Le Diagnostic de Performance Énergétique (DPE) est au cœur de la transition énergétique du parc immobilier français. Pourtant, il reste souvent mal compris. Que mesure réellement le DPE ? Peut-on s’y fier pour estimer sa consommation énergétique ? Comment influence-t-il le marché immobilier ? Cet article répond à 10 questions essentielles pour comprendre le DPE en 2024. Il s’appuie sur le décryptage de l’IFPEB. De la différence entre énergie primaire et finale aux perspectives d’intégration de la résilience climatique, découvrez comment le DPE façonne l’avenir de nos logements. Une lecture incontournable pour tout propriétaire ou futur acquéreur soucieux de comprendre et d’optimiser la performance énergétique de son bien.
Sommaire :
- 10 questions essentielles pour mieux comprendre le DPE en 2024
- 1. Le DPE prédit-il la consommation énergétique réelle ?
- 2. Quelle différence entre énergie primaire et finale dans le DPE ?
- 3. Un meilleur DPE garantit-il des économies d’énergie réelles ?
- 4. Quel est l’objectif réel du DPE s’il ne prédit pas la consommation ?
- 5. Pourquoi le DPE considère-t-il l’énergie et les émissions de gaz à effet de serre ?
- 6. Le DPE pourrait-il prédire la consommation réelle des logements ?
- 7. Existe-t-il des dispositifs basés sur la consommation réelle en France ?
- 8. Comment améliorer la fiabilité des DPE ?
- 9. Faut-il attendre la stabilisation du DPE avant d’agir ?
- 10. La rénovation énergétique suffit-elle à pérenniser la valeur d’un bien ?
- Comprendre le DPE : forces et limites
10 questions essentielles pour mieux comprendre le DPE en 2024
Le Diagnostic de Performance Énergétique (DPE) est devenu un élément incontournable du paysage immobilier français. Institué par la loi n°2004-1343 du 9 décembre 2004, il a connu de nombreuses évolutions, notamment avec la loi Climat et Résilience de 2021. Voici 10 questions essentielles pour mieux comprendre les objectifs et les enjeux du DPE en 2024.
1. Le DPE prédit-il la consommation énergétique réelle ?
Non, le DPE n’est pas conçu pour prédire la consommation réelle d’un logement.
Comme l’explique l’IFPEB, “ Le DPE est un outil de notation qui évalue la performance du bâti et des systèmes techniques. On parlera de performance intrinsèque, car elle ne tient pas compte de l’usage.”
La méthode 3CL (Calcul de la Consommation Conventionnelle des Logements) utilisée pour le DPE ne concerne que 5 usages :
- chauffage,
- rafraîchissement,
- eau chaude sanitaire,
- éclairage,
- consommations électriques des pompes et ventilateurs.
Cette approche standardisée permet de comparer les logements sur une base commune.
Un graphique issu du programme “Bâtiments démonstrateurs” du PREBAT (2012-2019) illustre l’écart entre la consommation théorique du DPE et la consommation réelle. Pour un logement performant, on constate que le DPE sous-estime souvent la consommation réelle.
En effet, la réglementation ignore certains usages énergétiques importants. Ainsi, les appareils électroménagers, les téléviseurs et les véhicules électriques échappent au calcul du DPE. Or, ces consommations “oubliées” représentent pourtant un tiers de la facture énergétique en appartement et jusqu’à la moitié en maison individuelle.
Par ailleurs, le DPE s’établit sur des scénarios d’occupation standardisés. Il fixe, par exemple, une température de chauffage à 19°C. Or, dans la réalité, les Français se chauffent en moyenne 2,5°C de plus. Cette différence n’est pas anodine. Parce que chaque degré supplémentaire augmente de 7% la consommation des logements peu performants. Ces écarts montrent clairement que le DPE ne vise pas à refléter la consommation réelle des foyers. Il établit plutôt une base de comparaison théorique entre les logements.
