Le diagnostic structurel marque un tournant majeur dans la prévention des risques liés à l’habitat dégradé. Issu de la loi « Habitat Dégradé » du 9 avril 2024, ce décret (n° 2025-814) publié au Journal Officiel le 14 août 2025 confère aux maires un levier opérationnel pour détecter, évaluer et agir face à la menace d’effondrement des immeubles collectifs anciens ou fragiles. En réponse à des tragédies récentes, comme celles de Marseille en 2018 ou de Lille en 2022, ce dispositif oblige les copropriétés situées dans certains périmètres à effectuer un diagnostic approfondi de la solidité de leurs bâtiments. Véritable outil de contrôle de solidité et d’inspection immobilière, ce décret vise à améliorer la sécurité du bâti. Quels sont les impacts concrets de ce diagnostic structurel ? Quelles obligations pour les propriétaires, syndics et collectivités ? Réponses dans cet article.
Sommaire :
- Pourquoi le diagnostic structurel devient-il obligatoire ?
- Qui est concerné par le diagnostic structurel des immeubles ?
- Quelles sont les étapes clés du diagnostic structurel ?
- Quelles sanctions en cas de non-réalisation ?
- Quel impact pour les collectivités et les copropriétés ?
À retenir – Diagnostic structurel des immeubles collectifs
- Le diagnostic structurel est désormais obligatoire dans certains secteurs à risque, délimités par les communes.
- Les copropriétés ont 18 mois pour transmettre leur diagnostic à la mairie après notification.
- Seuls des professionnels qualifiés peuvent réaliser le diagnostic, avec diplôme, assurance et indépendance.
- Le rapport permet de prévenir les effondrements, en identifiant les désordres structurels à temps.
- En cas de carence, la mairie peut intervenir d’office, aux frais des propriétaires.
Pourquoi le diagnostic structurel devient-il obligatoire ?
Depuis plusieurs années, les effondrements d’immeubles anciens mettent en lumière les failles de la prévention en matière d’habitat dégradé. Le drame de la rue d’Aubagne à Marseille, qui a causé la mort de 8 personnes en 2018, ou celui survenu à Lille en 2022, ont déclenché une prise de conscience nationale. En réponse, le gouvernement a adopté la loi « Habitat Dégradé » du 9 avril 2024, complétée par le décret n° 2025-814 publié le 14 août 2025.
Ce texte impose désormais un diagnostic structurel pour tout immeuble collectif situé dans un périmètre à risque délimité par les communes. L’objectif est de détecter à temps les désordres invisibles à l’œil nu, mais annonciateurs d’un danger imminent.
« Ce décret donne aux maires un outil opérationnel pour repérer les immeubles les plus fragiles et agir avant qu’un drame ne survienne », a déclaré Valérie Létard, ministre chargée du logement.
Cette approche préventive rompt avec la logique antérieure, souvent fondée sur l’urgence. En imposant un cadre légal et des délais précis, le décret permet une anticipation des risques, une planification des interventions et une meilleure sécurité du bâti. Il s’inscrit également dans la stratégie nationale de rénovation du parc immobilier et de lutte contre le logement indigne.
Qui est concerné par le diagnostic structurel des immeubles ?
Le décret implique directement les propriétaires, les syndics de copropriété, les élus locaux, les architectes et les bureaux d’études techniques. Le conseil municipal délimite les secteurs d’obligation par délibération (article R.126-43-1 du Code de la construction), puis notifie cette décision aux propriétaires ou aux syndics par courrier recommandé (article R.126-43-2).
Les copropriétés ont ensuite 18 mois à compter de la notification pour faire réaliser le diagnostic structurel et transmettre le rapport à la mairie. En cas d’inaction, la commune peut ordonner la réalisation du diagnostic et en imputer les frais aux propriétaires. Ce dispositif concerne potentiellement près de 500 000 logements, soit environ 10% du parc immobilier ancien.
Il engage également la responsabilité du syndic, qui doit informer les copropriétaires de leurs obligations. De plus, des sanctions financières peuvent être envisagées en cas de manquement, notamment via les mécanismes de recouvrement des frais publics. Cette obligation réglementaire permet aussi aux collectivités d’identifier les bâtiments souffrant de vétusté ou de défauts structurels graves.
Quelles sont les étapes clés du diagnostic structurel ?
Le décret détaille un processus rigoureux, réparti en dix articles (R.126-43-1 à R.126-43-10). Voici les cinq étapes principales :
- Inspection visuelle intérieure et extérieure pour détecter les désordres visibles (fissures, affaissements, corrosion).
- Analyse structurelle du bâtiment (fondations, matériaux, mitoyenneté, travaux antérieurs).
- Évaluation de la stabilité structurelle selon les normes en vigueur, à l’aide de modélisations ou d’outils géotechniques.
- Recommandations techniques sur les investigations complémentaires à mener et les mesures de sécurisation.
- Rédaction du rapport final, sous format numérique, avec hiérarchisation des interventions nécessaires.
Le professionnel doit posséder un diplôme de niveau Bac +5 dans les domaines du bâtiment, du génie civil ou de la géotechnique, ainsi qu’une expérience de 2 ans. De plus, il doit fournir une attestation d’impartialité, une preuve d’assurance RC professionnelle (1 million € par sinistre), et garantir son indépendance vis-à-vis des entreprises de travaux. Notons que cette mission constitue une expertise technique indépendante, comparable à un audit technique de l’immeuble.
Quelles sanctions en cas de non-réalisation ?
L’absence de diagnostic dans les délais entraîne plusieurs conséquences :
- Réalisation d’office par la commune, avec facturation aux propriétaires (article R.126-43-11).
- Engagement de la responsabilité civile des copropriétaires en cas de sinistre.
- Majoration des primes d’assurance pour les immeubles non diagnostiqués.
- Blocage de certaines subventions publiques si le diagnostic n’est pas joint aux dossiers.
La commune peut recouvrer les frais engagés comme des impôts locaux. Ce qui en fait un outil dissuasif, mais aussi efficace pour enclencher la procédure. La jurisprudence pourrait également évoluer pour retenir la négligence en cas de drame évitable, notamment dans les cas de signalement de péril ou de bâtiment frappé d’un arrêté d’insalubrité non suivi d’effets.
Quel impact pour les collectivités et les copropriétés ?
Pour les collectivités locales, ce décret offre une capacité d’intervention renforcée. En identifiant les bâtiments à risque, elles peuvent intégrer la problématique de sécurité structurelle dans leurs politiques d’urbanisme, notamment via les PLUi et cartes communales.
Pour les copropriétés, le diagnostic structurel devient un levier de gestion du patrimoine. Il s’intègre au plan pluriannuel de travaux (PPT) prévu par la loi du 10 juillet 1965. Cette vision à long terme permet de mieux programmer les rénovations, de sécuriser les bâtiments, et d’anticiper les besoins de financement. La maîtrise d’ouvrage en est facilitée et professionnalisée.
À terme, ce dispositif pourrait devenir un critère de valorisation immobilière, notamment dans les zones urbaines anciennes, en rassurant les acheteurs et investisseurs sur la sécurité du bien.