Face aux urgences, chaque minute compte. Pourtant, l’accès aux secours médicaux dans les immeubles reste souvent un parcours d’obstacles. Codes, interphones, passes magnétiques ou digicodes ralentissent l’intervention. Et, c’est encore plus vrai pour les médecins de SOS Médecins ou les ambulanciers envoyés par le SAMU. Dans une question ministérielle adressée au ministre de l’Intérieur, le député Jean-Luc Bourgeaux alerte sur la nécessité d’élargir l’usage du système Vigik Plus, déjà promis aux pompiers et au SAMU, à tous les acteurs de l’urgence. Avec le vieillissement de la population et l’augmentation des soins à domicile, la question devient pressante. Comment garantir un accès fluide et sécurisé aux secours médicaux dans les immeubles ?
Sommaire :
- Pourquoi l’accès aux secours médicaux reste difficile dans de nombreux immeubles ?
- Quelles solutions techniques pour faciliter l’entrée des secours médicaux ?
- Comment protéger les personnes âgées face aux retards d’intervention ?
- Quelles évolutions législatives pour améliorer l’accès aux secours médicaux ?
- Sources
Pourquoi l’accès aux secours médicaux reste difficile dans de nombreux immeubles ?
Sur le terrain, la diversité des systèmes complique l’entrée : code, digicode, interphone (avec ou sans caméra), pass magnétique, clés physiques. Cette hétérogénéité crée des goulots d’étranglement.
Le député Jean-Luc Bourgeaux résume l’impasse : « Actuellement, les médecins de SOS Médecins et les ambulanciers envoyés par le SAMU n’ont que peu de moyens pour accéder en cas d’urgence dans les immeubles. »
Faute d’accès garanti pour d’autres acteurs, une partie des demandeurs sollicite les pompiers, même lorsque la situation ne relève pas de leurs missions premières. « Les appels […] se tournent en majorité vers les pompiers même quand cela n’est pas justifié », constate le député. Conséquence : perte de temps pour la victime et tension inutile sur les services d’incendie.
Le rappel est chiffré : d’ici 2035, les 80+ ans augmenteront de 47% et resteront davantage à domicile. Les interventions à domicile vont donc croître mécaniquement. Sans politique d’accès robuste, les délais d’arrivée risquent d’augmenter au détriment du pronostic des patients.
Quelles solutions techniques pour faciliter l’entrée des secours médicaux ?
Vigik Plus : un accès sécurisé et rapide aux immeubles pour les secours
Déployé depuis février 2025, Vigik Plus se présente sous la forme d’une application mobile permettant aux entités autorisées — comme les pompiers ou le SAMU — de gagner un temps précieux lors de leurs interventions. L’installation de ce dispositif relève directement de la responsabilité des gestionnaires d’immeubles. Ces derniers doivent alors prévoir un calendrier d’installation, un budget dédié et un accompagnement technique adapté.

Toutefois, le débat actuel porte sur une extension du système à l’ensemble des services médicaux de secours intervenant 24h/24 et 7j/7, tels que SOS Médecins ou les ambulanciers.
Ici, l’objectif est de fluidifier l’accès aux immeubles collectifs pour tous les professionnels de santé d’urgence, tout en maintenant un haut niveau de sécurité et de traçabilité.
Côté ministère, la DGSCGC a choisi la solution VIGIK® et a signé une convention le 7 février 2024 avec l’association VIGIK®, portée par La Poste et les parties prenantes (bailleurs, industriels, prestataires, utilisateurs). Ce socle commun sécurise la trajectoire technique.
Boîtes à clés codées : la piste immédiate et peu coûteuse
En complément, la réponse ministérielle « préconise aux sociétés de téléassistance de communiquer le code de la boîte à clés aux secours qu’elles sollicitent ». Cette mesure, simple et rapide à déployer, fiabilise l’entrée lorsque la victime ne peut pas ouvrir. Pour aller plus loin, le député suggère un équipement double serrure + boîte à clés à la porte du résident, afin d’atteindre le « 100 % sécurité secours médicaux ».
