Les primes CEE promettent de financer vos travaux de rénovation énergétique. Pourtant, selon une étude d’octobre 2025 de l’UFC-Que Choisir, ce dispositif présente de graves dysfonctionnements. Les ménages financent 70 % des certificats d’économies d’énergie via leurs factures d’électricité, de gaz et de carburant, soit une contribution annuelle comprise entre 124 et 244 euros par foyer. Mais, que reçoivent-ils vraiment en retour ? L’association de consommateurs dénonce un système opaque, coûteux et inéquitable. Les montants des primes CEE varient considérablement d’un fournisseur à l’autre. Près de 40 % des certificats délivrés ne génèrent aucune économie d’énergie réelle. Les fraudes atteignent jusqu’à 50 % sur certaines opérations. Face à ces constats alarmants, l’UFC-Que Choisir réclame une réforme urgente du dispositif.
Sommaire :
- Comment fonctionnent les primes CEE ?
- Qui finance vraiment les primes CEE ?
- Pourquoi les montants varient-ils autant ?
- Les primes génèrent-elles de vraies économies d’énergie ?
- Comment cumuler CEE et MaPrimeRénov’ ?
- Quelles recommandations pour réformer le dispositif ?
À retenir – Primes CEE et dysfonctionnements du dispositif
- Les ménages financent 70% des primes CEE via leurs factures d’énergie et de carburant.
- Les montants de primes varient jusqu’à 800 euros selon l’opérateur choisi pour un même projet.
- Près de 40% des certificats délivrés ne génèrent aucune économie d’énergie réelle.
- Les fraudes atteignent 25 à 50% selon les opérations.
- L’UFC-Que Choisir exige une réforme urgente.
Comment fonctionnent les primes CEE ?
Les primes CEE (Certificats d’Économies d’Énergie) constituent un mécanisme incitatif instauré en 2005 par la loi POPE (Programme d’Orientation de la Politique Énergétique). Leur principe repose sur une logique simple : les fournisseurs d’énergie, appelés « obligés » — tels qu’EDF, ENGIE ou TotalEnergies — doivent encourager leurs clients à réaliser des travaux d’efficacité énergétique.
En pratique, ces entreprises versent des primes aux particuliers ou aux professionnels. En échange, elles obtiennent des certificats attestant d’un volume d’énergie économisée, mesuré en kWh cumac (cumulé et actualisé sur la durée de vie de l’équipement).
Le dispositif distingue deux grandes catégories :
- Les primes CEE classiques, accessibles à tous les ménages ;
- Les primes CEE précarité, réservées aux foyers très modestes, dont le revenu fiscal de référence ne dépasse pas 23 798 € en Île-de-France.
Depuis 2015, les coefficients de calcul ont nettement augmenté. En effet, ils sont passés de 0,416 à 0,478 pour les CEE classiques et de 0,412 à 0,620 pour les CEE précarité entre 2022 et 2023. Cette évolution traduit la volonté des pouvoirs publics de renforcer l’incitation à la rénovation énergétique.
Cependant, le système ne se limite pas aux fournisseurs d’énergie. Il implique également de nombreux intermédiaires :
- Les délégataires, qui gèrent les obligations et revendent les certificats sur un marché secondaire ;
- Les acteurs “éligibles”, comme l’Anah ou les bailleurs sociaux, qui peuvent bénéficier directement du dispositif.
Aujourd’hui, 231 fiches standardisées définissent les conditions techniques et administratives nécessaires pour obtenir un certificat. Mais, cette multiplication d’acteurs et de procédures rend le système particulièrement opaque pour les consommateurs, souvent découragés par sa complexité.
Qui finance vraiment les primes CEE ?
Les ménages paient 70% du dispositif
Selon le rapport de l’Inspection Générale des Finances Publiques publié en juillet 2024, les ménages supportent à eux seuls 70% du financement des primes CEE. Plus précisément, 44% de cette contribution provient de leurs consommations de fioul et de carburant. Tandis que 26% s’ajoute à leurs factures d’électricité et de gaz.
Ainsi, le coût global du dispositif s’élève entre 4 et 6 milliards d’euros par an, une charge indirectement répercutée sur les consommateurs. En revanche, le secteur industriel en est totalement exempté, un choix justifié par la volonté de préserver sa compétitivité face à la concurrence internationale. Autrement dit, si le dispositif favorise les économies d’énergie, ce sont majoritairement les particuliers qui en assument le financement, souvent sans en avoir pleinement conscience.

Une contribution inégale selon les profils
Selon l’Inspection Générale des Finances Publiques (IGF), la contribution liée aux primes CEE représente entre 3 et 4,5% de la facture annuelle d’énergie des ménages. Cela équivaut à une charge comprise entre 124 et 244 euros par an, selon le profil du foyer.
