La crise du logement s’aggrave partout en France. Manque d’offres, flambée des coûts, réglementation complexe : les tensions s’accumulent. Face à cette urgence, l’Ordre des géomètres-experts sort du silence. Lors des Universités d’Été organisées au Mans du 1er au 3 juillet 2025, la profession a réuni les acteurs clés du secteur. Le constat est sans appel. Trop peu de terrains disponibles, trop de freins à la construction. Pourtant, des leviers existent. Les géomètres-experts misent sur le Zéro Artificialisation Nette pour relancer la dynamique. Leur proposition : transformer les contraintes foncières en opportunités concrètes de production de logements. Une nouvelle approche pour répondre à une crise devenue structurelle.
Sommaire :
- Comment analyser les causes de la crise du logement actuelle ?
- Quelles solutions les géomètres-experts proposent-ils ?
- Comment recycler le foncier commercial pour créer du logement ?
- Quelle mission transversale pour l’habitat ?
À retenir
- La crise du logement résulte d’un déséquilibre structurel entre l’offre et la demande
- Les géomètres-experts proposent 12 mesures pour transformer le ZAN en levier de production
- La densification douce permet de repenser les tissus périurbains existants
- Les zones commerciales en déshérence offrent des gisements fonciers considérables
- Une mission transversale Habitat-Logement est lancée pour structurer les propositions
- La profession compte 1 878 géomètres-experts et 10 000 emplois dans la filière
Comment analyser les causes de la crise du logement actuelle ?
Une conjonction de facteurs structurels
La crise du logement ne repose pas sur un seul facteur. Toute la filière immobilière s’accorde à dire qu’elle résulte d’un enchevêtrement de causes interdépendantes. Le déséquilibre structurel entre offre et demande reste le point de départ. Face à une demande croissante, la production de logements ne suit plus, créant des tensions durables sur l’ensemble du territoire.
Par ailleurs, la hausse des prix des matières premières pèse lourdement sur les coûts de construction. En parallèle, les réglementations environnementales, bien qu’essentielles, s’accumulent et ralentissent les projets.
Aujourd’hui, l’accession à la propriété devient un véritable parcours d’obstacles pour une majorité de ménages. Entre un taux d’effort élevé, un apport souvent insuffisant et un taux d’usure toujours contraignant, nombreux sont ceux qui finissent par renoncer. Parallèlement, le marché locatif privé s’asphyxie peu à peu, faute d’offres disponibles et de conditions suffisamment incitatives. Du côté du logement social, la situation n’est guère plus favorable : le parc est saturé et ne parvient plus à absorber une demande en constante augmentation.
L’immobilisme des pouvoirs publics dénoncé
Face à ces blocages multiples, la résolution de la crise du logement nécessite une action coordonnée et ambitieuse, à la hauteur de l’urgence. Les professionnels du secteur pointent unanimement l’immobilisme gouvernemental. Alors que l’instabilité législative et réglementaire paralyse les initiatives privées et publiques.
Séverine Vernet, Présidente du Conseil supérieur de l’Ordre des géomètres-experts, souligne avec force : “Face à l’urgence d’agir, nous estimons que le sujet n’est pas pris à bras-le-corps par les pouvoirs publics. Le logement est un bien de première nécessité : après manger, il faut se loger ! Cette crise du logement nécessite une approche globale et coordonnée impliquant tous les acteurs de la filière.”
De la FFB à l’USH, en passant par la FNAIM, la FPI et l’ANIL, toutes les organisations professionnelles partagent le même diagnostic alarmant sur cette crise du logement. Cette convergence de vues démontre l’ampleur et la gravité de la situation actuelle.
Quelles solutions les géomètres-experts proposent-ils ?
Le Zéro Artificialisation Nette comme levier de production
Les géomètres-experts ne veulent plus voir le Zéro Artificialisation Nette (ZAN) comme une contrainte. Ils souhaitent en faire un véritable levier de production de logements. Depuis plus de trois ans, la profession travaille sur 12 mesures pragmatiques. Elles visent à concilier sobriété foncière et production massive de logements pour répondre à la crise actuelle.
