Xerfi-Precepta vient de publier une étude approfondie sur la filière du bâtiment face à la transition énergétique à l’horizon 2018. Quelles sont les stratégies pour faire de l’excellence énergétique et environnementale un moteur durable de croissance ?
La transition énergétique mobilise aussi bien les professionnels que les pouvoirs publics. Après avoir multiplié les incitations ces dernières années, l’Etat remonte au créneau avec la mise en place d’obligations réglementaires à partir de 2017 et notamment le diagnostic technique global pour les bâtiments en copropriétés…
Face à ces nouvelles mesures et aux objectifs fixés par la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), les acteurs de la filière se démènent pour suivre le rythme. Mais de l’avis des experts de Xerfi, la baisse de la consommation énergétique ne dépassera pas les 6% entre 2010 et 2018, à comparer à une réduction de la consommation de 8% sur la période fixée par la PPE. En tout état de cause, les objectifs des pouvoirs publics pour 2023 (-15%) et 2030 (-23%) semblent également hors de portée.
Marché de la rénovation énergétique des logements : 19 milliards d’euros en 2016
Les professionnels du bâtiment seront particulièrement sollicités sur le marché de la rénovation énergétique des logements, dans le sillage du haut niveau de ventes dans l’ancien, du contexte réglementaire, de la diversification des outils de financement (tiers investissement…) et de la hausse attendue des coûts de l’énergie de chauffage (fioul, gaz).
Estimée à près de 19 milliards d’euros en 2016 (+2%), l’activité progressera donc de 4% en 2017 puis de 3% en 2018 pour franchir le seuil des 20 milliards d’euros, d’après les prévisions des experts de Xerfi-Precepta.
L’exigence environnementale se paie au prix fort
A l’heure où le green se généralise dans le bâtiment, les acteurs de la filière doivent s’adapter pour transformer les opportunités de la transition énergétique en sources de croissance durables. « Ils pourront s’appuyer sur les données collectées par les équipements intelligents (thermostats, systèmes de chauffage etc.) pour créer de la valeur en optimisant la consommation énergétique des bâtiments, en revendant ces informations à un tiers ou bien en les convertissant en solutions innovantes, personnalisées et à forte valeur ajoutée », indique Thibaud Brejon de Lavergnée, auteur de l’étude.
La transition énergétique impose donc de nouvelles logiques d’affaires aux professionnels du bâtiment. En aval de la filière, l’obligation de résultat prend ainsi le pas sur la traditionnelle obligation de moyens. Les acteurs sont maintenant sommés de formuler des objectifs clairs, mesurables et engageants en termes de consommation énergétique. Traditionnellement basés sur la maximisation du volume d’affaires, les business models émergents reposent désormais sur d’autres logiques.
A titre d’exemple, les « plateformes industrielles » s’articulent autour de la mutualisation de données énergétiques du bâtiment, destinées à l’opérateur en charge de l’exploitation d’un bâtiment.
Remise en question des organisations
Pour faire face à ces bouleversements, les entreprises du bâtiment revoient en profondeur leur organisation. En interne, le changement est piloté par l’ « hubérisation » des compétences critiques. Plus précisément, il s’agit d’intégrer de nouvelles expertises par l’intermédiaire de plateformes ouvertes permettant de croiser les connaissances des collaborateurs. « C’est tout l’objet du laboratoire de prospective en développement urbain durable, Phosphore, créé par le géant français Eiffage en 2007. L’équipe pluridisciplinaire issue des différentes branches du groupe est ainsi chargée d’anticiper les besoins de la ville durable à l’horizon 2030 pour nourrir la stratégie de l’entreprise à long terme », commente Thibaud Brejon de Lavergnée.
En externe, les opérateurs auront également tout intérêt à nouer des relations étroites avec des prestataires issus d’univers différents pour se hisser à la hauteur des enjeux de la smart city. Alors que les projets se complexifient, notamment sous l’effet du numérique, aucun acteur ne peut désormais prétendre pouvoir faire cavalier seul.
La concurrence monte d’un cran
Des professionnels issus d’horizons divers se bousculent aux portes du marché pour avoir leur part du gâteau. Parmi eux, les géants du numérique Apple, Google et Amazon pourraient bien intégrer à terme la fourniture d’énergie et de solutions d’efficacité énergétique dans le cadre d’offres globales de domotique ou de gestion technique du bâtiment. Et avec l’essor des outils technologiques, les entreprises de services du numérique (ESN), les éditeurs de logiciels ou encore les spécialistes du Big Data devraient également monter en puissance.
Accusant souvent du retard sur le plan technologique, les acteurs traditionnels sont en effet contraints de faire appel aux services de ce type d’opérateurs pour rendre leurs solutions plus intelligentes ou pour traiter leurs immenses volumes de données.
Les acteurs de l’énergie forment la deuxième catégorie de nouveaux venus. Pour compenser la baisse de la consommation d’énergie de leurs clients, ceux-ci sont toujours plus nombreux à se redéployer dans l’exploitation ou encore la maintenance des bâtiments. En outre, de plus en plus de start-up se positionnent dans les services d’audit, de conseil, de financement ou encore de pilotage de la performance énergétique en faisant valoir leur inventivité et leur agilité.
Les fabricants de nouveaux matériels ne sont pas non plus en reste. Positionnés sur des équipements d’avenir (panneaux photovoltaïques, chaudières à condensation…), ils poussent également les acteurs situés en amont de la filière à innover pour rester dans la course.