Cumul CFE et taxe d’habitation : les règles changent pour les bailleurs. Le 3 juin dernier, le gouvernement a clarifié un point fiscal jusqu’alors flou pour les propriétaires de meublés. Deux réponses ministérielles publiées au Journal Officiel lèvent toute ambiguïté. Il est désormais possible d’être assujetti simultanément à la Cotisation Foncière des Entreprises (CFE) et à la taxe d’habitation sur les résidences secondaires (THRS). Cette précision gouvernementale bouleverse la compréhension de la taxe de location meublée et de la fiscalité immobilière. Un tournant pour les investisseurs locatifs, qui doivent revoir leurs calculs de rentabilité. Quelles sont les conditions d’application ? Et, comment optimiser sa fiscalité dans ce nouveau cadre ?
Sommaire :
- Comment fonctionne la taxe de location meublée en France ?
- Quand la taxe de location meublée devient-elle obligatoire ?
- Comment la double taxation s’applique-t-elle selon le gouvernement ?
- Quelles exonérations permettent d’éviter la taxe de location meublée ?
- Quels sont les montants et calculs de la taxe de location meublée ?
- FAQ – Fiscalité de la location meublée
Comment fonctionne la taxe de location meublée en France ?
Les deux composantes de la fiscalité locative
La taxe de location meublée se compose principalement de deux prélèvements distincts définis par le Code général des impôts.
La Cotisation Foncière des Entreprises (CFE) s’applique selon l’article 1447 du CGI, qui stipule que « la cotisation foncière des entreprises est due chaque année par les personnes physiques ou morales, […] qui exercent à titre habituel une activité professionnelle non salariée ». Cette définition englobe explicitement l’activité de location meublée, quelle que soit sa forme (courte ou longue durée) ou la nature du bien loué (résidence principale, secondaire, dépendance).
La Taxe d’Habitation sur les Résidences Secondaires (THRS) complète ce dispositif fiscal selon les articles 1407 et 1408 du CGI. Le texte précise que « la taxe d’habitation sur les résidences secondaires est due pour tous les locaux meublés conformément à leur destination d’habitation autre qu’à titre principal, y compris lorsqu’ils sont imposables à la cotisation foncière des entreprises ». Cette formulation confirme ainsi la possibilité de cumul entre les deux taxes de location meublée.
La jurisprudence et les clarifications récentes
Les réponses gouvernementales du 3 juin 2024 s’appuient sur l’arrêt du Conseil d’État du 15 juin 2023 pour trancher définitivement la question du cumul. En effet, cette décision judiciaire établit que « lorsqu’au cours de l’année, des locaux sont mis en location pour de courtes durées et pour des périodes qu’il est loisible au propriétaire d’accepter ou de refuser, ce dernier est regardé, au 1er janvier de l’année d’imposition, comme entendant en conserver la jouissance ou la disposition ».
Baptiste Bochart, juriste pour Jedeclaremonmeuble.com, explique : « À ce sujet, il est capital de comprendre que ce n’est pas l’usage effectif du bien qui déclenche l’assujettissement à cette taxe, mais la seule possibilité de s’y rendre. En pratique, et à l’exception d’autres cas spécifiques d’exonération, le seul moyen de ne pas être redevable de cette taxe en location de courte durée est de conclure un mandat de gestion exclusif avec une agence ».
Quand la taxe de location meublée devient-elle obligatoire ?
Les critères d’assujettissement à la CFE
La CFE s’impose automatiquement pour chaque bien mis en location meublée selon des critères précis établis par la DGFiP. L’activité de location meublée, par sa nature même, constitue l’exercice habituel d’une activité professionnelle non salariée. Cette qualification s’applique indépendamment du statut du loueur (LMNP ou LMP) et du type de location (courte durée via plateformes ou location traditionnelle).
Par ailleurs, la taxe de location meublée CFE se calcule pour chaque bien individuellement. Ce qui signifie qu’un propriétaire possédant plusieurs biens locatifs sera redevable de la CFE pour chacun d’eux. Or, cette règle contraste avec d’autres taxes professionnelles qui peuvent être calculées globalement sur l’ensemble de l’activité.
