L’accession à la propriété traverse une crise sans précédent en Île-de-France. Selon la dernière étude de l’Institut Paris Region publiée en juin 2025, les transactions immobilières financées par crédit bancaire ont chuté de 38% entre 2019 et 2023. Cette dégringolade s’explique principalement par la remontée brutale des taux de crédit immobilier, passés de 1,1% en 2021 à 3% en 2023. Conséquence directe : le coût du financement représente désormais 33% du prix d’achat contre seulement 12% en 2019. Les acquéreurs primo-accédants paient le plus lourd tribut, leur part chutant de 67% à 49% des acquéreurs. Face à cette crise de l’accession immobilière, quelles solutions s’offrent aux ménages franciliens souhaitant devenir propriétaires ?
Sommaire :
- L’accession à la propriété fragilisée par la hausse des taux
- Primo-accédants : les grands perdants de la crise
- La sélection économique s’intensifie
- Disparités territoriales marquées
- Un marché durablement grippé ?
- FAQ – Accession à la propriété en Île-de-France
L’accession à la propriété fragilisée par la hausse des taux
La remontée des taux, déclencheur de la crise immobilière
La crise de l’accession à la propriété ne tombe pas du ciel. Elle trouve son origine dans la hausse brutale des taux d’intérêt. Après dix ans de politique monétaire accommodante, la Banque centrale européenne a changé de cap. Résultat : les taux de crédit immobilier sont passés de 1,1% en 2021 à 3% en 2023, avec un pic à 3,6% en décembre, selon l’Observatoire du financement du logement (OFL).
Une solvabilité des ménages en chute libre
Cette évolution, liée à la guerre en Ukraine et à l’inflation galopante, a directement réduit la capacité d’emprunt des ménages. Face à des conditions de prêt plus strictes, de nombreux candidats à l’achat ont été exclus du marché. En quatre ans, le montant moyen d’un achat immobilier a bondi de 393 000 € en 2019 à 512 600 € en 2023, soit une hausse de 30,5%.
Ce n’est pas le prix des biens qui a le plus augmenté, mais le coût du crédit.
L’effet cumulé de cette hausse renforce l’endettement des ménages, déjà fragilisés par l’inflation.
Leur capacité d’emprunt se réduit, freinant l’accès à la propriété, en particulier pour les primo-accédants.
L’impact sur les volumes de ventes immobilières
Cette transformation du marché de l’accession à la propriété s’est traduite par une contraction massive des volumes. Les opérations d’acquisition de résidence principale financées via un prêt bancaire ont reculé de 156200 en 2019 à seulement 96600 en 2023. Soit près de 60000 transactions immobilières en moins. Cette baisse de 38% selon l’OFL dépasse même celle observée sur l’ensemble du parc de logements francilien (-30% selon la base DVF).
Primo-accédants : les grands perdants de la crise
Le marché de l’accession se transforme. Et, les primo-accédants en paient le prix fort. Selon l’Institut Paris Region, leur part dans les achats immobiliers est passée de 67 % en 2019 à 49 % en 2023. En volume, cela représente 57 400 acquéreurs en moins. Un chiffre alarmant qui illustre les difficultés croissantes pour devenir propriétaire, notamment en Île-de-France.
Un pouvoir d’achat plus faible, un accès au crédit plus compliqué
Ces ménages disposent d’un revenu mensuel moyen de 4 864 €, soit 24% de moins que l’ensemble des accédants (6 127 €). Ainsi, ils peinent à suivre l’augmentation des coûts, notamment du crédit.
Les primo-accédants ont en moyenne 33 ans. Ils appartiennent majoritairement aux professions intermédiaires, employés et ouvriers (65%). Leur apport personnel est limité : 45 900 € contre 102 400 € pour les autres accédants.
Avec un niveau d’épargne plus bas et des conditions de prêt plus strictes, ces acquéreurs rencontrent de nombreuses barrières à l’entrée. L’accession à la propriété devient hors de portée pour une partie croissante de la population jeune et active.
Stratégies d’adaptation des primo-accédants
Face à la hausse des prix et à la baisse de leur capacité d’emprunt, les primo-accédants se replient massivement vers la grande couronne. En 2023, 53% d’entre eux y réalisent leur achat, contre 45% pour l’ensemble des acquéreurs.
Pour concrétiser leur projet, ces ménages empruntent plus longtemps : 23,5 ans en moyenne, contre 22,9 ans pour l’ensemble du marché. Leur taux d’effort est également plus élevé. 26,4% de leurs revenus sont consacrés au remboursement, contre 24,5% pour les autres accédants.
