La Cour de cassation, dans son avis du 12 décembre 2024 (Pourvoi n° 24-70.007), a clarifié les exigences relatives à la procédure de mise en demeure pour le recouvrement des charges de copropriété. Cette décision, issue d’une demande du tribunal judiciaire de Marseille, précise les mentions obligatoires que doit contenir une mise en demeure adressée à un copropriétaire défaillant. L’enjeu est majeur. En effet, une omission ou une imprécision dans ce document peut entraîner l’irrecevabilité de la demande de paiement devant le tribunal. Décryptage des obligations légales et des conséquences pour les syndics et copropriétaires concernés.
Sommaire :
- L’encadrement légal de la mise en demeure en copropriété
- Le contenu obligatoire de la mise en demeure
- Les conséquences d’une mise en demeure non conforme
- Les précautions à prendre pour éviter les litiges
L’encadrement légal de la mise en demeure en copropriété
L’évolution législative de l’article 19-2 de la loi du 10 juillet 1965
Depuis sa création, l’article 19-2 de la loi du 10 juillet 1965 a connu plusieurs modifications destinées à accélérer le recouvrement des charges impayées. Initialement, cette disposition permettait uniquement d’exiger le paiement des provisions prévues au budget prévisionnel de l’année en cours. Toutefois, face aux difficultés rencontrées par les syndicats de copropriétaires, plusieurs réformes ont élargi son champ d’application.
Avec la loi ALUR de 2014, la procédure de recouvrement a été étendue aux cotisations du fonds travaux. Puis, la loi ELAN de 2018 a introduit une nouveauté majeure en incluant les arriérés de charges des exercices précédents. Ce qui permet ainsi aux syndics de réclamer des sommes impayées plus anciennes. Enfin, l’ordonnance de 2019 a transféré la compétence du recouvrement au président du tribunal judiciaire, statuant selon la procédure accélérée au fond.
Une procédure strictement définie
L’avis de la Cour de cassation du 12 décembre 2024 (Pourvoi n° 24-70.007) insiste sur le fait que l’application de l’article 19-2 repose sur des règles strictes. Lorsqu’un copropriétaire ne règle pas une provision à la date d’exigibilité, le syndic doit impérativement lui adresser une mise en demeure. Or, ce n’est qu’à l’issue d’un délai de 30 jours que le syndic peut engager une action en justice.
Cependant, pour que cette procédure soit valable, encore faut-il que la mise en demeure en copropriété soit rédigée avec précision. Faute de quoi elle pourra être contestée et jugée irrecevable.
Le contenu obligatoire de la mise en demeure en copropriété
Une distinction essentielle entre provisions et charges échues
L’un des points les plus importants abordés par la Cour de cassation concerne la différence entre provisions exigibles et charges échues.
Le rapport de Mme Schmitt insiste sur ce point : “La mise en demeure visée par l’article 19-2 de la loi du 10 juillet 1965 doit distinguer les provisions dues au titre de l’article 14-1 de la même loi, des charges échues impayées des exercices antérieurs.”
En d’autres termes, seules les provisions prévues au budget prévisionnel peuvent faire l’objet d’une mise en demeure valable. Toute tentative d’y ajouter des charges impayées des années antérieures rend la demande judiciaire irrecevable.
Des mentions précises sous peine d’irrecevabilité
Au-delà de cette distinction, la mise en demeure doit comporter des informations précises. À cet effet, la Cour de cassation exige d’indiquer le montant exact de la somme réclamée ainsi que la nature des charges concernées. Toute omission peut entraîner un rejet de la demande.
Les conséquences d’une mise en demeure non conforme
L’irrecevabilité de la demande de recouvrement
Une mise en demeure en copropriété mal rédigée expose ainsi le syndic à un risque majeur. C’est-à-dire le rejet pur et simple de sa demande par le tribunal. D’ailleurs, plusieurs décisions récentes de cours d’appel ont confirmé cette position. En cela, elles ont jugé qu’une mise en demeure mentionnant uniquement un arriéré global sans détail précis ne pouvait pas fonder une action en recouvrement. Citons l’exemple d’un arrêt de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence de décembre 2023, où une action en recouvrement de charges a été déclarée irrecevable en raison de l’imprécision de la mise en demeure.
Or, cette sanction a des conséquences importantes pour la copropriété. Parce qu’elle oblige le syndic à relancer toute la procédure, occasionnant une perte de temps et des coûts supplémentaires.
Un impact financier pour la copropriété
Lorsqu’un syndic ne parvient pas à recouvrer les charges impayées, la copropriété doit supporter un déficit budgétaire. Cela peut entraîner des hausses de charges pour les autres copropriétaires et, dans certains cas, le report de travaux nécessaires.
Les précautions à prendre pour éviter les litiges
Les bonnes pratiques pour les syndics
Pour éviter tout rejet de leur demande, les syndics doivent veiller à bien distinguer les sommes réclamées, en mentionnant uniquement les provisions exigibles. De plus, la mise en demeure en copropriété doit être envoyée par courrier recommandé avec accusé de réception. Et, cela, afin de prouver sa réception par le copropriétaire concerné.
Il est également essentiel de respecter scrupuleusement le délai de 30 jours avant toute action judiciaire.
Les recours possibles pour les copropriétaires
Quant aux copropriétaires, ils doivent vérifier la conformité de la mise en demeure qui leur est adressée. Si celle-ci ne respecte pas les exigences légales, ils peuvent contester la demande du syndic devant le tribunal. Dans certains cas, il est également possible de demander un échéancier de paiement, afin d’éviter d’être poursuivi pour impayés.
Conclusion
L’avis de la Cour de cassation du 12 décembre 2024 marque un tournant important dans la gestion des charges de copropriété. En imposant une rédaction stricte et précise des mises en demeure en copropriété, il vise à sécuriser les procédures de recouvrement tout en protégeant les droits des copropriétaires.
Les syndics doivent donc redoubler de vigilance pour éviter l’irrecevabilité de leurs demandes. Quant aux copropriétaires, ils doivent être attentifs aux mentions contenues dans la mise en demeure. Et, le cas échéant, faire valoir leurs droits devant la justice.