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Copropriété

Usufruit d’un lot : quels sont les droits et les obligations ?

Usufruit d’un lot : quels sont les droits et les obligations ?

Selon l’article 578 du Code Civil, l’usufruit est le droit, pour l’usufruitier, de jouir d’un lot dont un autre (le nu-propriétaire) a la propriété. Ainsi, l’usufruit d’un lot peut être établi par la loi, par accord des volontés ou par le juge. On parle alors de démembrement de propriété. Pour les lots de copropriété sur lesquels pèse un droit d’usufruit se pose le problème de la représentativité des lots, de l’information du syndic et de la contribution au paiement des charges communes. Cet article vous livre l’ensemble des droits et obligations associés à ce concept de l’usufruit.

Sommaire :

Qu’est-ce que l’usufruit d’un lot ou le démembrement de propriété ?

Cet article se penche sur le concept de l’usufruit d’un lot, une forme de démembrement de propriété qui donne à un usufruitier le droit de jouir d’un lot dont un autre a la propriété, à charge de préserver sa substance.

Usufruit d'un lot
Usufruit d’un lot : quels sont les droits et les obligations ?

Rappelons que le droit de propriété est défini à l’article 544 du Code Civil. Ce dernier indique que “la propriété est le droit de jouir et de disposer des choses de la manière la plus absolue. Dans la mesure où l’usage qu’il en fait n’est pas interdit par la loi ou les règlements.

Ainsi, la propriété se caractérise par le droit de jouir du bien qui se compose du droit d’en :

  • user (usus),
  • percevoir les revenus (fructus),
  • disposer (abusus) c’est-à-dire de le vendre, le donner, le modifier.

De sorte que le démembrement de propriété consiste à dissocier la pleine propriété d’un bien en usufruit et en nue-propriété. Dès lors, l’usufruitier dispose du droit d’usage et des fruits. Alors que le nu-propriétaire conserve le droit de disposer du bien, en respectant les droits de l’usufruitier. Enfin, il a vocation à recouvrer, au moment de l’extinction de l’usufruit (qui peut être à terme fixe ou viager), la propriété pleine et entière.

En cela, le démembrement de propriété peut porter sur un bien immobilier. Dans ce cas, l’usufruit permet à son bénéficiaire d’occuper personnellement le bien ou de le louer et d’encaisser les loyers. Pour autant, le bien ne lui appartient pas. Toutefois, lorsque l’usufruit d’un lot prend fin, le nu-propriétaire récupère la pleine propriété de ce bien.

La naissance de l’usufruit d’un lot

L’usufruit d’un lot est établi par la loi, ou par la volonté de l’homme (Article 579 du Code Civil). Ainsi, il peut être établi sur toute espèce de biens meubles ou immeubles (Article 581 du Code Civil.). Le démembrement peut donc être d’origine légale, conventionnelle ou testamentaire.

Usufruit légal

En présence d’enfants communs et à défaut de disposition contraire, le conjoint survivant a le choix de prendre toute la succession en usufruit ou un quart en pleine propriété.

Usufruit conventionnel

L’usufruit peut aussi naître d’une donation ou d’un testament. Ainsi, l’usufruit d’un lot et la nue-propriété peuvent être vendus à titre onéreux de manière distincte. Par exemple, le propriétaire vendra la nue-propriété de son bien et se réservera l’usufruit.

Les parties peuvent déterminer la durée de l’usufruit, on parle alors d’usufruit temporaire. Toutefois, lorsque l’usufruitier décède avant l’échéance fixée, le nu-propriétaire recueille la pleine propriété à la date du décès de l’usufruitier. Dans ce cas, on dit que l’usufruit “rejoint” la nue-propriété et ceci, en exonération de tous droits de mutation.

Précisons que l’usufruit d’un lot peut être établi au profit d’une ou plusieurs personnes, immédiatement ou à terme. De fait, il peut conjointement se détenir. C’est-à-dire par plusieurs personnes simultanément sur un même bien. Dans ce cas, il peut être stipulé réversible sur la tête du survivant.

