Face à une chute spectaculaire des ventes et à une concurrence étrangère féroce, la filière française de la pompe à chaleur vacille. Une récente étude de Xerfi dresse un état alarmant d’un marché en tension, plombé par la crise du logement neuf et l’instabilité des aides publiques. En parallèle, un nouveau bonus annoncé par l’État tente de redonner un souffle à ce secteur stratégique pour la transition énergétique. Ce contraste soulève une question essentielle : les aides publiques suffiront-elles à sauver la pompe à chaleur et à relancer la production française face à l’offensive asiatique ? L’article analyse les causes de cette crise, les solutions envisagées et les perspectives d’un redressement annoncé, mais incertain.
Sommaire :
- Pourquoi le marché des pompes à chaleur est-il en crise ?
- Quelles sont les mesures de l’État pour relancer la pompe à chaleur ?
- La filière française de la pompe à chaleur peut-elle se réinventer ?
À retenir – L’avenir de la pompe à chaleur en France
- Le marché des pompes à chaleur a chuté de 12% en 2024 selon Xerfi.
- Les fabricants français subissent une forte concurrence asiatique.
- L’État introduit un bonus temporaire jusqu’à 6 000 € pour stimuler les ventes.
- La réglementation RE 2020 favorise l’usage de la pompe à chaleur dans le neuf.
- Les objectifs de production nationale à 1 million d’unités en 2027 semblent inatteignables.
Pourquoi le marché des pompes à chaleur est-il en crise ?
Une chute brutale des ventes
Le marché français de la pompe à chaleur a reculé de 12% en 2024. Il atteint à peine 1,2 million d’unités vendues, selon l’étude « Le marché des pompes à chaleur – Cartographie des acteurs » publiée par Xerfi. Ce recul est particulièrement marqué sur le segment air/eau. Alors qu’il constitue l’essentiel de l’activité des fabricants français, avec une baisse dramatique de 40%.
Ce ralentissement s’explique principalement par la crise du logement neuf, liée à la hausse des taux d’intérêt et à la raréfaction des permis de construire. À cela s’ajoute une atonie du marché de la rénovation énergétique, autrefois moteur des ventes de pompes à chaleur.
« En 2024, la baisse des ventes de pompes à chaleur n’est pas conjoncturelle, elle est structurelle. Elle reflète une triple fragilité : marché du neuf en berne, instabilité des aides et manque de visibilité industrielle. » — Damien Callet, auteur de l’étude Xerfi.
Une réglementation instable
En outre, l’instabilité du cadre réglementaire constitue un frein majeur. Les changements fréquents dans les dispositifs MaPrimeRénov’ et les CEE rendent la planification impossible pour les professionnels.
« L’instabilité réglementaire décourage les professionnels comme les consommateurs. Or, la pompe à chaleur est une solution de long terme qui a besoin de confiance pour s’imposer. » — Damien Callet
Une concurrence asiatique écrasante
Le marché français est également sous pression des importations asiatiques. Notons que 30 à 40% des pompes à chaleur vendues proviennent de groupes comme Daikin, Midea ou Mitsubishi. Ceux-ci renforcent leur production en Europe de l’Est pour contourner désormais les risques de mesures protectionnistes.
Quelles sont les mesures de l’État pour relancer la pompe à chaleur ?
Un bonus temporaire en octobre 2025
Pour enrayer la crise, l’État met en place un nouveau bonus dès le 1er octobre 2025. Ce bonus temporaire vise à accélérer la transition énergétique dans les foyers français. Ainsi, il prévoit jusqu’à 6 000 € d’aide pour les ménages modestes et 2 800 € pour les autres ménages. Toutefois, l’octroi reste soumis à des conditions de ressources et au remplacement d’un ancien système de chauffage au fioul, au gaz ou au charbon.
Ce bonus s’intègre dans le dispositif « Coup de pouce Chauffage », rattaché aux Certificats d’Économies d’Énergie (CEE). Il peut se cumuler avec MaPrimeRénov’, qui finance déjà une grande partie des travaux de rénovation énergétique et dont les plafonds ont été revalorisés pour 2025. Pour les foyers très modestes, la prise en charge peut atteindre jusqu’à 90% du coût total des travaux. Selon l’opérateur choisi (collectivités, fournisseurs d’énergie ou plateformes partenaires), le versement prend la forme soit d’une réduction immédiate sur la facture, soit d’un remboursement après les travaux.
Ce soutien s’applique aux installations engagées avant le 31 décembre 2025 et achevées avant le 31 décembre 2026. Il vise à maintenir l’activité des installateurs, à encourager la substitution énergétique dans les logements anciens et à améliorer les performances énergétiques globales du parc immobilier résidentiel.