Les conditions d’application de la THRS
La THRS s’applique selon des critères différents, mais complémentaires. Elle vise tous les logements meublés autres que la résidence principale. Elle est calculée pour l’année entière au titre des logements dont les propriétaires ont la libre disposition ou la jouissance au 1er janvier de l’année d’imposition.
Cette notion de “jouissance” soulève de nombreuses interrogations chez les loueurs de meublés de tourisme. Puisque la simple possibilité théorique de se rendre dans le bien suffit à déclencher l’assujettissement. Et, cela, même si le propriétaire ne l’utilise jamais personnellement. Cette interprétation extensive explique pourquoi la plupart des locations de courte durée sont soumises à cette taxe de location meublée.
Comment la double taxation s’applique-t-elle selon le gouvernement ?
La position officielle sur le cumul
Les réponses gouvernementales du 3 juin 2024 publiées au Journal Officiel tranchent définitivement la controverse.
Ainsi, le gouvernement confirme que « un logement meublé, loué et qui ne constitue pas la résidence principale du contribuable est imposable à la fois à la CFE et à la THRS ».
Cette position met fin aux incertitudes juridiques qui prévalaient auparavant. Elle repose sur une distinction fondamentale. La CFE taxe l’activité professionnelle de location, tandis que la THRS taxe la détention d’un bien immobilier meublé secondaire. Les deux taxes ayant des fondements juridiques différents, leur cumul devient logiquement possible.
L’impact sur les stratégies d’investissement
Cette double taxation de location meublée modifie significativement les calculs de rentabilité locative. Les propriétaires doivent désormais intégrer ces deux postes de charges dans leurs prévisions financières. Toutefois, l’impact varie selon la localisation du bien, les taux communaux appliqués et le niveau de chiffre d’affaires généré.
Notons que les plateformes de location de courte durée sont particulièrement concernées par cette évolution réglementaire. L’activité saisonnière via ces plateformes entraîne automatiquement l’imposition à la THRS, tout en restant soumise à la CFE en tant qu’activité professionnelle habituelle.
Quelles exonérations permettent d’éviter la taxe de location meublée ?
Les cas d’exonération de la CFE
Plusieurs situations permettent d’échapper à la CFE selon les dispositions légales en vigueur. L’exonération principale concerne les activités générant moins de 5 000 € de chiffre d’affaires annuel. Ce seuil constitue une protection pour les petits loueurs occasionnels qui ne développent pas une véritable activité commerciale.
Les biens faisant partie de l’habitation principale du bailleur bénéficient également d’une exonération automatique. Cependant, les collectivités locales conservent la possibilité de remettre en cause cette exonération par délibération. Ce qui peut créer des disparités territoriales dans l’application de cette taxe de location meublée.
Les stratégies d’évitement de la THRS
L’exonération de THRS nécessite de démontrer l’impossibilité absolue de jouir du bien. Cette preuve s’établit par la production annuelle de plusieurs documents pour chaque bien loué :
- la déclaration de mise en location meublée auprès de la commune,
- un décompte détaillé des jours de location sur chaque plateforme utilisée,
- un mandat de gestion exclusif signé avant le début de l’année d’imposition.
Le mandat de gestion exclusif constitue l’élément déterminant pour éviter cette taxe de location meublée. Il doit prouver que le propriétaire s’est volontairement privé de la possibilité d’utiliser son bien avant même le début de l’année fiscale. Cette anticipation exclut les mandats signés en cours d’année, même si le bien n’a jamais été utilisé personnellement.
Les zones France ruralités revitalisation (FRR)
Les zones FRR, entrées en vigueur le 1er juillet 2024, offrent des opportunités d’exonération pour les deux taxes. En effet, les collectivités locales peuvent décider d’exonérer de CFE les nouvelles activités créées sur leur territoire. Cela comprend la location de meublés de tourisme, mais exclusivement sous statut LMP ou relevant du régime para-hôtelier.
Pour la THRS, ces zones permettent d’exonérer les meublés de tourisme classés et les chambres d’hôtes, à proportion de la superficie utilisée pour l’activité touristique. Cette exonération s’applique par délibération communale et exclut les locaux à usage mixte (personnel et professionnel).
