L’Institut national d’études démographiques (Ined) dans une étude publiée le 8 décembre 2016 met l’accent sur une évolution rapide des modes de vie vers davantage d’autonomie des personnes très âgées. En 2011, 7 personnes âgées de 85 ans et plus sur 10 vieillissent chez elles, seules ou en couple. Cette plus forte autonomie résidentielle s’observe dans tous les départements français.
Dans une étude intitulée « Habiter seul ou avec des proches après 85 ans en France : de fortes disparités selon les départements », Loïc Trabut et Joëlle Gaymu examinent les évolutions des situations résidentielles des personnes âgées de 85 ans et plus à l’échelon départemental et s’interrogent sur la persistance ou non des disparités territoriales.
Davantage d’autonomie résidentielle
La cohabitation avec des proches, des enfants la plupart du temps (63% des cas en 2011), tend à être moins fréquente depuis quelques décennies. Entre 1982 et 2011, la proportion de personnes âgées de 85 ans et plus ayant opté pour ce mode de vie a été divisée par près de 3, passant de 31 % à 11 %.
Autre signe de l’accroissement de l’autonomie résidentielle, l’hébergement en maison de retraite a également reculé au début de la vieillesse et est demeuré stable passé 85 ans (20%) ; l’entrée a lieu de plus en plus tardivement, soit en moyenne à 84 ans et 5 mois en 2011, contre 82 ans en 1994.
En 2011, rester chez soi, seul ou en couple, est le mode de vie de 7 personnes âgées de 85 ans et plus sur 10. Les femmes connaissent moins souvent cette situation que les hommes (65% contre 79%) et passent plus fréquemment qu’eux la fin de leur existence en institution ou avec des membres de leur famille. Le soutien mutuel des époux jouant un rôle central dans le maintien à domicile, leur plus fort veuvage contribue à expliquer ces différences. Les femmes vieillissent à domicile majoritairement seules (54 % contre 28 % des hommes).
La croissance de l’autonomie résidentielle aux grands âges est observée partout en Europe. Elle s’explique notamment par le plus fort désir d’indépendance des différentes générations, l’amélioration de la situation économique des personnes âgées et le développement des politiques de prise en charge de la perte d’autonomie. Toutefois, l’isolement résidentiel et l’institutionnalisation sont plus fréquents dans les pays d’Europe du Nord, la cohabitation multigénérationnelle est l’apanage de ceux d’Europe du Sud.
Les contrastes entre départements restent marqués
Corésider avec des proches durant la vieillesse est un mode de vie fortement ancré territorialement. Avec des proportions de l’ordre de 28%, ce mode de vie est largement privilégié en Corse. Les départements d’un large Sud-Ouest, où les proportions sont supérieures à 15%, constituent aussi des zones où la cohabitation multigénérationnelle est plus répandue qu’ailleurs. Ce mode de vie est deux à trois fois plus fréquent dans le Gers, le Tarn-et-Garonne, les Landes, l’Ariège ou le Cantal que dans de nombreux départements plus septentrionaux (Loir-et-Cher, Mayenne, Sarthe,…).
Le recours à l’institution varie également beaucoup selon les départements. C’est à Paris et dans la région parisienne, en Corse, sur le pourtour méditerranéen, et dans la région Nord que ce mode d’hébergement est le moins diffusé, les proportions y étant parfois très inférieures à 10%.
La proportion de personnes âgées de 85 ans et plus habitant seules est de l’ordre de 55% dans le Nord, la Seine-Maritime ou la Marne, la capitale détenant le record : à ces âges, près de 6 Parisiens sur 10 vivent seuls.
Si, dans l’esprit collectif, le grand âge est souvent associé à des problèmes de santé et de prise en charge, cette période de la vie est devenue, au fil du temps, de plus en plus souvent synonyme d’autonomie résidentielle. Malgré une tendance à l’homogénéisation territoriale, les contrastes géographiques restent toutefois marqués, notamment du fait des politiques et de la nature de l’implication familiale.
Ainsi, le sud de la France se singularise toujours par un recours plus fréquent à la cohabitation multigénérationnelle alors que ce mode de vie est partout ailleurs en net recul. Demain, les personnes très âgées devraient pouvoir vivre plus longtemps encore chez elles à condition toutefois que la famille, premier pourvoyeur d’aide, ne se démobilise pas, et que les pouvoirs publics ne réduisent pas l’aide fournie.
Loïc Trabut, Joëlle Gaymu
Population et Sociétés n° 539, décembre 2016