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Environnement

Quels sont les risques climatiques pour l’immobilier français ?

Quels sont les risques climatiques pour l’immobilier français ?

Le changement climatique transforme radicalement le paysage des risques pour l’immobilier français. Selon l’étude récente de Wüest Partner menée en collaboration avec CLIMADA Technologies, les phénomènes météorologiques extrêmes menacent désormais directement le parc immobilier national. Cette analyse approfondie révèle que les risques climatiques ne relèvent plus de la simple projection. Puisqu’ils constituent une réalité économique immédiate. L’étude examine six aléas majeurs – fortes pluies, crues, submersions marines, tempêtes, glissements de terrain et canicules – qui pourraient affecter jusqu’à 95% des bâtiments français d’ici 2080. Face à cette menace grandissante, l’adaptation du secteur immobilier aux risques climatiques devient une nécessité stratégique pour préserver la valeur des actifs et assurer la résilience territoriale.


Sommaire :


À retenir – Risques climatiques et immobilier français

  • Les risques climatiques pourraient affecter jusqu’à 95% du parc immobilier français d’ici 2080.
  • Les canicules dominent, elles constituent le risque le plus transversal.
  • Les disparités régionales s’accentuent : Bretagne pour les tempêtes, Sud-Est pour les glissements de terrain, littoral pour les submersions.
  • La Taxonomie européenne et la directive CSRD imposent l’intégration des risques climatiques
  • Trois approches complémentaires : mesures techniques, solutions naturelles et organisation constituent la résilience.

Comment les risques climatiques menacent-ils le parc immobilier français ?

L’ampleur du défi climatique pour l’immobilier

La France fait face à une transformation climatique sans précédent. En 2024, la température mondiale a franchi pour la première fois le seuil critique de +1,5 °C par rapport à l’ère préindustrielle, fixé par l’Accord de Paris en 2015. En Europe, la tendance s’avère encore plus marquée. Depuis 2016, le réchauffement dépasse déjà +2 °C, soit un rythme plus rapide que dans le reste du monde. Cette accélération s’explique par un facteur géographique. En effet, l’hémisphère nord concentre davantage de terres émergées, qui se réchauffent beaucoup plus vite que les océans.

En outre, ces bouleversements exposent directement le parc immobilier français. Les phénomènes météorologiques extrêmes deviennent plus fréquents, mais aussi plus intenses. Et, ils imposent de fortes contraintes aux bâtiments et aux infrastructures. Les inondations des 17 et 18 octobre 2024 illustrent concrètement cette vulnérabilité. Elles ont provoqué entre 350 et 420 millions d’euros de dégâts et près de 35 000 sinistres déclarés, selon la Caisse Centrale de Réassurance. À titre de comparaison, les inondations catastrophiques de 2021 dans la vallée de l’Ahr, en Allemagne, avaient généré 40,5 milliards d’euros de dommages, dont seulement 20% environ étaient couverts par une assurance, d’après Prognos.

Les transformations chroniques amplifient les risques climatiques

Au-delà des événements extrêmes, le changement climatique entraîne des transformations chroniques, plus discrètes, mais tout aussi préoccupantes. Chaque été, la France subit désormais des canicules plus fréquentes, plus longues et plus intenses. Ces vagues de chaleur provoquent des conséquences sanitaires et économiques significatives.

Parallèlement, la hausse durable des températures accentue la formation d’îlots de chaleur urbains. Ce phénomène augmente les besoins en climatisation et, par ricochet, la consommation énergétique des bâtiments. Ainsi, des phénomènes autrefois exceptionnels deviennent presque récurrents. Cette évolution soulève une interrogation centrale : quelle sera l’ampleur réelle des effets du changement climatique sur le parc immobilier français ?

Quels sont les principaux aléas climatiques identifiés ?

Une méthodologie scientifique rigoureuse

Pour répondre à cette question, Wüest Partner a mené une étude en partenariat avec CLIMADA Technologies. Cette recherche évalue les risques futurs de dommages climatiques pour chaque bâtiment en France. Ainsi, elle considère six aléas majeurs : fortes pluies, crues, submersions marines, tempêtes, glissements de terrain et canicules.

Quels sont les principaux aléas climatiques identifiés ?

