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Logement

Pénurie de logements : pourquoi la France se classe-t-elle 14e en Europe ?

Pénurie de logements : pourquoi la France se classe-t-elle 14e en Europe ?

La crise immobilière en France révèle un paradoxe surprenant selon une étude européenne de Wüest Partner publiée en juin 2025. Contrairement aux idées reçues, la France occupe la 14e position sur 28 pays européens en matière de tension immobilière. Cette analyse, basée sur 14 indicateurs objectifs et modélisée par machine learning, démontre que des pays économiquement performants comme le Luxembourg, l’Irlande ou la Suisse connaissent une pénurie de logements bien plus aiguë. Comment expliquer ce classement inattendu ? Quelles solutions émergent de cette comparaison européenne pour répondre aux défis du marché du logement français ?

Sommaire :

À retenir

  • La France se classe 14e sur 28 pays européens en matière de pénurie de logements
  • La hausse des loyers française (+4,7%) reste inférieure à la moyenne européenne (+10,4%)
  • Le Luxembourg, l’Irlande et la Suisse connaissent une pénurie de logements plus aiguë malgré leur prospérité économique
  • Les pays d’Europe de l’Est bénéficient d’un taux de propriétaires supérieur à 80% qui limite la tension locative
  • Les disparités territoriales françaises restent marquées : 35% du budget consacré au logement à Paris vs 20% en moyenne nationale

Comment se mesure réellement la pénurie de logements en Europe ?

L’indice européen de pénurie de logements, développé par Wüest Partner, change la donne. Ce nouvel outil d’analyse offre une lecture comparée et objective du marché immobilier à l’échelle européenne. En effet, il s’appuie sur 14 indicateurs-clés : évolution des loyers, prix de l’immobilier, activité de construction, stock de logements disponibles… Autant de paramètres qui permettent d’évaluer finement la tension sur chaque marché national.

Les données OCDE intégrées dans cette méthodologie révèlent des écarts frappants. Au 1er trimestre 2025, par rapport à la même période en 2023, la Hongrie affiche une envolée des loyers de plus de 25%, suivie de près par la Roumanie et l’Irlande.

Cette approche, modélisée par machine learning, offre un regard neuf sur la pénurie de logements en Europe. En cela, elle tranche avec les perceptions souvent approximatives, en apportant des éléments comparables dans 28 pays étudiés.

Comment se mesure réellement la pénurie de logements en Europe ?

Une pression inégale entre pays sur l’accessibilité à la propriété

L’étude Wüest Partner met en lumière un autre indicateur crucial : l’évolution du prix des logements par rapport aux revenus des ménages (base 100 = 2015). Ce ratio permet de mesurer la pression réelle exercée par le marché immobilier sur le pouvoir d’achat résidentiel.

Le Portugal arrive largement en tête, avec un indice dépassant 140. Les Pays-Bas et la République tchèque suivent, traduisant une forte tension sur l’accessibilité à la propriété. À l’inverse, la France affiche un indice proche de 100. Cette stabilité relative suggère une meilleure résistance à la flambée des prix, malgré la pénurie de logements.

Les limites des approches traditionnelles

Les méthodes d’évaluation traditionnelles restent souvent limitées. Elles s’appuient sur des indicateurs isolés, sans tenir compte de l’ensemble des dynamiques du marché. À l’inverse, l’approche développée par Wüest Partner adopte une vision systémique. Elle croise plusieurs dimensions pour mieux cerner la pénurie de logements en Europe.

Ainsi, des écarts inattendus apparaissent. Par exemple, le nombre de logements pour 1 000 habitants varie fortement : seulement 350 en Bulgarie, contre plus de 550 au Luxembourg. Ces données OCDE de 2022, réanalysées dans l’étude, mettent en lumière des contrastes structurels souvent ignorés.

Quels facteurs expliquent la position intermédiaire de la France ?

La 14e place de la France dans le classement européen s’explique par plusieurs facteurs modérateurs. En premier lieu, la hausse des loyers y reste relativement limitée : +4,7 % entre début 2023 et début 2025, contre +10,4 % en moyenne en Europe.

Cela suggère une régulation plus efficace du marché locatif français. Par ailleurs, les dispositifs publics jouent un rôle clé. Le bouclier loyer, l’encadrement local des loyers et le PTZ ont temporairement freiné la pression sur les locataires. En somme, ces mesures démontrent l’influence directe des politiques publiques sur la dynamique de la pénurie.

Quels facteurs expliquent la position intermédiaire de la France ?

La France se distingue par une relative stabilité dans le nombre de logements autorisés à la construction. En effet, selon les données Eurostat analysées, la variation entre 2019 et 2024 reste modérée. À titre de comparaison, la Finlande affiche une baisse de 60% et l’Autriche de 50%. En maintenant un niveau de construction proche de celui de 2019, la France parvient à limiter l’aggravation de la pénurie de logements. Cette résilience constitue un atout face à la crise du logement qui touche de nombreux pays européens.