Malgré leur statut de premiers bénéficiaires des prêts aidés (82% des ménages aidés), ils acquièrent des biens immobiliers moins onéreux (284700€ en moyenne). Ainsi, ils restent les plus vulnérables face à la crise de l’accession à la propriété.
Le rôle crucial des prêts aidés
Seulement 13% des accédants ont bénéficié d’un prêt aidé en 2023 (PTZ, PAS ou prêt conventionné), contre 14% en 2019. Cette légère baisse intervient alors que ces dispositifs de financement représentent un soutien essentiel pour l’accession à la propriété des ménages modestes. Toutefois, l’extension du PTZ à tout le territoire national pour le logement neuf, effective depuis avril 2025, pourrait apporter un nouvel élan au marché du logement.
La sélection économique s’intensifie
La propriété devient un objectif hors de portée pour de nombreux ménages. À l’inverse, les plus aisés consolident leur présence sur le marché. Les secundo-accédants, souvent déjà propriétaires, représentent désormais 51% des acquéreurs, contre seulement 33% en 2019.
En effet, Ces ménages présentent des revenus confortables. 8 150 € par mois en moyenne et jusqu’à 9 269 € pour les couples. De même, ils disposent d’un apport moyen de plus de 180 000 €, généralement issu de la revente d’un bien. Près de 70% d’entre eux sont cadres.
Une fracture de plus en plus visible sur le marché
En 2023, 68% des secundo-accédants achètent dans la zone centrale d’Île-de-France, contre 55% en 2019. Ils ciblent des logements d’une valeur moyenne de 525 000 €, bien au-dessus de la moyenne régionale.
Cette évolution confirme une tendance lourde : le marché francilien s’auto-sélectionne par les revenus et le capital. Ainsi, les travaux de l’Institut Paris Region évoquent une “sélection économique” à l’œuvre, où seuls les ménages les plus solides financièrement peuvent encore acheter.
L’émergence d’une élite immobilière
Depuis 2019, le revenu moyen des accédants grimpe de +4,8% par an. Ce rythme dépasse largement celui des hausses de salaire dans le secteur privé (+2,7%/an) et le secteur public (+1,7%/an). Cette évolution marque un tournant : seuls les ménages les plus aisés parviennent à suivre la dynamique du marché. Face à cette course aux revenus, les ménages modestes quittent progressivement le marché de l’accession.
En 2023, les accédants remboursent en moyenne 1 503 € par mois. Pour respecter le seuil d’endettement de 35%, il faut théoriquement un revenu mensuel net de 4 294 €. Un niveau de revenu bien supérieur à celui de nombreux ménages, qui ne peuvent plus suivre la cadence du crédit.
Disparités territoriales marquées
La crise de l’accession n’affecte pas tous les territoires franciliens de la même manière.
Elle révèle un gradient centre-périphérie de plus en plus marqué.
Paris résiste grâce à une clientèle haut de gamme
À Paris, le marché recule modérément : – 6,5% de ventes entre 2019 et 2023, soit – 1 215 transactions. Pourquoi cette relative stabilité ? Grâce à une clientèle aisée, affichant des revenus moyens de 8 300 €, en hausse de 25% depuis 2019.
La petite couronne fortement impactée
La petite couronne encaisse le choc le plus sévère. Ainsi, entre 2019 et 2023, les ventes chutent de – 47%, soit – 29 073 transactions. Une contraction brutale, symptomatique des difficultés croissantes des ménages à accéder à la propriété dans cette zone.
Les flux vers ce territoire ont connu un double infléchissement : raréfaction des accédants en provenance de Paris (31% en 2023 contre 40% en 2019) et baisse des déménagements internes (68% des résidents y demeurent contre 75% en 2019).
Une grande couronne en repli malgré des prix plus accessibles
Même en grande couronne, pourtant plus abordable, le marché fléchit. On observe une baisse des ventes de 39%, soit – 29 267 transactions sur la période.
Ces écarts territoriaux traduisent des stratégies d’adaptation différentes selon le profil des ménages. Les plus solvables se recentrent sur Paris. Tandis que les autres reculent, ou renoncent tout simplement à acheter.
Le gradient des prix s’accentue
Les données de la base DVF sont sans appel : les disparités de prix au m² s’accentuent en Île-de-France.
En 2023 :
- Un appartement parisien se vend en moyenne 10 611 €/m²,
- contre 5 872 €/m² en petite couronne,
- et 3 683 €/m² en grande couronne.
