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Copropriété

Grandes copropriétés : état des lieux des dispositifs légaux

Grandes copropriétés : état des lieux des dispositifs légaux cover

Les grandes copropriétés sont confrontées à de nouveaux défis colossaux. Ces immenses ensembles immobiliers peuvent regrouper parfois des milliers de logements et leurs habitants. Or, les syndics et les copropriétaires sont confrontés aux obligations de rénovation énergétique et à la maitrise des charges. Dans un contexte d’inflation des coûts de l’énergie et des matériaux, la gestion de ces ensembles devient très difficile. Malgré leur taille démesurée, les grandes copropriétés ne sont pas régies par un régime légal propre. Comme c’est le cas pour les petites copropriétés. Ce constat est alarmant. Il est urgent de mener une réflexion approfondie sur les dispositifs légaux existants. Quelles seraient les différentes solutions envisageables pour faciliter la gestion de ces grandes copropriétés ? Dans cet article, retrouvez les éléments de réponse de Charles Bohbot, avocat associé du cabinet BJA.

Sommaire :

Les grandes copropriétés abandonnées par la Loi de 1965

les critères qui permettent d’identifier les grandes copropriétés

Les grandes copropriétés abandonnées par la Loi de 1965

La loi du 10 juillet 1965 est muette sur le régime des grandes copropriétés. En effet, elle prévoit un statut unique pour un immeuble bâti ou un groupe d’immeubles bâtis dont la propriété est répartie par lots entre plusieurs personnes. Sachant qu’un lot comprend une partie privative et une quote-part de parties communes, lesquelles sont indissociables.

En cela, le Code de la copropriété n’a pas considéré la spécificité des vastes ensembles immobiliers. Or, certains sont devenus de véritables cités satellites des grandes villes françaises. En effet, ces grands ensembles nécessitent l’installation d’équipements complexes qui répondent à des besoins croissants. Que ce soit en termes de services, de logistiques, d’informatiques à destination de publics variés.

Bien que les copropriétaires soient nombreux, très peu investissent de leur temps pour assurer le bon fonctionnement de leur immeuble. On est alors face à l’absentéisme et au désintérêt de la multitude.

Quels sont les critères qui permettent d’identifier les grandes copropriétés ?

On peut essayer d’établir des critères d’identification d’une grande copropriété pour voir si un régime particulier doit leur être appliqué. Faut-il estimer : le nombre de lot, le budget, la destination de l’immeuble, la taille de l’immeuble, etc. ?

Une première tentative de réforme en 2018

La loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique avait prévu de réformer la copropriété. En effet, il était question d’adapter les dispositions de la loi de 1965 au regard :

  • des caractéristiques des immeubles,
  • de leur destination,
  • de la taille de la copropriété.

L’objectif était alors de “clarifier, moderniser, simplifier et adapter les règles d’organisation et de gouvernance de la copropriété.”

Toutefois, l’ordonnance n° 2019-1101 du 30 octobre 2019 portant réforme du droit de la copropriété des immeubles bâtis ne s’est intéressée qu’aux “petites copropriétés” et aux copropriétés à deux.

Ainsi, les critères pour ces petites copropriétés sont les suivants :

  • Nombre de lots. Le syndicat des copropriétaires comporte au plus cinq lots principaux à usage de logements, de bureaux ou de commerces.
  • Budget. Le budget prévisionnel moyen du syndicat des copropriétaires sur une période de trois exercices consécutifs est inférieur à 15 000 €.

Un tel régime permet d’obtenir des dérogations. Telles que l’absence de constitution de conseil syndical, la non-tenue d’une comptabilité en partie double, la prise de décisions par consultation écrite. Cependant, la définition de seuils ne traduit pas nécessairement les difficultés rencontrées.

Le projet de réforme des grandes copropriétés du GRECCO

Le GRECCO, composé de praticiens et d’universitaires tous membres de la Chambre Nationale des Experts en Copropriété (CNEC), a un objectif clair : approfondir la réflexion sur l’application et l’évolution du droit de la copropriété. Comment ? En confrontant les points de vue lors de débats intenses. Et, le résultat est sans appel avec des :

  • propositions concrètes pour faciliter l’interprétation des textes du droit de la copropriété,
  • pratiques professionnelles à suggérer,
  • modifications législatives et règlementaires à susciter.