2. Quelle différence entre énergie primaire et finale dans le DPE ?
Le DPE affiche deux types d’énergie, conformément à la Directive Européenne Bâtiment 2010/31/EU modifiée par la Directive 2018/844 du 30/05/2018 :
- L’énergie primaire : c’est l’énergie disponible dans la nature avant transformation. Le DPE utilise cette unité comme référence principale.
- L’énergie finale : c’est l’énergie livrée et facturée au consommateur.
Toutefois, cette distinction peut créer de la confusion. Comme le souligne l’IFPEB, “personne ne comprend la notion d’énergie primaire et c’est bien normal, car les foyers ne comprennent que la consommation qu’ils payent, donc celle de leur facture.”
Par exemple, pour l’électricité, on applique un coefficient de conversion de 2,3 entre l’énergie finale et l’énergie primaire. Ce qui semble abstrait pour le grand public.
Pour autant, l’étiquette DPE, de A à G, parle clairement aux Français. En cela, elle indique la performance énergétique du logement, sans tenir compte de son occupation. Cette note simple est facilement comprise par tous. En revanche, l’affichage de valeurs de consommation détaillées sème le trouble. Ces chiffres, souvent éloignés de la réalité, décrédibilisent le dispositif. Ils font plus de mal que de bien pour comprendre le DPE.
La question se pose : pourquoi maintenir ces données chiffrées ? Elles créent de la confusion et érodent la confiance des propriétaires et locataires dans le système. Une simplification de l’affichage pourrait renforcer l’efficacité et la crédibilité du DPE.
3. Un meilleur DPE garantit-il des économies d’énergie réelles ?
Oui, un meilleur DPE se traduit généralement par des économies d’énergie réelles. Une étude du Conseil Supérieur d’Analyse Économique (CSAE) de janvier 2024 révèle qu’un saut de 2 classes peut permettre entre 20% et 55% d’économies d’énergie réelle.
Voici les chiffres détaillés selon les étiquettes :
- G consomment environ 55% d’énergie en plus que les étiquettes E
- F consomment environ 25% d’énergie en plus que les étiquettes D
- E consomment environ 20% d’énergie en plus que les étiquettes C
Afin de comprendre le DPE, il faut savoir qu’il ne reflète pas fidèlement la consommation réelle des logements. Mais, cette différence est volontaire et assumée. En effet, le diagnostic standardise l’utilisation du logement pour permettre des comparaisons équitables. Il fixe, par exemple, une durée d’occupation et une température de chauffage identiques pour tous.
Ainsi, l’écart entre théorie et pratique varie selon les étiquettes. Les logements A, B et C consomment souvent plus que prévu. À l’inverse, les habitations classées D à G affichent généralement une consommation réelle inférieure aux prévisions. Cette sous-consommation peut parfois signaler des situations de précarité énergétique, où les occupants se privent de chauffage.
Malgré ces écarts, le DPE remplit sa mission principale. Il guide efficacement les rénovations énergétiques. Un meilleur DPE se traduit souvent par une baisse de la consommation réelle. Cependant, le diagnostic ne mesure pas ces économies concrètes. À cet effet, un suivi des gains réels pourrait utilement compléter le dispositif.
Enfin, le DPE ne prend pas en compte “l’effet rebond”. Dans les logements très performants, les économies réalisées sont parfois moins importantes que prévu. Seul un relevé des consommations réelles quantifierait précisément les gains sur la facture.
4. Quel est l’objectif réel du DPE s’il ne prédit pas la consommation ?
Le DPE a deux objectifs principaux :
- Guider les gestes de rénovation en évaluant la performance du bâti et des solutions techniques.
- Influencer le marché immobilier en impactant la valeur vénale et les taux de négociation des biens.
Une étude de SeLoger du 27 mars 2024 montre que l’étiquette DPE influence de plus en plus la valeur des biens immobiliers et les taux de négociation. Cela incite les propriétaires à entreprendre des travaux de rénovation énergétique.
5. Pourquoi le DPE considère-t-il l’énergie et les émissions de gaz à effet de serre ?
Le DPE tient compte de deux paramètres pour s’aligner sur les objectifs nationaux de transition énergétique :
- L’énergie : pour réduire la facture énergétique et améliorer le confort.