Pour y parvenir, CLIMADA Technologies s’appuie sur des modèles climatiques qui simulent l’évolution possible du climat à partir de la situation actuelle. L’analyse combine plusieurs modèles fondés sur les scénarios climatiques RCP (Representative Concentration Pathways) et SSP (Shared Socioeconomic Pathways) du GIEC. Cette approche croisée offre une vision plus robuste et plus nuancée des risques futurs pesant sur le parc immobilier français.

La classification des risques climatiques utilise une notation spécifique :

  • 1 = risque très faible
  • 2 = risque faible
  • 3 = risque moyen
  • 4 = risque élevé
  • 5 = risque très élevé

Les fortes pluies : un risque émergent concentré dans les Alpes

Les fortes pluies constituent un danger émergent directement lié au réchauffement climatique.
En effet, l’air plus chaud peut absorber environ 7 % de vapeur d’eau supplémentaire par degré Celsius. Ce qui modifie à la fois la répartition et l’intensité des précipitations.

Des projections contrastées selon les scénarios d’émissions

Dans la période de référence (1995-2014), ce risque restait quasi inexistant pour le parc immobilier français. Mais, les projections futures varient fortement selon les trajectoires d’émissions :

  • Dans un scénario ambitieux de protection climatique (SSP1-2.6), moins de 1% des bâtiments seraient exposés à l’horizon 2080.
  • Si les émissions suivent leur tendance actuelle (SSP2-4.5), cette proportion serait environ cinq fois plus élevée.
  • Dans le pire des cas (SSP5-8.5), près d’un bâtiment sur six en France (16%) pourrait affronter un risque majeur de fortes pluies.

Les Alpes, épicentre du risque

Certaines régions apparaissent particulièrement vulnérables. Dès 2050, près de 30% des bâtiments en Haute-Savoie, plus de 50% en Savoie et même plus de 75% en Hautes-Alpes seraient exposés à un risque élevé ou très élevé. Cette concentration s’explique par l’effet orographique. L’air humide, en franchissant les reliefs alpins, est contraint de s’élever, ce qui provoque son refroidissement et intensifie les précipitations.

Des impacts lourds pour les bâtiments

Pour les immeubles et maisons, les conséquences peuvent être considérables :

  • crues soudaines,
  • surcharge des canalisations,
  • infiltrations d’eau dans les sous-sols,
  • détérioration des fondations,
  • multiplication des moisissures.

Les submersions marines : une menace quasi inévitable

Les submersions marines désignent les inondations côtières provoquées à la fois par la montée du niveau des mers et par les tempêtes. Ce risque associe des facteurs globaux, liés au changement climatique, et des facteurs locaux, comme la géologie et l’aménagement du littoral.

La dynamique d’exposition inquiète particulièrement. Aujourd’hui, la part des bâtiments concernés reste faible, autour de 0,03%. Mais, dès 2030, puis plus encore aux horizons 2050 et 2080, les chiffres progressent fortement. Quel que soit le scénario d’émissions retenu, près de 0,8% des bâtiments en France pourraient être exposés à la submersion marine, soit plus de 200 000 biens résidentiels, tertiaires ou infrastructures.

Cette convergence entre scénarios s’explique par la forte inertie du système océanique. L’élévation du niveau de la mer découle de processus déjà enclenchés : la dilatation thermique des océans et la fonte des glaciers. Ces phénomènes continueront à produire leurs effets pendant plusieurs décennies, même si les émissions baissent rapidement.

Comment évoluent les risques climatiques selon les scénarios ?

Les scénarios du GIEC : trois trajectoires contrastées

Les projections climatiques distinguent plusieurs trajectoires selon les émissions futures de gaz à effet de serre et les évolutions socio-économiques.

Le 5ème rapport du GIEC (2014) utilisait les scénarios RCP (Representative Concentration Pathways) :

  • RCP2.6 : protection climatique ambitieuse avec un forçage radiatif de 2,6 W/m²
  • RCP4.5 : mesures ciblées, mais peu ambitieuses avec 4,5 W/m²
  • RCP8.5 : très fortes émissions avec 8,5 W/m²

Le 6ème rapport (2023) recourt aux scénarios SSP (Shared Socioeconomic Pathways) qui intègrent des trajectoires socio-économiques :

  • SSP1-2.6 : développement durable avec coopération internationale
  • SSP2-4.5 : maintien des tendances actuelles
  • SSP5-8.5 : croissance économique basée sur les énergies fossiles
Scénarios climatiques et leurs implications pour les risques climatiques immobiliers
Scénarios climatiques et leurs implications pour les risques climatiques immobiliers

Des évolutions contrastées selon les aléas

Les tempêtes suivent une évolution complexe et difficile à anticiper. Aujourd’hui, environ 30% des bâtiments en France sont exposés à un risque élevé ou très élevé. Mais, les modèles climatiques donnent des résultats parfois contradictoires selon les scénarios.