Le GRECCO avait prévu une disposition pour les grandes copropriétés qui devait s’inspirer du droit canadien. Cette disposition consistait en la mise en place d’un conseil d’administration à la manière des entreprises. Cette mesure concernait les copropriétés qui comportaient plus de 100 lots principaux. En effet, le conseil syndical devait alors devenir un conseil d’administration. De sorte qu’il possède des pouvoirs élargis sur le syndic et l’assemblée générale des copropriétaires. Cependant, ce projet a suscité une grande controverse.

“ Nous avons fait le choix de permettre la prise des décisions à l’article 24 par un Conseil d’administration. Ce terme, emprunté au droit des sociétés, peut choquer. Il aurait été très simple de donner les mêmes pouvoirs au conseil syndical en imaginant une transformation de son rôle. Mais, alors, ce dernier serait devenu un « conseil syndical d’administration. Nous avons donc préféré la clarté du concept pour que ses conséquences soient bien perçues.” – Le professeur HUGUES PERINET-MARQUET.

En effet, le terme choisi de “conseil d’administration” était volontairement provocateur, car emprunté au droit des sociétés. Ainsi, ce régime des grandes copropriétés n’a pas été retenu : peut-être en raison d’un mauvais choix sémantique. Parce qu’il tend à assimiler la copropriété à une société. Alors que ces deux termes reflètent deux conceptions opposées de la copropriété.

USGC : une association pour aider à la gestion des grandes copropriétés

L’association USGC regroupe depuis 1991 les gestionnaires de grandes copropriétés. Son objectif est ainsi d’étudier toutes les questions relatives à l’amélioration de la gestion des grandes copropriétés. L’USGC représente ses adhérents vis-à-vis des tiers et notamment des pouvoirs publics.

“ À terme, nous souhaiterions qu’il y ait un rééquilibrage entre les droits privatifs individuels et les droits collectifs. Et, cela, lorsque la copropriété compte plusieurs immeubles et des parties communes extérieures (voiries, espaces verts, piscine, aires de jeux, etc.).” – Anne Coquier, présidente de l’USGC.

Les membres actifs sont des propriétaires ou titulaires de droits sociaux qui assument des responsabilités au sein d’un grand ensemble immobilier comptant au moins 100 lots. Ils gèrent eux-mêmes leur propre propriété ou la confient à un organisme non professionnel, conformément à la loi. En tout, 39 résidences représentant un total de 27 376 lots font partie de cette association.

Il s’agissait à l’origine des copropriétés suivantes :

  • Parly 2 au Chesnay-Rocquencourt (7.500 lots),
  • Parc Montaigne à Fontenay le Fleury (1.100 lots),
  • Elysée 2 à la Celle St Cloud (1.500 lots),
  • Parc Central des Grandes Terres à Marly le Roi (1.500 lots),
  • Parc de Montmorency à Paris 16ème (750 lots).

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Quelles sont les mesures légales visant à faciliter la gestion de ces ensembles ?

Grandes copropriétés verticales ou horizontales

Les grandes copropriétés peuvent prendre la forme de bâtiments verticaux. Ainsi, les immeubles de grandes hauteurs sont soumis à des réglementations particulières. Ces dernières visent à garantir la sécurité incendie et à faciliter l’évacuation en cas d’urgence. Pour ce faire, des équipements spécifiques dont l’objet de contrôles réguliers.

Les grandes copropriétés peuvent également être horizontales. Dans ce cas, elles doivent se distinguer des zones pavillonnaires organisées en lotissement et divisées en plusieurs parcelles. Puisque dans le cas des grandes copropriétés horizontales, la propriété se fait sur une seule parcelle cadastrale (articles L442-1 et suivants du Code de l’urbanisme).

