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Rénovation

Rénovation à Paris : quel impact sur la consommation d’énergie des logements ?

Rénovation à Paris : quel impact sur la consommation d’énergie des logements ?

Réduire la consommation d’énergie des logements devient un enjeu majeur à Paris. L’Atelier Parisien d’Urbanisme et l’Agence Parisienne du Climat publient une étude inédite en avril 2025. Elle se penche sur le parc privé et les rénovations menées entre 2012 et 2021. Près de 223 000 logements analysés. Et, un retour d’expérience sur 46 copropriétés rénovées, soit 3 819 logements. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Les économies d’énergie varient selon le mode de chauffage, la date de construction… mais surtout, les rénovations de l’enveloppe et des systèmes de chauffage ont un impact réel. Dans un contexte d’urgence climatique, cette étude apporte des clés concrètes.

Sommaire :

La consommation d’énergie des logements parisiens : état des lieux en 2023

La récente étude menée par l’Atelier Parisien d’Urbanisme et l’Agence Parisienne du Climat offre un panorama inédit de la consommation d’énergie des logements privés parisiens. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. À Paris, plus de 222 700 logements ont été passés au crible. Soit 19 % du parc privé. En 2023, leur consommation médiane s’élève à 97 kWh d’énergie finale par m² et par an.

Un niveau plutôt modéré. Pourquoi ? Parce que le parc résidentiel parisien a ses particularités. En effet, 62 % des logements se trouvent dans des immeubles d’avant 1915. Et 85 % sont chauffés de façon individuelle. or, ce sont des caractéristiques qui pèsent lourd sur la consommation… mais qui expliquent aussi sa relative modération.

Ainsi, près de 34% des logements du panel présentent des consommations annuelles inférieures à 75 kWh d’énergie finale par m² et par an. Tandis que 15% affichent des consommations élevées, supérieures à 175 kWh/m²/an. Ces statistiques témoignent de l’hétérogénéité du parc résidentiel parisien en matière de performance énergétique.

Des écarts significatifs selon le mode de chauffage

L’étude met en lumière des disparités importantes selon le type de chauffage utilisé. Les logements en chauffage électrique présentent la consommation d’énergie la plus faible avec une médiane de 65 kWh d’énergie finale par m² et par an. Pour les logements équipés d’un chauffage gaz individuel, cette consommation s’élève à 113 kWh/m²/an.

Attention aux apparences. Ces faibles niveaux de consommation ne signifient pas forcément que les bâtiments sont performants. Bien souvent, ils révèlent autre chose : une sous-consommation contrainte. En cause ? Le coût élevé de l’énergie, qui pousse certains ménages à se restreindre.

En effet, avec un prix moyen de l’électricité atteignant 237 euros par MWh en 2023 (soit une augmentation de 33% depuis 2019 selon les données du SDES), la dépense énergétique pour les ménages en chauffage électrique reste élevée. Dès lors, cette situation soulève la question de la précarité énergétique pour une partie des occupants de ces logements.

À l’inverse, les logements en chauffage collectif affichent des consommations nettement plus importantes. Puisqu’elles sont de l’ordre de 148 kWh/m²/an pour ceux raccordés au chauffage urbain et 182 kWh/m²/an pour ceux en chauffage collectif au gaz. Ces écarts s’expliquent en grande partie par le fonctionnement des systèmes collectifs. D’abord, la régulation individuelle y est souvent difficile, voire impossible. Ensuite, la gestion des installations repose sur plusieurs acteurs : syndics, chauffagistes, prestataires… Une responsabilité partagée qui complique les ajustements au quotidien.

Consommation énergétique médiane des logements privés parisiens par mode de chauffage en 2023
Consommation énergétique médiane des logements privés parisiens par mode de chauffage en 2023

L’influence de la période de construction

La période de construction constitue également un facteur déterminant dans la consommation énergétique des logements. Les bâtiments construits entre 1940 et 1981, souvent qualifiés de “passoires thermiques”, présentent généralement des performances énergétiques moins bonnes. Cette tendance s’observe particulièrement pour les immeubles en chauffage collectif construits durant cette période.