- Le carbone : pour encourager la sortie des énergies fossiles, en cohérence avec la Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC).
Cette double notation permet d’inciter à la fois à l’isolation et à la transition vers des énergies propres. Par exemple, un logement bien isolé, mais chauffé au fioul aura une mauvaise étiquette pour encourager le changement de système de chauffage. Ainsi, l’étiquette finale reflète la moins bonne des deux performances. De fait, cette approche conduit les propriétaires à agir sur deux fronts : réduire leur consommation et abandonner les énergies fossiles.
Cependant, tous les bâtiments ne partent pas sur un pied d’égalité. Certains peuvent facilement améliorer leur bilan énergétique et carbone. D’autres font face à des contraintes techniques ou financières importantes. Et, le DPE actuel ne tient pas compte de ces différences.
Pour comprendre le DPE, il est essentiel de considérer l’évolution du système. Les experts doivent évaluer la faisabilité des améliorations pour chaque logement. Il est crucial d’estimer le rapport entre l’investissement requis et les gains en termes de consommation d’énergie (kWh) et de réduction des émissions de CO2. Cette méthode plus nuancée rendrait le DPE plus équitable et efficace.
6. Le DPE pourrait-il prédire la consommation réelle des logements ?
Prédire la consommation réelle nécessiterait de modéliser l’usage précis de chaque logement. Ce qui n’est pas l’objectif du DPE. Comme l’explique l’IFPEB, “ Seules des simulations énergétiques onéreuses ou des solutions digitales s’appuyant sur la data et des algorithmes prédictifs réussissent ce type d’évaluations.”
Ces méthodes nécessitent des campagnes de mesures sur site ou des questionnaires détaillés sur les usages. Ce qui n’est pas compatible avec l’échelle nationale du DPE qui concerne environ 35 millions de logements en France.
7. Existe-t-il des dispositifs basés sur la consommation réelle en France ?
Oui, pour le secteur tertiaire. Le dispositif Éco Énergie Tertiaire (DEET), issu du décret n° 2019-771 du 23 juillet 2019, est fondé sur la consommation réelle tous usages. Il implique la saisie annuelle des factures dans une plateforme (OPERAT).
Cependant, ce système serait difficile à appliquer au logement. Comme le souligne l’IFPEB, “une situation de précarité énergétique impliquerait mécaniquement une faible consommation réelle et donc une bonne note.” Cela ne refléterait pas la performance réelle du bâtiment et pourrait masquer des situations de précarité énergétique.
8. Comment améliorer la fiabilité des DPE ?
La fiabilisation du DPE repose sur deux piliers :
- Fiabiliser les données saisies : par la formation des diagnostiqueurs et l’utilisation d’outils digitaux comme la Base de Données Nationale des Bâtiments (BDNB).
- Fiabiliser les programmes de travaux : en liant le DPE à l’audit énergétique réglementaire et en développant des outils pour vérifier la conformité des scénarios de rénovation.
L’arrêté du 31 mars 2021 relatif au diagnostic de performance énergétique pour les bâtiments ou parties de bâtiments à usage d’habitation en France métropolitaine a déjà renforcé la fiabilité du DPE en le rendant opposable juridiquement.
Le DPE dresse un portrait fiable de la performance énergétique et environnementale d’un logement. Cependant, ses recommandations de travaux soulèvent des questions. Souvent imprécises, elles risquent de décourager les propriétaires plutôt que de les inciter à l’action. Ainsi, les experts envisagent de supprimer ces prescriptions de travaux. L’élaboration de programmes de rénovation précis et rentables relève davantage de l’audit énergétique. Puisque celui-ci analyse le rapport coût-bénéfice, tant en termes d’énergie que de carbone.