Quels sont les montants et calculs de la taxe de location meublée ?
Le calcul de la CFE
La CFE se calcule selon une formule précise intégrant trois variables principales issues de l’année N-2 (2023 pour l’imposition 2025). La valeur locative du bien au 1er janvier constitue la base de calcul principal. Cette valeur est déterminée par l’administration fiscale. Elle reflète le loyer théorique que pourrait générer le bien dans des conditions normales de marché.
Le taux communal variable s’applique ensuite à cette base. Ainsi, le taux moyen de CFE appliqué par les communes françaises s’élève à 26,86% en 2024. Toutefois, cette moyenne masque d’importantes disparités territoriales. Car certaines communes appliquent des taux supérieurs à 40%.
La détermination de la THRS
La THRS se calcule sur la base de la valeur locative cadastrale de l’habitation et de ses dépendances, en appliquant les taux votés par les collectivités locales. Cette taxe de location meublée utilise les mêmes bases cadastrales que l’ancienne taxe d’habitation. Cependant, elle applique des taux spécifiquement définis pour les résidences secondaires.
Le montant varie considérablement selon la localisation du bien. Les communes touristiques appliquent généralement des taux plus élevés pour compenser les coûts d’infrastructure et de services liés à l’afflux saisonnier. Cette taxation différenciée reflète ainsi la politique locale d’encadrement du tourisme et de l’habitat.
L’optimisation fiscale possible
Les collectivités locales conservent une marge d’appréciation dans la fixation du montant minimum de CFE. Le texte gouvernemental rappelle qu’elles peuvent ajuster cette cotisation pour qu’elle soit « proportionnée aux capacités contributives des redevables ». Cette flexibilité permet des négociations locales, particulièrement dans les zones où l’activité touristique constitue un enjeu économique majeur.
La CFE présente l’avantage d’être déductible fiscalement dans le cadre du régime réel de la location meublée, contrairement à la THRS qui constitue une charge personnelle non déductible. Cette différence de traitement fiscal atténue partiellement l’impact de la CFE sur la rentabilité nette de l’investissement locatif.
FAQ – Fiscalité de la location meublée
Peut-on cumuler CFE et THRS sur un même bien ?
Oui, selon les réponses gouvernementales du 3 juin 2024. Un logement meublé loué qui ne constitue pas la résidence principale est imposable aux deux taxes simultanément. Cette double taxation s’explique par des fondements juridiques différents. Puisque la CFE taxe l’activité professionnelle alors que la THRS taxe la détention immobilière.
Comment éviter la taxe d’habitation en location de courte durée ?
La seule solution fiable consiste à conclure un mandat de gestion exclusif avec une agence avant le 1er janvier de l’année d’imposition. Ce mandat doit prouver que le propriétaire s’est privé de la possibilité d’utiliser son bien. Les autres justificatifs (déclarations communales, décomptes de location) restent insuffisants seuls.
Quel est le seuil d’exonération de CFE en location meublée ?
Les loueurs réalisant moins de 5 000 € de chiffre d’affaires annuel bénéficient d’une exonération automatique de CFE. Ce seuil concerne l’ensemble de l’activité de location meublée, tous biens confondus. Au-delà, la CFE s’applique avec un montant minimum de 243 € en 2025.
Les zones rurales offrent-elles des avantages fiscaux ?
Les zones “France ruralités revitalisation” (FRR) permettent aux collectivités d’exonérer les nouvelles activités de location meublée sous certaines conditions. Pour la CFE, seuls les statuts LMP et para-hôtellerie sont éligibles. Pour la THRS, les meublés classés et chambres d’hôtes peuvent être exonérés proportionnellement.
La CFE est-elle déductible des revenus locatifs ?
Oui, la CFE constitue une charge déductible dans le cadre du régime réel de la location meublée. Elle réduit donc l’assiette imposable des revenus fonciers. En revanche, la THRS n’est pas déductible, car elle ne se rattache pas directement à l’activité locative, mais à la détention patrimoniale.