Les données de l’étude révèlent que les logements en chauffage collectif au gaz construits entre 1968 et 1981 affichent une consommation médiane de 192 kWh/m²/an, contre 167 kWh/m²/an pour ceux construits avant 1915. Pour les immeubles raccordés au chauffage urbain, on observe une consommation de 153 kWh/m²/an pour ceux datant de la période 1968-1981, contre 129 kWh/m²/an pour les bâtiments d’avant 1915.

Par ailleurs, l’étude compare le parc social et le parc privé à Paris. Ainsi, elle révèle des écarts de consommation importants, surtout dans les logements en chauffage collectif. Prenons les immeubles construits entre 1968 et 1981. Dans ce segment, les logements du parc social consomment 30 à 50 kWh/m²/an de moins que ceux du parc privé. Pourquoi une telle différence ?
Les bailleurs sociaux ont souvent engagé plus tôt des programmes de rénovation énergétique, ciblant précisément cette tranche du parc.

Impact des rénovations sur la consommation d’énergie des logements

L’un des apports majeurs de cette étude est l’analyse de l’évolution des consommations avant et après travaux pour 46 copropriétés parisiennes rénovées entre 2012 et 2021. Ces copropriétés, principalement de grande taille, construites entre 1940 et 1981 et équipées d’un chauffage collectif, ont fait l’objet de différents niveaux d’intervention.

Parmi ces 46 copropriétés, 40 (soit 87%) ont bénéficié d’un dispositif d’accompagnement mis en place par la Ville de Paris, notamment les dispositifs “Copropriétés Objectif Climat”, “OPATB13”, “OPATB19” et “Éco-rénovons Paris”. Ces programmes ont permis de financer des diagnostics énergétiques et d’apporter un soutien technique et financier aux projets de rénovation.

Des baisses de consommation variables selon le niveau d’intervention

L’étude distingue quatre niveaux d’intervention et mesure leur impact respectif sur la consommation d’énergie.

Les bouquets de travaux, les plus efficaces

Les copropriétés qui ont combiné des travaux sur l’enveloppe du bâtiment et sur le système de chauffage enregistrent les meilleurs résultats. Leur consommation énergétique a chuté en moyenne de 24 %. Ce groupe rassemble 20 copropriétés, soit 2 031 logements, avec en moyenne 102 logements par immeuble. Leur consommation est passée de 211 à 159 kWh/m²/an.

L’enveloppe seule reste performante

Les copropriétés ayant concentré leurs efforts sur l’enveloppe du bâtiment – isolation par l’extérieur, remplacement des menuiseries – affichent une baisse moyenne de 19 %. Ce segment regroupe 14 copropriétés, représentant 801 logements. La consommation est tombée de 215 à 177 kWh/m²/an.

Le chauffage seul, un levier important

Quand les travaux portent uniquement sur le système de chauffage, la consommation baisse en moyenne de 20 %. Ce cas concerne 6 copropriétés, totalisant 715 logements. Elles sont passées de 251 à 200 kWh/m²/an.

Les rénovations partielles, moins efficaces

Enfin, les copropriétés ayant réalisé des travaux plus légers sur l’enveloppe enregistrent une baisse plus modeste, autour de 11 %. Cela concerne également 6 copropriétés, soit 272 logements. Leur consommation est descendue de 258 à 230 kWh/m²/an.

Ces résultats confirment que les interventions combinées sur l’enveloppe et les systèmes de chauffage produisent généralement les gains les plus significatifs. Et, cela, bien que l’on observe une grande disparité de résultats au sein de chaque catégorie.

