A l’approche la trêve hivernale, du 1er novembre au 31 mars, la Fondation Abbé-Pierre publie les chiffres des expulsions locatives en 2015. Le nombre d’expulsions effectives, avec le concours de la force publique, a progressé de 24% sur un an.
Comme chaque année, les procédures d’expulsions sont en hausse. En 2015, le nombre d’expulsions effectives, avec le concours de la force publique, a fait un bond spectaculaire de 24% en un an, pour atteindre 14.363 (contre 11.604 en 2014). Une hausse et un niveau inédits, alors que ces chiffres étaient relativement stables depuis dix ans.
Derrière ce chiffre, on pourrait estimer à près de 32.500 le nombre de personnes visées et certainement le double ou le triple qui sont effectivement contraintes de quitter leur habitation du fait de la procédure. Sans compter les dizaines de milliers de ménages qui demeurent dans leur logement une fois le bail résilié, avec un statut très précaire (généralement dans le parc social).
Ces chiffres cachent également d’importantes inégalités territoriales : les territoires tendus sont largement plus touchés. Paris et la Seine Saint Denis représentent à eux seuls 9% des décisions de justice pour impayé de loyer et une part très importante des expulsions effectives.
La fondation Abbé-Pierre rappelle que pour autant les expulsions réalisées avec le concours de la force publique ne sont qu’une minorité des expulsions, compte tenu du fait que de nombreux ménages partent « d’eux-mêmes » sans attendre les forces de l’ordre.
Ainsi, la fondation dénonce la hausse des loyers des années 2000, dans le parc privé mais aussi dans le parc social, conséquence de la montée de la précarité depuis la crise. On observe l’augmentation du nombre de locataires du parc social confrontés à une procédure d’expulsion, signe, notamment, de politiques sociales des bailleurs qui ne sont pas toujours orientées vers la solidarité avec la volonté d’obtenir à tout prix une décision de justice pour se « protéger » au lieu de tenter de trouver des solutions amiables, alors même que cette décision engendrait jusqu’alors une suspension des aides au logement.
Au-delà du comportement des bailleurs, on constate une déconnection croissante entre les ressources des ménages, et les loyers et charges. D’autant plus que la part de locataires qui sont les plus confrontés à une procédure est dans le logement social « intermédiaire », à loyer plus élevé que le logement plus social, comme le constate également l’ESH.
Au-delà des conséquences individuelles, les expulsions ont un impact très défavorable sur la société. Dans un contexte de tension croissante des rapports sociaux, d’insuffisance criante du secteur de l’hébergement d’urgence, le secteur associatif, et, de plus en plus, les citoyens, sont contraints à pallier les défaillances de l’Etat avec des moyens très limités, voire inexistants. De plus, le coût des procédures et des conséquences des expulsions est énorme pour la collectivité et axer plus de moyens sur la prévention serait bien moins couteux.
Le début de la trêve hivernale, du 1er novembre au 31 mars, offre un répit aux ménages en difficulté mais les expulsions ne sont pas une fatalité. Leur prévention peut réellement être améliorée, lorsque les acteurs sont investis et mettent en œuvre des dispositifs ingénieux, comme des aides à la quittance dès les premières difficultés ou des permanences associatives d’accompagnement juridique des ménages à chaque stade de la procédure. Autant de pratiques que le plan interministériel de prévention des expulsions, piloté par un pôle national, devra généraliser au plus vite.
Toujours est-il qu’en cas d’échec de ce type de mesures de prévention, en fin de procédure, il revient aux pouvoirs publics de refuser au maximum l’octroi de la force publique, jusqu’à ce qu’une solution de relogement digne soit trouvée pour le ménage, et d’indemniser les bailleurs dans cette attente. Cela doit déjà être appliqué pour les personnes vulnérables, et plus particulièrement celles reconnues prioritaires au titre du droit au logement opposable (DALO), qui continuent pourtant, chaque année, à être expulsées par dizaines.
Plateforme « Allô Prévention Expulsion » de la Fondation Abbé Pierre : 0 810 001 505