Depuis le 1er janvier 2025, la loi Climat et résilience interdit la mise en location des logements classés G, les plus énergivores. Pourtant, une récente étude de SeLoger, plateforme de référence dans l’immobilier, montre que la réglementation peine à être respectée, notamment à Paris. Puisque 35 % des annonces ne mentionnent pas le DPE et 4,7 % concernent encore des logements interdits à la location. Pourquoi cette loi rencontre-t-elle des obstacles dans son application ? Quels en sont les impacts réels sur le marché immobilier ? Décryptage.
Sommaire :
- Impact de la loi Climat et résilience sur le marché locatif
- Pourquoi la loi Climat et résilience est-elle difficile à appliquer ?
- Paris, l’exception qui confirme la règle
- Quelles perspectives pour le marché immobilier ?
Impact de la loi Climat et résilience sur le marché locatif
La loi Climat et résilience, adoptée en 2021, vise à réduire la consommation énergétique des logements en interdisant progressivement la location des passoires thermiques. Après l’interdiction des logements classés G en 2025, les logements classés F suivront en 2028.
Selon SeLoger, cette loi a déjà provoqué des changements notables :
- En 2024, les mises en location de logements classés G ont chuté de -16 %.
- En parallèle, les logements mieux classés (A à F) ont connu une hausse de +11 % des mises en location.
Thomas Lefebvre, Vice-Président data de SeLoger, explique : “Nous constatons sur SeLoger une baisse significative de l’offre de biens G à la location, ce qui montre que la loi commence à porter ses fruits. Cependant, il reste des interrogations. Ces biens sont-ils rénovés, comme le prévoit la loi, ou simplement retirés du marché locatif ?”

Malgré cette dynamique, 2,3 % des annonces concernent encore des biens classés G, preuve que l’application de la loi n’est pas encore complète.
Pourquoi la loi Climat et résilience est-elle difficile à appliquer ?
Si la loi Climat et résilience a entraîné une prise de conscience, plusieurs obstacles freinent encore son application.
Des rénovations coûteuses et incertaines
Les travaux de rénovation énergétique sont souvent onéreux. En France, 2,44 millions de logements ont été rénovés entre 2020 et 2024, mais de nombreux propriétaires restent réticents à investir.
Certains propriétaires, notamment ceux ayant des revenus modestes, n’ont pas les moyens financiers de réaliser ces travaux. Malgré l’existence d’aides publiques comme MaPrimeRénov’, ces dispositifs sont jugés insuffisants ou complexes.
Un marché locatif sous tension
Dans des villes où la demande locative est forte, comme Paris, Lyon ou Bordeaux, de nombreux propriétaires privilégient la rentabilité à la conformité légale.
“Le marché locatif est déjà en tension. Dans certaines villes, les propriétaires savent que leur bien trouvera preneur, même s’il est classé G. Ils prennent alors le risque d’enfreindre la loi”, explique Thomas Lefebvre.
En effet, les locataires, faute de choix, acceptent souvent des logements non conformes, même s’ils sont énergivores et coûteux en chauffage.
Une possible dissimulation des passoires thermiques
Un phénomène inquiétant accompagne l’entrée en vigueur de la loi : la hausse des annonces sans DPE.
En effet, l’étude de SeLoger indique une hausse de 57 % des annonces sans DPE par rapport à l’année précédente. Ainsi, certains propriétaires préfèrent ne pas indiquer le DPE plutôt que de déclarer un logement en infraction.
Paris, l’exception qui confirme la règle
Paris est la ville où la loi Climat et résilience peine le plus à s’imposer. Contrairement au reste de la France, où les mises en location de biens G ont chuté, à Paris, elles ont augmenté de 13 % en 2024.
Pourquoi ?
- Un parc immobilier très ancien, difficile à rénover.
- Une très forte demande locative, qui pousse certains propriétaires à ne pas respecter la loi.
“À Paris, les logements G ne disparaissent pas du marché, bien au contraire. Cela s’explique par la rareté des biens disponibles et l’absence d’alternative pour les locataires”, analyse Thomas Lefebvre.
Quelles perspectives pour le marché immobilier ?
Face à ces difficultés, plusieurs pistes sont envisagées.
Des sanctions plus strictes pour les propriétaires en infraction
L’un des principaux freins à l’application de la loi est le manque de contrôles et de sanctions réellement dissuasives. Actuellement, un propriétaire qui loue un logement non conforme s’expose à des sanctions. Mais, celles-ci restent limitées en comparaison des gains qu’il peut réaliser en contournant la loi.