Évolution des consommations énergétiques avant-après travaux selon le niveau d'intervention
Évolution des consommations énergétiques avant-après travaux selon le niveau d’intervention

En se concentrant sur l’année 2023, les gains énergétiques post-travaux apparaissent encore plus nets. Les copropriétés ayant réalisé des bouquets de travaux enregistrent une baisse de 30 % de leur consommation. Celles qui ont agi principalement sur l’enveloppe affichent une réduction de 27 %. Les travaux sur le chauffage offrent même 32 % d’économies. Quant aux rénovations plus légères sur l’enveloppe, elles permettent 14 % de baisse.

Ce bond s’explique en grande partie par le contexte. En 2023, la hausse des prix de l’énergie a poussé les habitants à adopter des comportements plus sobres. Résultat : les effets des rénovations ont été amplifiés par une vigilance accrue sur la consommation d’énergie des logements.

Des économies d’énergie réelles et quantifiables

Au total, les travaux réalisés dans les 46 copropriétés du panel ont permis d’éviter la consommation de 8,7 GWh par an. Soit une réduction des émissions de gaz à effet de serre estimée à 1 700 tonnes de CO? annuellement. En moyenne, chaque logement rénové économise 2 288 kWh par an. Ce qui représente une économie financière de 250 à 550 euros annuels selon le type d’énergie utilisé (en considérant les prix 2023 avec l’électricité à 237 € le MWh et le gaz à 115 € le MWh).

Des économies d’énergie variables selon les travaux

Les économies d’énergie par logement dépendent fortement du type de travaux engagés. Les bouquets de travaux permettent en moyenne de réduire la consommation de 2 227 kWh/an par logement. Les travaux importants sur l’enveloppe génèrent 1 906 kWh/an d’économies. Les interventions sur le système de chauffage offrent les meilleurs résultats, avec 3 265 kWh/an économisés. Enfin, les rénovations plus légères sur l’enveloppe permettent de baisser la consommation de 1 304 kWh/an.

Si les économies sont plus fortes pour les travaux liés au chauffage, c’est pour deux raisons.
D’abord, les logements concernés affichaient un niveau de consommation initial très élevé.
Ensuite, ils sont plus grands : en moyenne 76 m², contre 55 m² pour ceux ayant bénéficié de bouquets de travaux.

Économies d'énergie réalisées par logement selon le niveau d'intervention
Économies d’énergie réalisées par logement selon le niveau d’intervention

Les perspectives d’évolution de la consommation d’énergie des logements parisiens

Paris s’est fixé un cap ambitieux : ramener la consommation moyenne d’énergie primaire à 104 kWh/m²/an dans le résidentiel d’ici 2050. Pour y parvenir, la rénovation énergétique des logements reste un outil indispensable. Bonne nouvelle : la dynamique s’accélère. Depuis 2022, les inscriptions sur la plateforme CoachCopro sont en nette hausse. Même tendance pour les demandes de “chèque DTG”, preuve que les copropriétés s’emparent progressivement du sujet.

Une accélération des projets de rénovation

Entre 2016 et 2024, 930 copropriétés ont intégré le dispositif Éco-rénovons Paris, avec une montée en puissance ces dernières années. En 2022, les inscriptions sur la plateforme CoachCopro ont été multipliées par 2,5 par rapport à 2021, puis par 5 en 2023 et 2024. Fin 2024, 14 545 copropriétés parisiennes étaient inscrites à CoachCopro. Ce qui représente plus de 510 000 logements, soit près de 46% du parc privé parisien.

Les copropriétés passent à l’action

Les votes en faveur de la rénovation énergétique se multiplient dans les assemblées générales.
Cette tendance révèle une prise de conscience croissante des copropriétaires face aux enjeux climatiques et à la flambée des coûts de l’énergie. Depuis 2016, plus de 234 copropriétés ont voté des travaux dans le cadre du programme Éco-rénovons Paris. Un signal fort : la transition énergétique commence aussi au sein des immeubles.