L’écart est frappant :
- Paris coûte 81% plus cher que la petite couronne,
- qui elle-même dépasse la grande couronne de 59%.
En 2014, ces écarts étaient de 76% et 43% respectivement. La hiérarchisation s’est donc accentuée en moins de dix ans. Ces différences croissantes expliquent les flux migratoires observés parmi les accédants. Face aux prix parisiens, de nombreux ménages se tournent vers la périphérie, là où le budget reste encore supportable.
Un marché durablement grippé ?
L’achat immobilier demeure un objectif important pour une majorité de ménages non propriétaires. Mais, dans un contexte francilien aux prix immobiliers toujours plus décorrélés des revenus, la crise actuelle souligne les limites d’un modèle devenu, depuis la fin des années 1990, de plus en plus dépendant des crédits immobiliers.
Une légère éclaircie sur les prix de l’immobilier
Après des années de tension, les prix immobiliers reculent enfin en Île-de-France.
Entre 2023 et 2024 :
- les appartements ont perdu –3,5%,
- les maisons –6,3%,
ramenant les valeurs aux niveaux de 2020–2021.
Résultat : une reprise des transactions fin 2024, avec une hausse de +11% des ventes de logements anciens entre décembre 2024 et février 2025, selon les notaires.
Des conditions de financement légèrement plus favorables
Ce regain s’explique en partie par :
- la baisse du taux directeur de la BCE,
- une inflation contenue à 1,6% (contre 6,2% deux ans plus tôt),
- et des taux immobiliers en recul, autour de 3,2% en décembre 2024.
Mais, attention : ces taux restent nettement supérieurs à ceux de 2021, limitant l’impact positif pour une large partie des ménages. Malgré l’extension du PTZ et l’exonération fiscale sur les dons familiaux dans le neuf, ces dispositifs n’ont qu’un effet limité sur la solvabilité.
Les primo-accédants, notamment, restent exclus du marché dans de nombreux cas.
Les logements énergivores : opportunité ou impasse ?
L’interdiction progressive de location des passoires thermiques (étiquette G en 2025, F en 2028, E en 2034) pourrait ouvrir des opportunités pour l’accession. Ces biens, moins chers, attirent certains ménages acheteurs. Mais, cette baisse de prix s’accompagne aussi d’un risque. Celui de la réduction de l’offre locative privée. Pourtant, essentielle pour l’équilibre du marché francilien.
FAQ – Accession à la propriété en Île-de-France
Pourquoi l’accession à la propriété est-elle en crise en Île-de-France ?
La crise de l’accession à la propriété résulte principalement de la hausse brutale des taux d’intérêt, passés de 1,1% en 2021 à 3% en 2023. Cette augmentation a fait exploser le coût de l’emprunt, qui représente désormais 33% du prix d’achat contre 12% en 2019, rendant l’acquisition inaccessible pour de nombreux ménages.
Qui sont les principales victimes de cette crise immobilière ?
Les primo-accédants sont les grands perdants de cette crise de l’accession à la propriété. Leur part est passée de 67% à 49% des acquéreurs entre 2019 et 2023. Avec des revenus inférieurs de 24% à la moyenne des accédants (4864€ contre 6127€), ils peinent à suivre l’envolée des coûts d’acquisition.
Quelles sont les disparités territoriales en Île-de-France ?
Les disparités sont marquées selon les territoires. Paris limite son repli (-6,5% de ventes) grâce à une clientèle fortunée, tandis que la petite couronne subit la plus forte contraction (-47%). La grande couronne enregistre également un net recul (-39%), malgré des prix plus abordables que le cœur de l’agglomération.
L’accession à la propriété peut-elle se redresser prochainement ?
Des signes d’amélioration émergent avec une baisse des prix immobiliers (-3,5% pour les appartements en 2024) et une reprise des transactions (+11% fin 2024). L’extension du PTZ et la baisse progressive des taux pourraient favoriser un rebond, mais ces mesures semblent insuffisantes pour résoudre structurellement la crise de l’accession à la propriété.
Quelles solutions pour les ménages souhaitant accéder à la propriété ?
Les ménages peuvent explorer plusieurs pistes : bénéficier des prêts aidés (PTZ élargi depuis avril 2025), se tourner vers les logements énergivores mis sur le marché à prix réduits, ou réviser leurs ambitions géographiques vers la grande couronne. L’accompagnement par des professionnels reste essentiel pour optimiser le plan de financement.