Enfin, notons que l’usufruit peut aussi être successif. Plusieurs personnes seront alors appelées à bénéficier de cet usufruit les unes après les autres. Lors d’une procédure en divorce, le juge peut décider que la prestation compensatoire s’exécutera par l’abandon d’un bien en usufruit.

Usufruit testamentaire

Le démembrement peut enfin résulter de dispositions à cause de mort : testament ou donation au dernier vivant entre époux. Dans ce cas, le démembrement se produit au décès du disposant.

Comprendre les droits d’usufruit d’un lot

L’usufruitier n’a pas le droit de vendre la chose. En effet, l’usufruit se constitue pour une durée limitée. Dès lors, la durée maximale est la durée de vie de l’usufruitier (usufruit viager). Mais, il peut se fixer pour un terme fixe. Dans ce cas, si l’usufruitier décède avant l’arrivée du terme, l’usufruit prend fin dès la date du décès. De fait, le nu-propriétaire recouvre alors la pleine propriété du bien.

L’usufruit d’un lot est un droit indépendant de la nue-propriété

Notons que l’usufruit est un droit indépendant de la nue-propriété. Ainsi, il peut être vendu, donné ou saisi indépendamment de la nue-propriété. Pour autant, il n’y a pas d’indivision entre le nu-propriétaire et l’usufruitier qui ne peuvent pas exiger le partage du bien démembré.

En cas de vente conjointe de l’usufruit et de la nue-propriété, le prix devra être partagé entre eux au prorata de leurs droits respectifs. Conformément à l’article 595 du Code Civil : “L’usufruitier peut jouir par lui-même, donner à bail à un autre, même vendre ou céder son droit à titre gratuit.

Il est toutefois possible de déroger à ces règles et de prévoir une répartition différente des pouvoirs. Soit en renforçant la gestion conjointe, soit en attribuant la totalité des pouvoirs à l’usufruitier ou au nu-propriétaire. Par ailleurs, l’usufruitier d’un lot jouit des droits de servitude, de passage, et généralement de tous les droits dont le propriétaire peut jouir (article 597 du Code Civil).

Bien gérer les obligations liées à l’usufruit d’un lot

L’usufruitier est tenu de prendre possession des biens dans l’état où ils se trouvent. Cependant, il procède, en présence du propriétaire, à l’inventaire des meubles et à l’évaluation des immeubles soumis à l’usufruit. Cela, conformément à la disposition figurant à l’article 600 du Code Civil.

Toutefois, il est possible, de dispenser l’usufruitier de cette obligation soit dans l’acte constitutif de l’usufruit, soit par accord des héritiers. L’usufruitier n’est pas sanctionné s’il n’a pas fait établir d’inventaire. Le nu-propriétaire peut le faire dresser à ses frais ou prouver par tous moyens la composition et l’état des biens lorsque l’usufruitier en a pris possession.

L’usufruitier doit fournir une caution

Sauf s’il en a été dispensé, l’usufruitier doit fournir une caution. Celle-ci a pour objet de garantir les droits du nu-propriétaire si l’usufruitier ne respecte pas ses obligations. Il donne caution de jouir en bon père de famille. Cependant, les père et mère ayant l’usufruit légal du bien de leurs enfants, le vendeur ou le donateur, sous réserve d’usufruit, ne sont pas tenus de donner caution (article 601 du Code Civil).

L’usufruitier doit conserver les biens en l’état

L’usufruitier doit conserver les biens en l’état, excepté s’il possède un quasi-usufruit. Il doit prendre toutes les mesures utiles et nécessaires pour y parvenir. Ainsi, lorsque l’usufruit porte sur un immeuble, l’usufruitier est tenu des réparations d’entretien.

L’usufruitier doit supporter toutes les charges liées à la jouissance du bien

L’usufruitier est tenu de supporter toutes les charges liées à la jouissance du bien, telles que la taxe d’habitation, les charges de copropriété et éventuellement les dettes liées aux biens dont il a l’usufruit. Dans le cas où l’usufruitier recevrait en usufruit toute la succession d’une personne décédée, il peut être tenu des dettes dont le défunt était redevable à l’égard d’une tierce personne.