Dans les scénarios SSP1 et SSP5, le risque reculerait sensiblement d’ici 2050, avant de repartir à la hausse – de manière marquée dans le cas du SSP5. À l’inverse, dans le scénario intermédiaire SSP2, les vitesses de vent augmenteraient dès 2050. À l’horizon 2080, plus de 60% des bâtiments pourraient alors être exposés à un risque élevé ou très élevé.

Les glissements de terrain révèlent, eux, une tendance plus nette. À l’échelle nationale, la part de bâtiments exposés reste faible, mais elle progresse régulièrement. Dans le scénario SSP5, près de 0,7% des bâtiments seraient concernés d’ici 2080, soit plusieurs dizaines de milliers de biens immobiliers menacés.

Quel impact pour les différentes régions françaises ?

La Bretagne, région la plus exposée aux tempêtes

Historiquement, la Bretagne s’impose comme la région la plus touchée par les tempêtes. Dans les Côtes-d’Armor, le Finistère et le Morbihan, plus de 90% des bâtiments sont exposés. Cette vulnérabilité s’explique par la situation côtière : la friction de l’air y est plus faible au-dessus de l’océan, ce qui favorise des vitesses de vent plus élevées.

À l’horizon 2050, les zones à risque s’étendent largement vers l’intérieur du pays. Le Centre, le Nord-Est et le littoral atlantique connaissent alors une vulnérabilité accrue. Dans le scénario intermédiaire SSP2, les départements alpins – comme la Savoie et les Hautes-Alpes – ainsi que la Corse, compteraient eux aussi près de 30% de leur parc immobilier exposé au risque de tempête.

Le Sud-Est vulnérable aux glissements de terrain

Le risque de glissement de terrain touchait surtout le Sud-Est de la France dans la période de référence. La Savoie et les Alpes-Maritimes étaient particulièrement exposées, avec plus de 2% des bâtiments concernés.

À l’horizon 2050, le scénario SSP2 accentue et élargit ce risque. Dans ces deux départements, plus de 5% du parc immobilier pourraient être menacés. Parallèlement, de nombreux autres territoires de l’Est de la France, ainsi que les Pyrénées, verraient leur exposition croître sensiblement. Ces résultats confirment que les glissements de terrain représentent avant tout un risque régional. Ils atteignent une intensité élevée là où deux facteurs se combinent : des reliefs marqués et de fortes précipitations.

Les côtes françaises face aux submersions marines

Historiquement, seule une petite partie du littoral du Nord faisait face à un risque élevé de submersion marine. À l’horizon 2050, l’exposition s’étend largement. Les côtes de la Manche et de l’Atlantique deviennent particulièrement vulnérables, notamment en Normandie, Bretagne et Vendée. Plusieurs agglomérations densément urbanisées – comme Le Havre, Cherbourg, Brest ou Saint-Malo – se retrouvent alors en première ligne. Dans une moindre mesure, le littoral méditerranéen commence lui aussi à montrer les premiers signes d’exposition.

Cette évolution s’explique surtout par la montée du niveau de la mer. Son intensité varie selon les régions, en fonction de trois facteurs combinés : les courants océaniques, la dilatation thermique des eaux et les mouvements verticaux des masses continentales.

Les canicules : un défi national

Les canicules représentent le défi le plus transversal. Absentes de la période de référence, elles pourraient concerner 40% des bâtiments dès 2050 dans le scénario médian, et jusqu’à 95% à l’horizon 2080 dans le pire scénario. Même dans une trajectoire ambitieuse de réduction des émissions (SSP1), près de 40% des bâtiments resteraient encore exposés en 2080.

À l’échelle géographique, l’exposition de 2050 se concentre surtout dans les zones de basse altitude et au cœur du pays. En revanche, les façades atlantiques du nord-ouest bénéficient d’une relative protection grâce à l’effet régulateur de l’océan. Certaines grandes agglomérations paient un tribut encore plus lourd.
À Paris ou à Toulouse, le phénomène d’îlot de chaleur urbain amplifie considérablement le risque local de canicule.