Grandes copropriétés qui échappent au régime de la loi de 1965

De grandes copropriétés cherchent à échapper aux contraintes de la loi du 10 juillet 1965, modifiée par l’ordonnance du 30 octobre 2019. Cette tendance se vérifie pour les immeubles tertiaires et les ensembles immobiliers avec volumes. Dans ces cas, la règle de l’unanimité s’impose pour sortir du statut de la copropriété.

Toutefois, il existe une alternative : une convention qui permet de déroger à ce statut. Cette dernière doit instaurer une organisation ayant la personnalité morale nécessaire pour gérer efficacement ces ensembles. Conformément à l’article 1 de la loi du 10 juillet 1965. Dans de nombreux cas, une association syndicale libre (ASL) ou une association foncière urbaine libre (AFUL) est mise en place. Ces dernières gèrent ainsi les biens et ouvrages d’intérêt commun de ces grands ensembles.

L’ASL, soumise à un régime associatif, est réglementée par l’ordonnance n° 2004-632 du 1er juillet 2004 et son décret n° 2006-504 du 3 mai 2006. Bien qu’elle offre plus de flexibilité, la règle de l’unanimité s’applique autant à son adhésion qu’à sa sortie.

Quant aux AFUL, ce sont des organes de gestion des grands ensembles immobiliers relevant du droit privé. Tout comme les ASL, elles obéissent aux mêmes règles générales en matière de constitution et d’administration. Mais également à des règles spécifiques concernant leur mission, la composition des assemblées et le rôle du président.

L’adhésion à une union de syndicats

Si une adhésion initiale à une association n’est pas envisagée, un syndicat de copropriétaires peut devenir membre d’une union de syndicats. Ce groupement possède la personnalité civile. Son objet est d’assurer :

  • la création, la gestion et l’entretien d’éléments d’équipement communs,
  • la gestion de services d’intérêt commun (article 29 de la loi du 10 juillet 1965).

Notons que l’avantage de l’union est que l’adhésion ne nécessite pas l’unanimité. Cependant, un membre ou un syndicat des copropriétaires peut décider de la quitter selon la majorité de l’article 25. Ce qui risque de perturber l’union et de la rendre instable. Sortir du statut de la copropriété ou déroger à ses règles est difficile. Toutefois, des règles ont été mises en place pour réduire la taille des copropriétés ou décentraliser leur gouvernance.

À cet effet, il est possible de réduire la taille d’une copropriété en scindant l’un de ses bâtiments. On fera alors appel au mécanisme de la scission de copropriété prévu à l’article 28 de la loi du 10 juillet 1965. D’ailleurs, cette option a été simplifiée par les réformes récentes qui prévoient le cas de la division en volumes. Notamment pour les ensembles immobiliers complexes qui comportent plusieurs bâtiments distincts sur dalle ou plusieurs entités homogènes à des usages différents. Dans ce cas, chaque entité doit être capable d’une gestion autonome.

Une organisation en syndicats secondaires

La loi du 10 juillet 1965 permet aux copropriétaires de constituer un syndicat secondaire. En effet, cette organisation est même conseillée lorsqu’un immeuble est composé de plusieurs bâtiments ou entités homogènes pouvant être gérées indépendamment.

Cette décision est alors prise en assemblée spéciale à la majorité des voix de tous les copropriétaires (article 27 de la loi du 10 juillet 1965). Ainsi, cette organisation offre l’avantage d’une gestion autonome par bâtiment ou entité homogène depuis l’ordonnance du 30 octobre 2019.

Cependant, cela peut entraîner une complexification de l’organisation avec :

  • la création de plusieurs personnes morales,
  • des assemblées générales pour le syndicat principal et secondaire,
  • la multiplication des syndics.

Des parties communes spéciales

Les parties communes spéciales, propriété indivise de plusieurs copropriétaires, sont des espaces communs ayant une utilité pour plusieurs d’entre eux. Ainsi, la création de ces parties implique l’établissement de charges spéciales pour chacune d’entre elles.

Les décisions les concernant peuvent être prises lors d’une assemblée spéciale ou lors de l’AG de tous les copropriétaires (article 6-2 de la loi du 10 juillet 1965). Mais, seuls les copropriétaires concernés ont le droit de voter. Ce régime présente un avantage certain en évitant la multiplication des personnes morales et des assemblées générales, en concurrence directe avec les syndicats secondaires.