Les droits et devoirs du nu-propriétaire

Le nu-propriétaire conserve le droit de disposer du bien en respectant les droits de l’usufruitier. Il est alors autorisé à vendre ou donner la nue-propriété, et aura vocation à retrouver tous les droits d’un propriétaire une fois que l’usufruit prendra fin.

De plus, il est tenu responsable des grosses réparations telles que celles des gros murs et de la toiture entière. Cependant, l’usufruitier ne peut pas le contraindre à les effectuer si ce n’est pas spécifié dans l’acte constitutif de l’usufruit.

La participation aux assemblées générales de copropriété

Selon l’article 23 de la loi du 10 juillet 1965, lorsqu’un lot est en indivision ou grevé d’un usufruit, les intéressés doivent être représentés par un mandataire commun qui peut être soit un tiers, soit l’un d’eux.

En cas d’usufruit d’un lot , les intéressés sont, à défaut d’accord, représentés par le nu-propriétaire. En cas de pluralité de nus-propriétaires, le mandataire commun est désigné par le président du tribunal judiciaire saisi par l’un d’entre eux ou par le syndic.
Dans ce cas, la désignation judiciaire d’un mandataire commun est aux frais des nus-propriétaires.

Le syndic doit introduire une demande en ce sens faute de quoi l’assemblée ne pourra pas être valablement convoquée. Par conséquence et tant que le mandataire commun n’est pas désigné, le syndic aura à convoquer tous les titulaires des droits sur le lot.

Notification au syndic du titulaire d’un droit d’usufruit d’un lot

L’article 65 du décret  n°67-223 du 17 mars 1967 précise que chaque copropriétaire ou titulaire d’un droit d’usufruit d’un lot ou de nue-propriété doit notifier au syndic son domicile réel. Cet article s’applique aux notifications et mises en demeure prévues pour l’application de la loi du 10 juillet 1965 et du décret du 17 mars 1967.

Par ailleurs, l’article 6 du décret du 17 mars 1967 précise que tout transfert de propriété d’un droit d’usufruit, de nue-propriété, d’usage ou d’habitation est notifié, sans délai, au syndic. Ainsi, cette notification peut s’établir par :

  • les parties,
  • le notaire qui établit l’acte,
  • l’avocat ou” par l’avoué qui a obtenu la décision judiciaire.

De plus, cette notification comporte :

  • la désignation du lot ou de la fraction de lot intéressé,
  • l’indication des noms, prénoms, domicile réel ou élu de l’acquéreur ou du titulaire de droit. Et, le cas échéant, du mandataire commun.

La contribution aux paiements des charges de copropriété

Droit de poursuite du syndicat des copropriétaires

Le démembrement de propriété d’un lot entre usufruitier et nu-propriétaire est opposable au syndicat des copropriétaires, conformément à l’article 6 du décret du 17 mars 1967. Ainsi, le syndic doit procéder à une ventilation des charges imputables à l’usufruitier et celles imputables au nu-propriétaire lors de l’appel de charges correspondant aux lots concernés.

Précisons qu’il n’existe pas de solidarité entre usufruitier et nu-propriétaire pour le paiement des charges. Toutefois, des clauses instaurant une solidarité peuvent être présentes dans le règlement de copropriété afin d’éviter des difficultés de recouvrement. Cependant, la licéité de ces clauses a été remise en question.

Néanmoins, il a également été décidé que le syndicat des copropriétaires n’avait pas l’obligation de procéder à la ventilation des charges entre le nu-propriétaire et l’usufruitier. Dès lors, ils pouvaient alors être condamnés conjointement au paiement des charges de copropriété.

Contribution au paiement des charges communes

En l’absence de clauses spéciales dans l’acte opérant le démembrement de propriété, les charges se répartissent selon l’article 605 et s. du Code Civil. Ainsi, l’usufruitier n’est tenu qu’aux réparations d’entretien. Les grosses réparations demeurent à la charge du propriétaire. À moins qu’elles n’aient été occasionnées par le défaut de réparations d’entretien, depuis l’ouverture de l’usufruit. Auquel cas l’usufruitier en est aussi tenu.

Par ailleurs, l’article 606 du Code civil précise que : “ Les grosses réparations sont celles des gros murs et des voûtes, le rétablissement des poutres et des couvertures entières. Celui des digues et des murs de soutènement et de clôture aussi en entier. Toutes les autres réparations sont d’entretien.”