Évolution de l'exposition aux risques climatiques du parc immobilier français par horizon temporel
Évolution de l’exposition aux risques climatiques du parc immobilier français par horizon temporel

Quelles solutions d’adaptation aux risques climatiques ?

Face aux risques climatiques, trois types de solutions peuvent être envisagés. L’adaptation efficace repose sur la combinaison de ces trois dimensions afin de bâtir une véritable résilience.

Des mesures techniques pour renforcer les bâtiments

Les mesures techniques visent à adapter directement les bâtiments et infrastructures.

  • Pour les précipitations extrêmes, il faut dimensionner correctement les réseaux d’assainissement et de drainage, ou prévoir des bassins de rétention.
  • Face aux crues, les solutions consistent à surélever les équipements sensibles, créer des bassins d’orage ou utiliser des matériaux résistants à l’eau.
  • Pour les tempêtes, l’enjeu est de renforcer toitures et façades, d’ancrer solidement les structures légères et de sécuriser les réseaux électriques.

Des solutions fondées sur la nature

Les solutions fondées sur la nature s’appuient sur les écosystèmes pour réduire l’exposition aux aléas.

  • Contre les fortes pluies, la désimperméabilisation des sols, la végétalisation urbaine et la restauration des zones humides offrent des protections efficaces.
  • Pour les submersions marines, préserver les dunes, restaurer les zones humides littorales ou développer des végétations côtières atténue l’énergie des vagues.
  • Face aux cani­cules, planter des arbres, végétaliser toitures et façades ou créer des espaces verts permet de limiter l’effet d’îlot de chaleur urbain.

Des mesures organisationnelles pour préparer et gérer

Les mesures organisationnelles concernent la gestion, la préparation et la sensibilisation.

  • L’élaboration de plans locaux de gestion des eaux pluviales, la mise en place d’alertes précoces et de protocoles de crise limitent les impacts des événements extrêmes.
  • Pour les canicules, adapter les horaires de travail, protéger les personnes fragiles grâce à des plans dédiés et déployer des systèmes d’alerte contribuent à renforcer la résilience des territoires.

Quelle réglementation encadre l’adaptation climatique ?

La Taxonomie européenne : une obligation d’adaptation

Ces enjeux ne concernent plus seulement les climatologues : ils s’imposent désormais au cœur des cadres réglementaires. La Taxonomie européenne oblige tous les acteurs de l’immobilier – investisseurs, promoteurs, gestionnaires et banques – à intégrer l’adaptation au changement climatique dans leurs pratiques.

Concrètement, cela signifie identifier les aléas majeurs, évaluer la vulnérabilité des actifs sur le long terme selon les différents scénarios du GIEC, puis prévoir des solutions d’adaptation dès la conception et tout au long du cycle de vie des bâtiments.

La directive CSRD : vers un reporting climatique obligatoire

Dans le même esprit, la directive CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) sur le reporting de durabilité introduit le principe de la double matérialité. Les entreprises doivent ainsi analyser à la fois l’impact du climat sur leur activité et l’impact de leur activité sur le climat.

Avec les normes ESRS (European Sustainability Reporting Standards), les obligations deviennent plus précises. Les entreprises doivent désormais publier des informations détaillées sur leurs risques climatiques, réaliser des analyses de scénarios, définir des plans de transition alignés sur l’Accord de Paris et se soumettre à des audits externes.

Un enjeu stratégique pour la valeur immobilière

Le climat ne constitue plus une option dans la gestion immobilière : il s’impose désormais comme une nécessité stratégique. Les risques climatiques peuvent provoquer des pertes de valeur importantes pour les actifs, mais ils ouvrent aussi une opportunité de transformation.

Adapter le parc immobilier aux aléas de demain, tout en réduisant ses émissions – qui représentent aujourd’hui environ 16% des émissions nationales – devient à la fois une condition essentielle de résilience économique et une contribution indispensable à la lutte contre le changement climatique.

Isabelle DAHAN

Isabelle DAHAN

Rédactrice en chef de Monimmeuble.com. Isabelle DAHAN est consultante dans les domaines de l'Internet et du Marketing immobilier depuis 10 ans. Elle est membre de l’AJIBAT www.ajibat.com, l’association des journalistes de l'habitat et de la ville. Elle a créé le site www.monimmeuble.com en avril 2000.

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