Le défi consiste maintenant à créer un lien solide entre le DPE et l’audit énergétique réglementaire. Des outils innovants se développent dans ce sens. À cet effet, une API est actuellement en préparation. Elle vérifiera la conformité des scénarios de rénovation avec les nouvelles exigences BBC définies par l’arrêté du 3 octobre 2023. Cette API s’intégrera aux logiciels de calcul thermique. Elle générera des feuilles de route détaillées, incluant recommandations techniques et alertes sur les interactions possibles entre les différentes étapes de travaux. Cette approche promet des rénovations plus efficaces et mieux planifiées.
9. Faut-il attendre la stabilisation du DPE avant d’agir ?
Non, il est crucial d’agir sans attendre. En effet, il existe trois risques majeurs à repousser la rénovation d’une passoire thermique :
- Subir des factures d’énergie élevées
- Risquer une dévaluation financière du bien
- Manquer des opportunités de subventions publiques qui pourraient diminuer avec le temps
Le calendrier d’interdiction de location des passoires thermiques, fixé par la loi Climat et Résilience du 22 août 2021, reste en vigueur :
- 2025 pour les logements classés G
- 2028 pour les logements classés F
- 2034 pour les logements classés E
10. La rénovation énergétique suffit-elle à pérenniser la valeur d’un bien ?
Pas nécessairement. Si la rénovation énergétique améliore la performance du logement, elle ne garantit pas sa résilience face au changement climatique. Le DPE actuel ne prend pas en compte cet aspect crucial.
En cela, l’IFPEB suggère d’intégrer au DPE une note de résilience évaluant la capacité du bien à rester décent face aux enjeux climatiques futurs. Cette note pourrait estimer des facteurs comme :
- La résistance aux canicules
- La vulnérabilité aux inondations
- La résistance aux tempêtes et vents violents
- L’exposition aux risques de retrait-gonflement des argiles
Cette approche s’inscrirait dans la continuité du Plan National d’Adaptation au Changement Climatique (PNACC-2) pour la période 2018-2022.
La rénovation énergétique ne doit plus se limiter à l’amélioration de l’étiquette DPE. Elle doit désormais intégrer la résilience climatique pour garantir la valeur du bien à long terme.
Le confort d’été, crucial face aux canicules, reste le parent pauvre du DPE actuel. À l’avenir, ce critère pourrait devenir un élément clé de la notion de “logement décent”, avec des exigences adaptées à l’usage et au climat local. Mais, la résilience climatique va bien au-delà. Ainsi, le diagnostic ERNMT (État des Risques Naturels, Miniers et Technologiques) aborde déjà plusieurs aspects essentiels :
- Risques de sécheresse et mouvements de terrain
- Résistance aux tempêtes
- Vulnérabilité aux inondations et submersions marines
- Exposition aux feux de forêt
Dès lors, le DPE pourrait s’inspirer de l’ERNMT pour intégrer une véritable notation de résilience. Cette note évaluerait la capacité du logement à affronter les défis du changement climatique : canicules, mais également séismes, radon, érosion côtière…
L’objectif ? Créer un DPE nouvelle génération. Il ne se contenterait plus de mesurer la performance énergétique, mais jugerait aussi l’aptitude du bien à rester “décent” face aux bouleversements climatiques à venir.
Comprendre le DPE : forces et limites
Ces 10 questions mettent en lumière les forces et les limites actuelles du DPE. Elles soulignent également les pistes d’amélioration pour faire de cet outil un levier encore plus efficace de la transition énergétique du parc immobilier français.
Le DPE, malgré ses imperfections, reste un outil essentiel pour guider la rénovation énergétique et influencer le marché immobilier. En comprenant mieux ses objectifs et son fonctionnement, propriétaires et locataires peuvent prendre des décisions plus éclairées pour améliorer la performance énergétique de leurs logements.
L’évolution future du DPE, notamment vers une prise en compte de la résilience climatique, pourrait en faire un outil encore plus complet pour évaluer la valeur et la durabilité des biens immobiliers dans un contexte de changement climatique. Cette évolution s’inscrirait pleinement dans les objectifs de la Stratégie Nationale Bas Carbone et du Plan National d’Adaptation au Changement Climatique.