L’ordonnance n° 2017-1090 encadrant les règles de la domiciliation bancaire lors de la souscription d’un prêt immobilier a été publiée au journal officiel du 3 juin 2017. Elle s’appliquera pour toutes les offres de prêts immobiliers émises à compter du 1er janvier 2018. Elle limite dans le temps la domiciliation obligatoire des salaires de l’emprunteur dans l’organisme bancaire émetteur du prêt et prévoit la nécessité d’une contrepartie individualisée.
La domiciliation bancaire dans le cadre d’un crédit immobilier encadrée à partir du 1er janvier 2018
Jusqu’à maintenant, La plupart des emprunteurs, notamment dans le cadre de l’achat de leur résidence principale, domiciliaient leurs revenus dans la banque auprès de laquelle ils souscrivaient un crédit immobilier, sans que cette pratique ne soit ni légalement obligatoire, ni encadrée…
La domiciliation bancaire des salaires ou revenus assimilés de l’emprunteur dans l’établissement du prêteur est une exigence courante des grands groupes financiers et bien assumée par ceux-ci. Et pourtant, que le contrat de prêt mentionne expressément cette obligation ou que celle-ci soit imposée oralement lors de l’offre de prêt en exigeant l’ouverture d’un compte de dépôt à vue dans la banque, cette pratique est, depuis 2004, dénoncée par la Commission des clauses abusives lorsque qu’aucune contrepartie individualisée n’est proposée au consommateur emprunteur (recommandation n° 04-03 du 27 mai 2004).
La Commission des clauses abusives considérait que « les clauses selon lesquelles l’emprunteur est tenu, pendant toute la durée du prêt, de verser l’ensemble de ses revenus sur un même compte dans l’établissement du prêteur peuvent apparaître déséquilibrées si cette obligation n’est accompagnée d’aucune contrepartie individualisée au profit de l’emprunteur ».
Désormais, et pour les crédits souscrits à partir du 1er janvier 2018, ce ne sera plus le cas… Comme indiqué dans l’ordonnance n°2017-1090 du 1er juin 2017 publiée au journal officiel du 3 juin, seront encadrées « les conditions dans lesquelles l’offre de crédit peut être subordonnée à une clause de domiciliation des salaires. Le prêteur doit dans ce cadre consentir un avantage individualisé en contrepartie d’une telle clause ».
Dans le prolongement de la loi Macron (L. n° 2015-990, 6 août 2015) qui facilite notamment la mobilité bancaire, l’ordonnance du nouveau Gouvernement prend acte de cette recommandation par l’introduction de deux nouvelles dispositions en droit positif : d’une part la limitation dans le temps de la domiciliation obligatoire et d’autre part, la nécessité pour le prêteur de proposer en contrepartie à l’emprunteur un avantage individualisé substantiel.
Ainsi, le texte complète, par le rajout d’un dixième alinéa, l’article L. 313-25 du Code de la consommation qui prévoit désormais que lorsque le prêt est subordonné à une condition de domiciliation, l’offre de crédit doit mentionner la durée de celle-ci, le cas échéant les frais d’ouverture et de tenue du compte sur lequel les salaires ou revenus assimilés sont domiciliés, ainsi que la nature de l’avantage individualisé consenti.
L’offre doit permettre d’identifier clairement cet avantage en mentionnant les conditions, de taux ou autres, au regard desquelles elle est établie, et qui seraient appliquées par le prêteur si l’exigence de domiciliation n’était plus respectée par l’emprunteur. De plus, est créé un article L. 313-25-1 dans le Code de la consommation, qui établit une limitation dans le temps de la domiciliation alors imposée. Il faudra attendre la parution d’un décret en Conseil d’État pour en connaître la durée, même si le projet de cette ordonnance le fixait à 10 ans.
L’avantage individualisé est acquis à l’emprunteur jusqu’à la fin du prêt. Si, avant le terme de ce délai, celui-ci cesse de satisfaire à la condition de domiciliation, le prêteur peut mettre fin, pour les échéances restant à courir jusqu’au terme du prêt, à l’avantage individualisé et appliquer les conditions, de taux ou autres, mentionnées au 10° de l’article L. 313-25. Ces dispositions peuvent être appliquées à chacun des contrats de crédit composant l’opération de financement figurant dans l’offre de prêt.
Les dispositions de l’ordonnance s’appliquent aux offres de prêts émises à compter du 1er janvier 2018 ainsi qu’aux avenants modifiant les contrats conclus à la suite de ces offres.
La domiciliation des salaires : Un véritable enjeu pour les banques
Actuellement la plupart des banques consentent implicitement accorder des taux plus attractifs à la clientèle qu’elle considère la plus captive, c’est-à-dire à celle avec laquelle une véritable relation bancaire peut-être mis en place. « La domiciliation des revenus est un vrai enjeu pour les banques c’est pourquoi la plupart des barèmes des banques et les taux accordés dépendent davantage des revenus de l’emprunteur que de son niveau d’apport, avec des écarts souvent attendre jusqu’à 1% au sein d’une même banque », analyse Jérôme Robin, président de Voufinancer.
« 90% de nos clients domicilient leurs revenus dans la banque dans laquelle ils souscrivent un prêt… Si l’avantage consenti en échange n’est généralement pas notifié, ces clients parviennent à obtenir d’excellentes conditions car dans le contexte actuel de taux très bas, avec des marges limitées, c’est la mise en place d’une relation de long terme qui permet aux banques de rentabiliser les crédits accordés. Ainsi, les prêts consentis pour financer des investissements locatifs, donnant moins souvent lieu à la domiciliation des salaires, sont souvent plus chers, de l’ordre de 0,10%. De même, une banque propose actuellement des taux supérieurs de 0,25% à ceux qui renégocient leurs prêts, car souvent, une partie des comptes reste dans l’ancienne banque… », Constate Sandrine Allonier, directrice des partenariats bancaires de Voufinancer.
Si l’avantage consenti n’était pas toujours indiqué jusqu’à maintenant, il est généralement de 0,20 ou 0,30% dans les banques traditionnelles et de 0,10% dans les banques en ligne.
Une avancée pour le consommateur, mais conditionnée au délai fixé par décret
Un décret en conseil d’État devrait fixer cette durée à 10 ans. Une durée qui semble longue au regard de la durée effective de conservation d’un crédit immobilier qui est en moyenne de 7,9 ans actuellement, au-delà de laquelle les emprunteurs remboursent leur crédit et peuvent ainsi renoncer à la domiciliation.
« Le fait de domicilier ses revenus au moment de la souscription d’un crédit est une pratique nécessaire qui garantit également le remboursement du prêt chaque mois. En revanche, il est important que l’emprunteur y trouve aussi un intérêt et que la durée de cette obligation soit limitée dans le temps », conclut Jérôme Robin.
Source : Ordonnance n° 2017-1090 du 1er juin 2017 relative aux offres de prêt immobilier conditionnées à la domiciliation des salaires ou revenus assimilés de l’emprunteur sur un compte de paiement (JORF n°0130 du 3 juin 2017 – texte n° 13)