Dynamique des projets de rénovation des copropriétés parisiennes (2016-2024)
Dynamique des projets de rénovation des copropriétés parisiennes (2016-2024)

Une dynamique portée par la crise, les aides et les nouvelles règles

Plusieurs facteurs expliquent cet élan en faveur de la rénovation. D’abord, la crise énergétique et la hausse des prix du gaz et de l’électricité ont poussé les copropriétaires à agir. Ensuite, la sensibilisation croissante aux enjeux climatiques a renforcé leur motivation.

Par ailleurs, les dispositifs d’aide se sont renforcés, à l’image de MaPrimeRénov’ Copropriété, qui facilite le financement des travaux. Enfin, de nouvelles obligations réglementaires, comme le DPE collectif et le Plan Pluriannuel de Travaux, incitent les copropriétés à anticiper.

Des défis spécifiques pour les futures rénovations

Au départ, les rénovations ont surtout concerné les immeubles des Trente Glorieuses, souvent équipés d’un chauffage collectif. Mais la tendance évolue. Désormais, les prochaines opérations toucheront surtout des bâtiments plus anciens, de petite taille, avec un chauffage individuel.
Or, ces immeubles posent davantage de contraintes techniques et financières. Les travaux y sont plus coûteux, avec des montants pouvant atteindre 35 000 à 50 000 euros par logement.

Des copropriétés plus petites et plus anciennes au cœur des rénovations

Depuis 2014, le profil des copropriétés engagées dans la rénovation change. Selon l’étude, celles qui s’inscrivent sur CoachCopro sont désormais plus petites32 logements en moyenne en 2024, contre 90 en 2014. Elles sont aussi plus anciennes, souvent construites avant 1915.

Ces immeubles haussmanniens posent de nouveaux défis. Les rénovations doivent respecter des contraintes techniques et patrimoniales plus strictes. Et, dans les petites copropriétés de moins de 10 lots, le financement devient un point critique. Même après les aides, le reste à charge peut rester très élevé pour les copropriétaires.

Le rôle clé des comportements face à la hausse des prix

Entre 2022 et 2023, les consommations d’énergie ont nettement reculé. Moins 5 % pour le chauffage électrique, moins 9 % pour le gaz individuel, moins 7 % pour le gaz collectif, et moins 3 % pour le chauffage urbain.

Ces baisses traduisent une réaction directe des occupants à la hausse des prix. Elles rappellent une réalité souvent sous-estimée : les comportements des usagers influencent fortement les performances réelles des bâtiments. Pour analyser la consommation d’énergie, il faut donc aller au-delà des seuls indicateurs techniques.

Conclusion

Cette étude inédite sur la consommation d’énergie des logements parisiens et l’impact des rénovations apporte des éléments précieux pour orienter les politiques publiques en faveur de la transition énergétique. Ainsi, elle confirme l’efficacité des interventions combinées sur l’enveloppe et les systèmes de chauffage. Mais, elle souligne aussi l’importance de la régulation et des comportements des occupants dans les économies d’énergie réalisées.

Poursuivre l’analyse des consommations réelles et des retours d’expérience est une étape clé. Ce suivi régulier permettra de mieux comprendre les facteurs qui influencent la consommation d’énergie des logements parisiens. Et surtout, d’ajuster les stratégies de rénovation à l’échelle de la ville.

L’étude le rappelle : ce travail pourra être actualisé périodiquement, sur un panel de copropriétés de plus en plus large. En y ajoutant des données sur le confort thermique ou la précarité énergétique, Paris disposera d’outils solides pour orienter et prioriser ses politiques publiques. Objectif : accélérer la rénovation du parc privé et répondre aux ambitions du Plan Climat.

Isabelle DAHAN

Isabelle DAHAN

Rédactrice en chef de Monimmeuble.com. Isabelle DAHAN est consultante dans les domaines de l'Internet et du Marketing immobilier depuis 10 ans. Elle est membre de l’AJIBAT www.ajibat.com, l’association des journalistes de l'habitat et de la ville. Elle a créé le site www.monimmeuble.com en avril 2000.

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