Toutefois, afin d’éviter toute complication, il est souvent nécessaire de se conformer à l’article 209 de la loi ELAN pour garantir leur existence. En cela, il convient de procéder à la mise en conformité du règlement de copropriété.

Comment assurer une gouvernance efficace pour les copropriétés de grande taille ?

La gouvernance des grandes copropriétés repose sur un trio composé du syndicat des copropriétaires, du syndic et du conseil syndical. Comme pour les plus petites copropriétés.

En effet, les décisions sont prises en AG des copropriétaires et sont ensuite exécutées par le syndic, sous le contrôle du conseil syndical. Toutefois, dans les grandes copropriétés, le rôle du conseil syndical est primordial. Puisqu’il assure la transmission des décisions à une multitude de copropriétaires.

En cela, l’ordonnance du 30 octobre 2019 permet au conseil syndical d’élargir son rôle. Ainsi, il bénéficie d’une délégation élargie pour les décisions votées à la majorité de l’article 24 de la loi du 10 juillet 1965. Cette délégation doit être consentie par l’assemblée générale à la majorité de l’article 25.

Par ailleurs, la loi du 10 juillet 1965 prévoit également une pénalité de 15 € par jour si le syndic ne transmet pas les documents demandés par le conseil syndical dans un délai d’un mois. De plus, elle donne la possibilité de résilier le contrat de syndic en cas d’inexécution suffisamment grave. En somme, on observe une multiplication de dispositions spécifiques pour la gestion des grandes copropriétés, accompagnée d’une augmentation des exigences légales pour garantir une gouvernance efficace.

Quels sont les défis majeurs pour les grandes copropriétés ?

La loi 3DS du 21 avril 2022 exige de mettre les règlements de copropriété en conformité pour tenir compte des parties communes spéciales, à jouissance privative ou les lots transitoires dont l’existence serait mal mentionnée.

Dans le même temps, la loi Climat et résilience du 22 août 2021 accélère la rénovation des immeubles bâtis soumis au statut de la copropriété. En particulier, cette loi augmente leur niveau de performance énergétique.

Notons que les calendriers visant à généraliser le nouveau du DPE collectif et l’adoption d’un projet de plan pluriannuel de travaux (PPPT) concernent en priorité les copropriétés comportant plus de 200 lots. Ainsi, pour éviter les doublons avec le PPPT, il est recommandé d’anticiper l’adoption du DPE collectifs.

Par ailleurs, en application du décret tertiaire, les syndicats de copropriétés ayant des propriétaires ou locataires exerçant des activités tertiaires sur une surface de planchers de plus de 1 000 m² sont concernés par l’obligation déclarative sur la plateforme OPERAT avant le 31 décembre 2023, puis par les obligations de travaux d’économies d’énergie.

Enfin, la mise en œuvre du bouclier tarifaire totale ou partielle pour les copropriétés éligibles, la renégociation des contrats d’énergie à la demande des opérateurs sont des sujets sensibles pour les grandes copropriétés. Une maîtrise des charges est essentielle, et le bénéfice de la grande taille peut être un atout dans le cadre d’une négociation.

Cependant, la gouvernance peut également entraîner une copropriété dans une spirale de difficultés. Comme dans le cas de la copropriété GRIGNY 2, confrontée à l’insalubrité, aux marchands de sommeil et aux impayés. Par conséquent, la vigilance est cruciale pour les syndics de copropriété, les conseils syndicaux et les copropriétaires. La gouvernance est mise au défi de faire face à ces nouvelles obligations sans qu’un nouveau régime ne soit proposé.

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Isabelle DAHAN

Rédactrice en chef de Monimmeuble.com. Isabelle DAHAN est consultante dans les domaines de l'Internet et du Marketing immobilier depuis 10 ans. Elle est membre de l’AJIBAT www.ajibat.com, l’association des journalistes de l'habitat et de la ville. Elle a créé le site www.monimmeuble.com en avril 2000.

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