Bonnes pratiques côté immeubles : gouvernance et mises à jour
Pour garantir l’efficacité du dispositif Vigik Plus, les copropriétés et bailleurs doivent adopter une véritable stratégie de gouvernance des accès. Cela passe d’abord par la centralisation des informations d’entrée et la mise à jour régulière des codes, tout en assurant la traçabilité des modifications grâce à une journalisation précise.
En parallèle, il est essentiel de planifier le rétrofit des lecteurs d’immeubles afin qu’ils soient compatibles avec Vigik Plus. Les gestionnaires doivent également définir une politique d’habilitation claire pour encadrer les droits d’accès aux secours médicaux et organiser une maintenance annuelle.
En appliquant ces bonnes pratiques, on transforme un empilement de dispositifs isolés en une chaîne d’accès cohérente, sécurisée et fiable. Un dispositif qui de plus répond aux exigences croissantes en matière de sécurité des immeubles collectifs.
Comment protéger les personnes âgées face aux retards d’intervention ?
Dans les situations temps-dépendantes – comme un arrêt cardiaque, un AVC ou une détresse respiratoire – chaque minute compte. Or, le temps perdu au pied de l’immeuble peut réduire à néant les efforts de régulation en amont. En cela, réduire l’attente à l’ouverture améliore directement les chances d’une prise en charge dans les délais vitaux.
La boîte à clés reste une solution utile à condition d’être discrète, conforme aux normes et régulièrement auditée. Ce qui nécessite un changement périodique des codes et un suivi des accès via la téléassistance. Quant à l’ouverture par application mobile, elle doit s’appuyer sur des droits d’accès temporaires, un journal détaillé des connexions et une révocation immédiate en cas de perte ou de vol du terminal.
Désormais, le défi consiste à protéger les biens tout en garantissant la fluidité des interventions médicales d’urgence. En outre, cet arbitrage relève des acteurs publics et para-publics, garants d’une conciliation efficace entre sécurité et santé publique.
Quelles évolutions législatives pour améliorer l’accès aux secours médicaux ?
Cadre légal : un accès prioritaire encadré par la loi Matras
Depuis la loi Matras du 25 novembre 2021, l’article L.272-1 du Code de la sécurité intérieure impose aux propriétaires et exploitants d’immeubles d’assurer l’accès aux polices nationales et aux services d’incendie et de secours pour intervenir dans les parties communes. Cette disposition couvre à la fois la lutte contre l’incendie et le secours d’urgence aux personnes.
Cependant, elle n’inclut pas à ce jour les acteurs médicaux privés comme SOS Médecins ou les ambulanciers de transport.
Vers une extension aux acteurs médicaux privés
Le ministère de l’Intérieur ouvre toutefois une perspective : « Une démarche similaire pourrait certainement être initiée par les autres acteurs concourant à la prise en charge de victimes », relevant cette fois du ministère de la Santé. Autrement dit, une extension de Vigik Plus à ces professionnels nécessiterait une coordination interministérielle. Elle serait alors assortie d’un cadre commun d’habilitation, de traçabilité et de responsabilité.
Pour passer de l’idée à l’action, la mise en œuvre pourrait s’articuler en trois temps :
- Équiper les immeubles. Installation de lecteurs compatibles Vigik Plus et adoption de procédures standardisées en cas d’intervention de secours.
- Habiliter les acteurs médicaux. Définir les profils d’accès, leur durée de validité et la supervision des droits accordés.
- Mesurer l’impact. Suivre des indicateurs clés comme le délai porte-à-patient, le taux d’échec d’accès ou encore le volume d’appels redirigés vers les pompiers.
La convention du 7 février 2024 constitue déjà un modèle contractuel solide, assorti d’annexes techniques et d’engagements de service. Il suffirait de l’adapter au secteur de la santé pour sécuriser juridiquement et techniquement l’extension de l’accès aux services médicaux d’urgence.
Sources
- Question écrite n° 3817 — Assemblée nationale, question du 11/02/2025, réponse du 17/06/2025.
- Convention VIGIK® du 07/02/2024.
- Loi n° 2021-1520 du 25 novembre 2021 (Loi Matras).
- Article L.272-1 du Code de la sécurité intérieure.