Une pénurie de logements plus qualitative que quantitative

Le parc français présente des spécificités notables. Selon l’étude, le taux de vacance atteint 8%, un niveau élevé. Pourtant, de nombreux logements sont vétustes ou mal situés. Ce paradoxe souligne une inadéquation qualitative, plus qu’une réelle pénurie de logements.

Par ailleurs, la croissance démographique reste modeste : +0,6% en deux ans. Cette évolution limite la pression sur la demande et distingue la France de pays européens en forte tension. Cependant, les disparités territoriales demeurent fortes. À Paris, les ménages consacrent jusqu’à 35% de leur budget au logement, contre 20% en moyenne nationale.

L’impact des politiques publiques sur la pénurie de logements

Les dispositifs français de régulation produisent des effets. L’encadrement des loyers en zones tendues et le bouclier loyer freinent les hausses excessives. Ces mesures, bien que provisoires, permettent à la France de conserver une position intermédiaire dans le classement européen de la pénurie de logements.

Pourquoi certains pays prospères subissent-ils une pénurie plus aiguë ?

Luxembourg et Irlande : deux visages d’une pénurie en pleine prospérité

Le Luxembourg incarne le paradoxe des pays riches en tension immobilière. Premier au classement Wüest Partner, il connaît une croissance démographique de +4%. Cette dynamique accentue la pression sur l’offre. Les prix très élevés obligent les ménages à consacrer une part croissante de leur revenu au logement, provoquant un exode vers les pays voisins.

L’Irlande, en deuxième position, reflète l’ampleur de la pénurie en Europe. Avec 417 logements pour 1 000 habitants (OCDE 2022), le stock immobilier est l’un des plus faibles du continent. Les loyers explosent (+18%), poussant certains habitants vers des solutions alternatives comme les “mommunes” : des colocations entre mères célibataires avec enfants.

Luxembourg et Irlande : deux visages d’une pénurie en pleine prospérité

Les données de construction révèlent que l’Irlande enregistre une hausse significative des logements autorisés (+40% en 2024 vs 2019). Toutefois, cette progression reste insuffisante face à la demande croissante créée par la pénurie de logements structurelle.

La Suisse face à la saturation de son marché locatif

La Suisse occupe la quatrième place du classement en raison d’une saturation totale du marché locatif. Selon l’étude, 60% des ménages sont locataires. En cinq ans, le nombre de logements disponibles a chuté de 40%. Résultat : même les couples à revenus médians peinent à devenir propriétaires. Face à cette tension, plusieurs cantons ont instauré un encadrement des loyers après rénovation, afin de préserver l’accès au parc existant.

Les Pays-Bas : urbanisation et décalage prix-revenus

Aux Pays-Bas, la pénurie de logements s’intensifie. Le pays cumule urbanisation poussée, croissance démographique soutenue et hausse rapide des prix immobiliers.
Depuis 2015, les prix ont progressé de plus de 30 points au-dessus des revenus disponibles.
Ce déséquilibre accentue la tension, notamment dans les zones urbaines denses, où l’accès au logement devient de plus en plus difficile.

Comment les “bons élèves” européens évitent-ils la pénurie ?

En bas du classement, certains pays adoptent des stratégies différentes face à la pénurie. La Pologne, la Croatie, la Bulgarie et la Roumanie affichent un taux de propriétaires supérieur à 80% selon l’OCDE (2022). Cette structure de marché réduit l’exposition aux hausses de loyers et limite la pénurie de logements locatifs.

Comment les "bons élèves" européens évitent-ils la pénurie ?

Propriété et démographie : des facteurs modérateurs

L’étude révèle une corrélation inverse entre taux de propriétaires et pénurie de logements.
Plus il y a de propriétaires, moins la tension sur le marché est forte. L’Italie en est un bon exemple. Sa démographie stable, voire en recul, limite la pression sur le logement. Avec environ 500 logements pour 1000 habitants, le pays dispose d’un stock suffisant, malgré une activité de construction en berne.

Les défis cachés des “bons élèves”

Ces bons scores cachent parfois des réalités préoccupantes, comme le souligne l’étude Wüest Partner. En Lettonie et en Pologne, près de 30% de la population vit dans un logement sur-occupé. Autrement dit, l’absence de pénurie quantitative ne garantit pas un bon niveau de confort. Le surpeuplement et la vétusté restent fréquents, notamment dans plusieurs pays d’Europe de l’Est. Ainsi, ces résultats nuancent l’indice global. Ils rappellent que quantité et qualité sont deux enjeux distincts du marché du logement.

Isabelle DAHAN

Isabelle DAHAN

Rédactrice en chef de Monimmeuble.com. Isabelle DAHAN est consultante dans les domaines de l'Internet et du Marketing immobilier depuis 10 ans. Elle est membre de l’AJIBAT www.ajibat.com, l’association des journalistes de l'habitat et de la ville. Elle a créé le site www.monimmeuble.com en avril 2000.

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