Toutefois, ces sanctions sont rarement appliquées, notamment par manque de moyens de contrôle. Aujourd’hui, il n’existe pas d’autorité dédiée pour surveiller systématiquement les annonces immobilières.
Comment renforcer les contrôles ?
- Création d’une autorité de régulation du DPE, chargée de vérifier les annonces en ligne et les contrats de bail.
- Mise en place d’une plateforme de signalement pour permettre aux locataires de dénoncer un logement non conforme.
- Amendes automatiques en cas de non-respect du DPE, avec un système de pénalité progressive.
Certains experts suggèrent aussi que les frais de rénovation puissent être automatiquement imputés aux propriétaires en infraction, sous forme de retrait sur les revenus locatifs.
“L’application de la loi repose sur un cadre de sanctions clair, mais encore trop peu appliqué. Tant qu’il n’y aura pas de contrôles renforcés et d’amendes réellement dissuasives, certains propriétaires continueront à contourner la réglementation”, estime Thomas Lefebvre, Vice-Président data de SeLoger.
Un accompagnement renforcé pour la rénovation
Si certains propriétaires ne respectent pas la loi, c’est parfois par manque de moyens financiers ou d’informations sur les aides disponibles. Aujourd’hui, plusieurs dispositifs existent pour soutenir la rénovation énergétique des logements :
Toutefois, ces aides sont souvent jugées complexes à obtenir : les délais sont longs, et les critères d’éligibilité varient d’une région à l’autre.
Quelles sont les pistes d’amélioration ?
- Simplifier les démarches administratives pour l’obtention des aides.
- Accroître les plafonds de financement pour permettre aux propriétaires de réaliser des rénovations complètes.
- Proposer un accompagnement personnalisé via des conseillers en rénovation énergétique financés par l’État.
- Créer un fonds de rénovation dédié aux petits propriétaires, avec des subventions automatiques pour les travaux essentiels (isolation, chauffage, fenêtres).
“Si l’on veut que la loi Climat et résilience soit appliquée, il faut donner aux propriétaires les moyens de rénover leurs logements. Aujourd’hui, trop d’entre eux se retrouvent bloqués par des démarches administratives complexes et des financements insuffisants”, souligne Thomas Lefebvre.
Un autre levier serait d’inciter les banques à proposer des prêts à taux ultra-réduits pour financer les travaux, remboursables sur plusieurs années.
Une adaptation de la loi face aux réalités du marché
Si la loi Climat et résilience part d’un objectif louable, sa mise en application brutale pourrait aggraver la crise du logement dans certaines zones tendues. En particulier à Paris, où la pénurie de logements est déjà forte. Parce que le retrait de milliers de biens classés G du marché pourrait avoir des conséquences économiques et sociales majeures.
Problèmes posés par l’interdiction brutale des passoires thermiques :
- Réduction de l’offre locative, augmentant encore la tension sur les loyers.
- Expulsion de locataires précaires, contraints de quitter leur logement sans alternative.
- Risque de voir émerger un marché noir du logement, avec des locations non déclarées.
C’est pourquoi, certains experts proposent d’adapter la loi en assouplissant certains délais.
Thomas Lefebvre met en garde contre un excès de rigidité : “Le but n’est pas de retirer massivement des logements du marché, mais d’encourager leur rénovation. Si la loi n’est pas adaptée à la réalité du marché, elle risque d’avoir des effets pervers.”
D’autres experts suggèrent que les propriétaires qui s’engagent à réaliser des travaux dans les 5 ans puissent bénéficier d’un moratoire temporaire, leur permettant de continuer à louer sous conditions.
Conclusion
La loi Climat et résilience marque un tournant dans la lutte contre les passoires thermiques. Si elle a permis une réduction du nombre de logements classés G en location, son application reste inégale, notamment à Paris, où les contraintes du marché rendent son respect plus difficile. Des solutions existent, mais elles nécessitent un engagement plus fort de l’État et une adaptation des mesures aux réalités du terrain. Un équilibre doit être trouvé entre lutte contre les passoires thermiques et préservation du marché locatif. L’avenir de la loi dépendra donc de sa capacité à s’adapter et à offrir aux propriétaires des alternatives viables pour rendre le parc immobilier plus écologique sans précipiter une crise du logement.