Par exemple, un propriétaire en zone rurale se chauffant à l’électricité verse en moyenne 183 euros par an au titre de cette contribution. À l’inverse, un locataire en zone urbaine s’acquitte d’environ 113 euros par an. Ces écarts illustrent les inégalités territoriales du dispositif. Plus le logement est énergivore ou isolé, plus la contribution pèse sur le budget du ménage.

Estimation de la contribution annuelle aux primes CEE par ménage.
Cette inégalité est particulièrement injuste pour les ménages précaires. Puisque 74% des ménages aux revenus les plus faibles sont en situation de précarité énergétique avec un taux d’effort supérieur à 10% de leurs revenus. Pourtant, en 2023, le secteur industriel a reçu 565 millions d’euros d’aides (14,7% des CEE délivrés) sans contribuer au financement.
Pourquoi les montants varient-ils autant ?
Un marché secondaire volatile qui impacte les primes CEE
Le montant des primes CEE varie en fonction du prix sur le marché secondaire, où s’échangent entre 30 et 40% des certificats. Entre 2024 et 2025, le prix des CEE précarité est passé de 8,3 à 9,5 euros par MWh cumac, avant de dépasser les 10 euros en février 2025. Ces fluctuations de prix ont un impact direct sur les factures d’énergie des ménages, sans pour autant se traduire par une hausse équivalente du montant des primes versées.
En réalité, les revendeurs sur le marché secondaire en profitent souvent pour augmenter leurs marges, tandis que les consommateurs supportent la charge finale sans bénéficier d’un gain proportionnel. Autrement dit, la volatilité du marché des CEE renforce les déséquilibres du dispositif, au détriment de la transparence et du pouvoir d’achat des ménages.
Des écarts jusqu’à 800 euros entre opérateurs
L’UFC-Que Choisir a testé six simulateurs en mai 2025 pour le remplacement d’une chaudière fioul par une pompe à chaleur air/eau. Les écarts sont considérables :
Sur six simulateurs testés, seulement quatre indiquent une estimation du coût total de l’installation. L’estimation du reste à charge varie jusqu’à 3000 euros d’un opérateur à l’autre : Sonergia annonce 12 204 euros, Hellio 14 000 euros, Effy entre 11 890 et 17 590 euros. Cette opacité empêche les ménages d’évaluer correctement leur budget.
Les primes génèrent-elles de vraies économies d’énergie ?
40% des certificats sans économie directe
Selon l’Inspection Générale des Finances Publiques (IGF), près de 40% des primes CEE ne correspondent pas à des économies d’énergie réelles. Autrement dit, une part importante du dispositif finance des actions périphériques plutôt que des rénovations concrètes.
Les programmes d’accompagnement représentent à eux seuls 7% des CEE délivrés, soit 80 TWhc pour un montant global estimé à 1,9 milliard d’euros. Ces crédits financent principalement des actions d’information et de formation. Parmi eux, le programme “Mon Accompagnateur Rénov’” capte à lui seul 40 TWhc, soit 6% de l’obligation annuelle totale.
De plus, les bonifications “Coup de pouce” — censées encourager certains travaux — gonflent artificiellement les volumes de certificats. D’après l’IGF, elles représentent près d’un tiers des délivrances totales. Ainsi, le système CEE souffre d’un déséquilibre croissant. Puisqu’une partie des fonds mobilisés ne se traduit pas en économies d’énergie effectives, affaiblissant la crédibilité du dispositif aux yeux des consommateurs.
Des fraudes massives et des contrôles défaillants
Les fraudes liées aux primes CEE atteignent des niveaux alarmants. Selon la Cour des comptes, 25 à 33% des travaux d’isolation et d’installation de pompes à chaleur présentent des non-conformités. Pour le dispositif “Coup de pouce rénovation”, l’UFC-Que Choisir estime même le taux de fraude à plus de 50%, révélant l’ampleur des dérives dans la filière.
Un cas particulièrement révélateur fait état d’une consommation énergétique déclarée à 2 717 kWh/m²/an avant travaux, ramenée fictivement à 27 kWh/m²/an après rénovation. Ce qui a permis de générer frauduleusement 164 000 euros de certificats.
En septembre 2024, la plateforme SignalConso recensait déjà plus de 16 000 plaintes liées à ces fraudes, souvent déposées par des ménages victimes d’entreprises peu scrupuleuses. Ces chiffres illustrent une perte de contrôle préoccupante du dispositif, qui mine la confiance des particuliers et affaiblit la crédibilité de la politique publique de rénovation énergétique.