Toutefois, la Cour de cassation rappelle que l’énumération des grosses réparations faite par l’article 606 du Code civil est limitative. De ce fait, les tribunaux l’interprète au cas par cas.

Quelles sont les dépenses à la charge de l’usufruitier ou du nu-propriétaire ?

Les dépenses à la charge de l’usufruitier

  • dépenses d’entretien et de réparations courantes de l’immeuble,
  • frais de ravalement,
  • dépenses d’administration de l’immeuble,
  • frais de fonctionnement des services collectifs et éléments d’équipement commun (dépenses d’ascenseur, de chauffage, d’électricité, d’eau, de climatisation, d’entretien des espaces verts …),
  • impôts et taxes perçus sur l’immeuble et les primes d’assurance collective.

Dépenses à la charge du nu-propriétaire

Ce sont les dépenses en “capital” nécessaires pour entretenir ou rénover les structures essentielles de l’immeuble :

  • réparation totale de l’installation électrique commune,
  • restauration de la toiture,
  • réfection d’un pignon, etc.

En effet, le nu-propriétaire n’est pas obligé d’effectuer les dépenses de grosses réparations et l’usufruitier ne peut pas le contraindre à les faire. Ce qui peut aboutir à une mauvaise gestion du bien. En cas de refus du nu-propriétaire, c’est alors l’usufruitier qui pourra être amené à prendre effectivement à sa charge les dépenses de grosses réparations. En particulier à la demande de son locataire si le bien est loué.

À l’extinction de l’usufruit, l’usufruitier pourra toutefois obtenir un dédommagement de la part du nu-propriétaire en fonction de la plus-value procurée à l’immeuble. Cette répartition des charges peut également s’aménager dans une convention.

Comment l’usufruit d’un lot prend-il fin ?

Plusieurs circonstances entraînent l’extinction de l’usufruit d’un lot. Les articles 617 et 618 du Code Civil en font l’énumération :

  • la mort de l’usufruitier ;
  • l’expiration du temps pour lequel il a été accordé ;
  • la consolidation ou la réunion sur la même tête, des deux qualités d’usufruitier et de nu-propriétaire par vente, donation ou succession?;
  • la renonciation de l’usufruitier à son droit ;
  • le non-usage du droit pendant trente ans ;
  • la perte totale de la chose sur laquelle l’usufruit est établi?;
  • L’usufruit peut aussi cesser par l’abus que l’usufruitier fait de sa jouissance. Soit en commettant des dégradations sur le fonds, soit en le laissant dépérir faute d’entretien.

À cet effet, l’article 618 du Code Civil précise que les créanciers de l’usufruitier peuvent intervenir dans les contestations pour la conservation de leurs droits. Ainsi, ils peuvent offrir la réparation des dégradations commises et des garanties pour l’avenir.

Par ailleurs, les juges peuvent, suivant la gravité des circonstances :

  • prononcer l’extinction absolue de l’usufruit,
  • ordonner la rentrée du propriétaire dans la jouissance de l’objet qui en est grevé. Il aura alors la charge de payer annuellement à l’usufruitier, ou à ses ayants cause, une somme déterminée, jusqu’à l’instant où l’usufruit aurait dû cesser.

En cas de vente simultanée de l’usufruit et de la nue-propriété d’un bien, le prix se répartit entre l’usufruit et la nue-propriété selon la valeur respective de chacun de ces droits. Sauf accord des parties pour reporter l’usufruit sur le prix. Enfin, la vente du bien grevé d’usufruit, sans l’accord de l’usufruitier, ne modifie pas le droit de ce dernier. Ainsi, il continue à jouir de l’usufruit d’un lot s’il n’y a pas expressément renoncé.

Isabelle DAHAN

Isabelle DAHAN

Rédactrice en chef de Monimmeuble.com. Isabelle DAHAN est consultante dans les domaines de l'Internet et du Marketing immobilier depuis 10 ans. Elle est membre de l’AJIBAT www.ajibat.com, l’association des journalistes de l'habitat et de la ville. Elle a créé le site www.monimmeuble.com en avril 2000.

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