Les géomètres-experts proposent ainsi de sortir de l’approche parcellaire pour adopter une vision plus large du foncier. Ils misent sur les cœurs d’îlots et la mutualisation des compensations environnementales.
En effet, la profession défend une restructuration coordonnée des fonciers urbains et ruraux, pour optimiser l’usage du sol sans renoncer aux objectifs écologiques. Un positionnement stratégique qui place les géomètres-experts au cœur de la réponse territoriale à la crise du logement.
“La proposition de loi Sénat et celle de l’Assemblée nationale sur la sobriété foncière reviennent sur les modalités de mise en œuvre du ZAN, mais pas sur l’objectif initial. Nous travaillons sur le sujet depuis plus de trois ans et nous avons identifié des mesures pragmatiques qui s’appuient sur des outils et des procédures existants, à adapter ou à créer”, précise Séverine Vernet.
La densification douce au cœur des solutions
Face à la crise du logement, cette approche innovante privilégie la densification douce comme alternative durable. Concrètement, les géomètres-experts proposent de modifier les PLU afin de faciliter significativement la surélévation des immeubles existants. En parallèle, ils souhaitent également assouplir les règles de majorité inscrites dans les cahiers des charges des lotissements. À terme, cette stratégie permet de repenser en profondeur les tissus périurbains existants, tout en préservant l’environnement local.
“Il faudra toutefois veiller à rester à l’écoute de nos concitoyens et faire preuve de pédagogie pour que ces projets soient bien acceptés”, prévient judicieusement Séverine Vernet.
Comment recycler le foncier commercial pour créer du logement ?
Les entrées de ville recèlent un fort potentiel foncier encore sous-exploité. Elles peuvent devenir un levier stratégique pour répondre à la crise du logement. Souvent desservies par les transports en commun, ces zones facilitent la reconversion rapide. La mutation du commerce, accélérée par les nouvelles habitudes de consommation, libère du foncier à requalifier.
C’est pourquoi, les géomètres-experts plaident pour un aménagement global et cohérent. Ils rejettent les interventions ponctuelles, jugées inefficaces, et appellent à une restructuration planifiée de ces secteurs stratégiques.
“Les entrées de ville offrent des opportunités pour recycler le foncier avec des gisements considérables, d’autant qu’elles sont souvent déjà connectées aux transports en commun. Avec la mutation du commerce et l’accélération du phénomène, il ne s’agira pas de réaliser des opérations au coup par coup, mais de privilégier un aménagement global et cohérent qui favorise la mixité fonctionnelle et qui s’inscrive dans les dynamiques du territoire”, explique la profession.
Cette approche de la crise du logement favorise systématiquement la mixité fonctionnelle. Elle s’inscrit parfaitement dans les dynamiques territoriales existantes. Cette vision globale permet de créer des quartiers vivants et durables.
Quelle mission transversale pour l’habitat ?
Dans cette dynamique, l’Ordre des géomètres-experts lance une mission transversale Habitat-Logement. À travers cette initiative, il entend proposer des solutions concrètes sur l’ensemble des leviers d’action. Elle s’inscrit ainsi dans une volonté claire : dépasser une approche strictement technique pour porter une vision d’intérêt général.
Par ailleurs, au-delà de leurs compétences traditionnelles, les géomètres souhaitent désormais s’emparer de sujets connexes — aménagement, foncier, transition écologique — qui impactent directement leur métier. Une démarche pleinement assumée pour faire entendre leur voix dans un débat national devenu stratégique.
“Il y a notamment des sujets qui nous dépassent mais nous impactent, comme les délais d’instruction qui aujourd’hui freinent les projets de logements”, avance Séverine Vernet.
Cette mission transversale abordera les délais d’instruction qui freinent actuellement les projets de logements. Ainsi, elle permettra de proposer des solutions concrètes sur tous les aspects de la crise du logement. L’objectif est de peser davantage dans les débats publics et les décisions politiques.