Des critères de performance renforcés
Deux fiches CEE révisées fixent désormais une efficacité énergétique saisonnière (ETAS) minimale de 111% pour les applications à moyenne ou haute température, et de 126% pour les basses températures. Ces seuils éliminent progressivement du marché les équipements peu performants et orientent les consommateurs vers des solutions réellement écologiques. Les pompes à chaleur concernées incluent les modèles air/eau, géothermiques et hybrides.
L’Agence de la transition écologique (ADEME) soutient cette orientation. Elle estime que seuls les équipements qui dépassent ces seuils peuvent contribuer efficacement à l’objectif de neutralité carbone fixé pour 2050. Ces nouvelles exigences s’appliqueront aussi bien aux logements collectifs qu’au secteur tertiaire.
Une stratégie de décarbonation du bâtiment
Ce plan d’action s’inscrit dans la stratégie nationale de transition énergétique. Il s’aligne sur les objectifs de la RE 2020, qui impose une réduction significative de l’empreinte carbone des bâtiments neufs. En misant sur la pompe à chaleur, l’État cherche à remplacer progressivement les anciens systèmes de chauffage fossiles — chaudières au fioul, au gaz ou au charbon — par des technologies plus propres et à haut rendement écologique.
Cette démarche de sobriété énergétique poursuit plusieurs buts. D’une part, elle vise à améliorer les performances thermiques globales des bâtiments. D’autre part, elle cherche à réduire durablement les factures des ménages et à contribuer à l’atteinte des objectifs climatiques fixés au niveau français et européen.
La filière française de la pompe à chaleur peut-elle se réinventer ?
Un tissu industriel fragmenté
La filière française de la pompe à chaleur s’appuie sur un maillage de plus de trente fabricants, allant des grands groupes aux PME spécialisées. Cette diversité crée une fragmentation qui limite la capacité du secteur à lancer des projets d’envergure et à rivaliser avec les géants étrangers sur les volumes. Seules quelques entreprises disposent d’une taille critique, comme le groupe Atlantic, leader sur le segment résidentiel, ou Intuis, acteur majeur du marché tertiaire et collectif.
D’autres fabricants choisissent de se spécialiser pour se démarquer :
- Lemasson se positionne ainsi sur la géothermie,
- Frisquet développe des solutions hybrides combinant chaudière et PAC,
- tandis que Thereco se concentre sur les équipements destinés aux bâtiments tertiaires.
Ce positionnement différencié leur permet d’éviter la guerre des prix sur les modèles standards. Toutefois, il limite leur capacité à répondre à la demande de masse. Dans l’ensemble, ce tissu industriel reste marqué par un manque d’industrialisation à grande échelle, de mutualisation de la R&D et d’investissements coordonnés. La filière souffre aussi d’un déficit de visibilité sur la politique industrielle française en matière d’équipements thermiques durables.
Une opportunité avec la RE 2020
Depuis janvier 2025, la RE 2020 fixe de nouveaux standards de performance énergétique pour les bâtiments neufs. Elle concerne notamment le logement collectif, les bureaux et les établissements publics. Cette réglementation impose une réduction drastique des consommations d’énergie primaire et des émissions de gaz à effet de serre. Elle rend ainsi l’usage des chaudières à gaz de plus en plus marginal.
Dans ce nouveau cadre réglementaire, la pompe à chaleur s’impose comme la solution privilégiée. Elle répond aux critères de confort thermique tout en réduisant significativement les émissions de CO2. Elle devient particulièrement incontournable dans les logements sociaux et les programmes immobiliers soumis à des critères environnementaux renforcés.
Cette évolution offre une opportunité aux industriels français. Pour en profiter, ils doivent moderniser leurs chaînes de production, innover pour améliorer le rendement de leurs équipements et renforcer leur réseau de distribution auprès des promoteurs et des bailleurs sociaux.
Une relocalisation freinée
Malgré les annonces politiques ambitieuses en faveur de la souveraineté énergétique, la France peine à relocaliser la production de pompes à chaleur. En 2024, les usines françaises n’ont produit que 350 000 unités, un chiffre très éloigné de l’objectif d’un million fixé pour 2027.
Plusieurs freins expliquent ce retard. Les coûts de production restent élevés. La main-d’œuvre qualifiée fait défaut. Le secteur dépend encore largement de composants importés. Enfin, les incitations fiscales manquent de stabilité. Dans ces conditions, de nombreux acteurs jugent l’investissement industriel massif trop risqué, et certaines entreprises envisagent même de réduire leur présence en France.
« À horizon 2027, produire un million de pompes à chaleur par an en France est un objectif aujourd’hui hors de portée. Il manque une stratégie industrielle coordonnée et des investissements massifs », alerte Damien Callet, analyste chez Xerfi.