurs sociaux que de l’inadaptation des formules de financement aux ménages les plus modestes.
La loi n° 83-953 du 2 novembre 1983 sur la vente des logements appartenant à des organismes d’habitation à loyer modéré est ensuite revenue sur le principe posé par la loi de 1965, en mettant en place un dispositif beaucoup plus restrictif : désormais, l’initiative de la vente appartenait à l’organisme propriétaire, en accord avec la commune d’implantation et le représentant de l’État dans le département ; des conditions d’ancienneté de l’immeuble et de l’occupation par le locataire étaient également posées.
Ces règles ont été modifiées à plusieurs reprises, ce qui a permis un assouplissement des conditions concernant l’ancienneté de l’immeuble et de son occupation ; mais l’initiative de la vente demeure l’apanage de l’organisme propriétaire et, si l’accord de la commune n’est plus expressément nécessaire pour la vente, il semble que dans la pratique il soit très rare de passer outre un avis négatif.
À cet égard, la loi n° 2013-61 du 18 janvier 2013 relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social a eu un effet contre-productif, le relèvement des quotas obligatoires de logements sociaux locatifs conduisant les maires à envisager défavorablement la vente de logements sociaux.
Au total, les ventes de logement HLM restent globalement très limitées : « moins de 0,2% seulement du parc est vendu chaque année, alors qu’en parallèle les organismes construisent de nouveaux logements qui contribuent à l’accroissement du parc à hauteur de 2% en moyenne ». De ce fait, la vente de logements sociaux ne constitue pas aujourd’hui un levier significatif de l’accession à la propriété.
Pourtant, la vente de logements HLM devrait être considéré comme un des instruments disponibles pour le financement de la construction de nouveaux logements sociaux. Ainsi, les bailleurs sociaux devraient pouvoir à la fois, grâce à la vente d’une partie du parc, permettre l’accession sociale à la propriété et répondre aux besoins en logements supplémentaires.
Pour atteindre ces objectifs, revenir à l’obligation de vente ne paraît plus être la solution. En revanche, les conventions d’utilité sociale (CUS), prévues par la loi n° 2009-323 du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion, paraissent un cadre approprié. Conclues avec l’État par les organismes HLM, elles doivent comprendre un plan de mise en vente des logements à leurs locataires.
Ce dispositif est donc fortement incitatif ; sa limite est de ne pas fixer d’objectif national contraignant permettant d’engager le mouvement de vente à une échelle suffisante. Selon les sénateurs, « il paraît donc souhaitable d’inscrire dans la loi la règle d’une vente de 15% au minimum des logements détenus par l’organisme sur la durée d’une CUS, soit six ans. Il convient dans le même esprit de réduire les obstacles à la décision de mise en vente. Par ailleurs, afin que la vente ne soit pas un obstacle au respect des quotas de logements sociaux, il convient de prévoir que les logements vendus restent pris en compte dans ces quotas pendant une durée de 10 ans ».
La deuxième difficulté rencontrée reste les modes de financement inadaptés à la situation des locataires aux revenus modestes. Si le « prêt social location accession » (PSLA) paraît approprié à la vente de logements neufs, ce n’est pas le cas pour les logements HLM anciens.
Certes, un dispositif spécifique a été mis en place par la loi n° 2006-872 du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement, qui a introduit dans le code de la construction et de l’habitation une section relative à « l’accession progressive des locataires à la propriété » par la création de sociétés civiles immobilières d’accession progressive à la propriété (SCI APP).
Les SCI APP sont créées par des organismes HLM. Les habitants de l’immeuble paient un loyer à la SCI APP pendant toute la durée de l’accession et peuvent acheter des parts acquisitives pour un montant qui correspond à la valeur de leur logement. Le locataire devient propriétaire du logement qu’il habite lorsqu’il a acquis, auprès de l’organisme HLM, la totalité des parts correspondant à son lot. Cette formule originale a été cependant très rarement utilisée, en raison de sa relative complexité et de la rigidité de certaines règles.
Selon les sénateurs, il faut aller plus dans cette démarche et proposer un dispositif simple et stable, un nouveau mécanisme d’accession à la propriété : « le contrat d’accession progressive à la propriété ». Ce contrat réaliserait un transfert de propriété progressif par acquisition de points, chaque mois, à l’occasion du paiement du loyer. Les points seraient transférables vers un logement analogue en cas de déménagement ; la mise en place d’un répertoire national permettrait de favoriser ces transferts.
La propriété serait attribuée au locataire lorsque celui-ci disposerait du nombre de points correspondant au logement. Cette formule simple et souple n’impliquerait par ailleurs aucune augmentation des dépenses publiques consacrées au logement, mais seulement un redéploiement des moyens pour mieux poursuivre les objectifs de la politique sociale du logement.