Le problème majeur réside dans le manque d’indépendance du contrôle des opérations liées aux primes CEE. En 2023, sur les 51 bureaux de contrôle accrédités, 14 présentaient des liens d’intérêt avec des acteurs du dispositif ou des entreprises de travaux, soit 27% des structures concernées. Selon l’association Agir pour le Climat, 90% des contrôles seraient en réalité pilotés directement par les “obligés” eux-mêmes, c’est-à-dire par les fournisseurs d’énergie qui financent le système. Résultat : les annulations de certificats frauduleux demeurent très marginales, représentant moins de 10% des fraudes estimées.
Comment cumuler CEE et MaPrimeRénov’ ?
MaPrimeRénov’ (MPR) constitue depuis 2020 l’une des principales aides publiques à la rénovation énergétique, gérée par l’Anah. Son budget 2025, fixé à 3,6 milliards d’euros, illustre l’ampleur de l’effort consenti par l’État. Cette aide finance 21 gestes de travaux, selon un pourcentage du coût total ajusté en fonction du revenu du ménage.
À l’inverse, les primes CEE couvrent 53 types d’opérations, calculées selon les économies d’énergie théoriques, sans tenir compte du revenu — sauf dans le cadre des “Coups de pouce”, réservés aux foyers modestes.
Depuis 2024, un guichet unique a été mis en place pour les rénovations globales. Désormais, l’Anah centralise les démarches et verse un montant global combinant MaPrimeRénov’ et CEE. Cependant, pour les rénovations par gestes — qui concernent 14 opérations communes aux deux dispositifs — le système reste cloisonné. Ainsi, les bénéficiaires doivent déposer deux dossiers distincts, ce qui alourdit considérablement les démarches administratives et dissuade nombre de ménages d’entreprendre leurs travaux.
En résumé, malgré une volonté de simplification, le parcours administratif de la rénovation énergétique demeure fragmenté, au détriment de l’efficacité et de l’accès aux aides.
Le cumul des aides MaPrimeRénov’ et primes CEE reste encadré par des règles strictes d’écrêtement destinées à éviter les financements excessifs.
- Pour les ménages modestes, le plafond de cumul atteint 90% du montant total des travaux.
- Pour les revenus intermédiaires, il est limité à 80%.
- Enfin, pour les revenus supérieurs, la part cumulable ne peut dépasser 50%.
Ces seuils visent à préserver l’équilibre du dispositif tout en garantissant une répartition équitable des aides publiques. Cependant, ils réduisent parfois l’effet incitatif pour les ménages aux revenus moyens, qui doivent financer une part plus importante de leurs travaux.
Quelles recommandations pour réformer le dispositif ?
L’UFC-Que Choisir appelle à une réforme structurelle en profondeur du dispositif des Certificats d’Économies d’Énergie (CEE), afin de rétablir l’équité, la transparence et l’efficacité du système.
Plus de transparence
L’association réclame que les ménages soient clairement informés qu’ils financent 70% du dispositif à travers leurs factures d’énergie. Leur contribution annuelle devrait être plafonnée et décorrélée des fluctuations de marché, notamment à l’approche de la sixième période (2026-2030), marquée par une hausse de 25% du niveau d’obligation.
Une participation équitable de tous les secteurs
L’UFC-Que Choisir juge inacceptable que les industries, pourtant bénéficiaires de 1,6 milliard d’euros d’aides en 2020, ne participent pas au financement du dispositif. Elle plaide pour une contribution de l’ensemble des bénéficiaires, selon un principe d’équité contributive.
Un guichet unique géré par l’Anah
L’association propose de fusionner les démarches MaPrimeRénov’ et CEE dans un guichet unique, sur le modèle du parcours accompagné. Actuellement, jusqu’à 25% du coût total — soit environ 1 milliard d’euros — sert à financer les marges des intermédiaires. Alors qu’un guichet unique permettrait de réduire ces déperditions et de simplifier considérablement le parcours des ménages.
Limiter le financement de programmes sans économies directes
Les programmes SARE et MAR, représentant 500 millions d’euros et 25% des volumes, ne génèrent aucune économie d’énergie directe. Pour l’UFC-Que Choisir, ces dispositifs publics ne devraient pas être financés par les consommateurs. Les CEE doivent rester un complément à la dépense publique, et non s’y substituer.
Un calcul fondé sur les économies réelles
Enfin, l’UFC-Que Choisir demande que le calcul des CEE repose sur des économies d’énergie mesurées réellement, en intégrant notamment les effets rebonds, qui réduisent de 20% les gains selon le Conseil d’analyse économique. Elle exige aussi la suppression des bonifications artificielles, responsables d’un gonflement estimé à 33,4 % des volumes délivrés.
En résumé, l’association plaide pour un dispositif plus transparent, plus équitable et réellement efficace, recentré sur l’objectif initial d’économies d’énergie au bénéfice des consommateurs.

