Réaliser des travaux illégaux en copropriété peut exposer un propriétaire à de lourdes sanctions. C’est ce qu’illustre une récente décision de la Cour de cassation du 6 février 2025 (pourvoi n° 23-11.576). Un syndicat de copropriétaires a poursuivi une résidente pour avoir construit une loggia et un socle en béton sans l’aval de l’assemblée générale. La justice a tranché : le respect des règles de copropriété est essentiel, mais la proportionnalité des sanctions doit être prise en compte. Alors, quelles sont les conséquences d’une telle infraction ? Peut-on exiger la démolition ? Décryptage.
Sommaire :
- Les règles encadrant les travaux en copropriété
- Les sanctions encourues en cas de travaux illégaux en copropriété
- Jurisprudence récente : une sanction disproportionnée ?
- Que retenir pour éviter les litiges ?
Les règles encadrant les travaux en copropriété
Parties privatives et parties communes : quelles différences ?
Dans une copropriété, tous les propriétaires partagent des parties communes (façade, toiture, escaliers, etc.), tandis que les parties privatives appartiennent à chaque copropriétaire. Toutefois, certaines parties communes, comme les jardins ou les terrasses, peuvent être en jouissance privative. Dans ce cas, elles restent la propriété de la copropriété, mais leur usage est réservé à un copropriétaire.
Quels travaux nécessitent une autorisation ?
Selon la loi du 10 juillet 1965, toute modification touchant les parties communes ou l’aspect extérieur de l’immeuble requiert l’accord de l’assemblée générale des copropriétaires. La majorité requise dépend de la nature des travaux :
- Article 25 : majorité simple pour les travaux légers sans impact sur les parties communes.
- Article 26 : double majorité (deux tiers des voix) pour les nouvelles constructions ancrées au sol.
Un copropriétaire ne peut donc pas transformer librement sa terrasse ou son jardin en réalisant des constructions fixes, même s’il en a la jouissance exclusive.

Les sanctions encourues en cas de travaux illégaux en copropriété
Démolition et remise en état : une sanction courante
Lorsqu’un copropriétaire réalise des travaux illégaux en copropriété, le syndicat des copropriétaires peut saisir la justice pour exiger la démolition des constructions non autorisées et la remise en état des lieux. C’est une sanction classique, souvent confirmée par les tribunaux.
En effet, une décision de la Cour de cassation du 12 septembre 2019 (RG N°18-19.232) précise “qu’en l’absence d’autorisation de l’assemblée générale, la démolition d’une construction réalisée sur une partie commune peut être ordonnée si elle porte une atteinte grave aux droits des autres copropriétaires.”
Astreintes et dommages-intérêts
Si la démolition est ordonnée, le propriétaire peut être soumis à une astreinte journalière en cas de retard. Par exemple, dans un litige similaire, une copropriétaire a été condamnée à une astreinte de 20 € par jour de retard pendant six mois.
En outre, si les travaux causent un préjudice aux autres copropriétaires (exemple : obstruction d’une vue, nuisance sonore), des dommages-intérêts peuvent être réclamés.
L’exception du principe de proportionnalité
Cependant, les tribunaux doivent respecter le principe de proportionnalité. C’est-à-dire que la sanction doit être justifiée par la gravité des atteintes aux parties communes. Si l’infraction est mineure et sans préjudice réel, la démolition peut être jugée excessive.
Jurisprudence récente : une sanction disproportionnée ?
L’affaire portée devant la Cour de cassation le 6 février 2025 (pourvoi n° 23-11.576) illustre ce débat sur la proportionnalité des sanctions. Dans cette affaire, une copropriétaire avait construit une loggia et un socle en béton dans son jardin en jouissance privative, sans autorisation de l’assemblée générale. À cet effet, le syndicat des copropriétaires l’a assignée en justice pour obtenir la démolition des installations et la remise en état des lieux.
Les décisions de justice
- Tribunal de première instance : il donne raison au syndicat et condamne la copropriétaire à détruire les constructions sous peine d’astreinte de 20 euros par jour de retard pendant six mois.
- Cour d’appel de Versailles (17 janvier 2023) : elle annule cette décision, estimant que la démolition est une sanction excessive par rapport à l’impact réel des travaux.
- Cour de cassation (6 février 2025) : elle casse l’arrêt d’appel, mais uniquement pour un vice de procédure (non-respect du principe du contradictoire). En effet, le syndicat des copropriétaires avait fait valoir le fait que la cour d’appel n’avait pas respecté le principe de la contradiction en ayant relevé d’office un moyen portant sur le caractère disproportionné de la mesure de démolition sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations.
Pourquoi cette décision est-elle importante ?
La Cour d’appel avait estimé que la démolition n’était pas justifiée car :
- Les travaux ne causaient pas de préjudice manifeste.
- Il n’y avait pas de trouble majeur pour les autres copropriétaires.
Mais, la Cour de cassation a relevé un problème de procédure, sans se prononcer sur le fond de la proportionnalité. Cela montre que les juges hésitent à ordonner systématiquement la démolition de travaux illégaux en copropriété lorsqu’il n’y a pas de nuisance réelle.
Que retenir pour éviter les litiges ?
Toujours demander une autorisation avant des travaux
Avant d’engager des travaux affectant les parties communes ou l’aspect extérieur, un copropriétaire doit obtenir l’accord de l’assemblée générale et vérifier la majorité requise (article 25 ou 26).
Respecter les règles de copropriété
Les règlements de copropriété contiennent souvent des restrictions précises sur les aménagements possibles. Il est essentiel de les consulter avant toute modification.
Anticiper les recours en justice
Si des travaux illégaux sont réalisés sans autorisation en copropriété, le syndicat des copropriétaires peut exiger la démolition ou des dommages-intérêts. Toutefois, la justice applique le principe de proportionnalité, et la sanction dépendra de l’impact des travaux sur la copropriété.
En cas de doute, consulter un avocat spécialisé en droit immobilier est une précaution utile pour éviter des sanctions lourdes.
Conclusion
Les travaux illégaux en copropriété peuvent avoir des conséquences sérieuses : démolition, astreinte financière, voire contentieux judiciaires. Toutefois, la jurisprudence récente montre que la justice veille à protéger les droits des copropriétaires tout en évitant les sanctions disproportionnées. Avant d’engager des modifications, mieux vaut respecter les procédures légales et anticiper les réactions du syndicat des copropriétaires pour éviter les litiges.