Un propriétaire peut-il diviser librement son lot de copropriété ? L’arrêt du 22 mai 2025 (pourvoi n° 23-19.885) de la troisième chambre civile apporte une réponse définitive. Cette décision oppose le syndicat des copropriétaires de Lyon à la société Justin. Le conflit porte sur la division d’un lot en plusieurs appartements malgré une interdiction votée en assemblée générale. La Cour rappelle un principe fondamental : les décisions d’assemblée générale s’imposent aux copropriétaires tant qu’elles ne sont pas annulées. Cette jurisprudence redéfinit ainsi les règles de la division d’un lot de copropriété et clarifie les pouvoirs de l’assemblée générale face aux droits individuels des propriétaires.
Sommaire :
- Les faits de l’affaire : une division d’un lot de copropriété contestée
- La position des juridictions du fond sur la division d’un lot de copropriété
- La cassation : rappel des principes sur la division d’un lot de copropriété
- Les conséquences pratiques pour la division d’un lot de copropriété
- FAQ – Division d’un lot de copropriété
Les faits de l’affaire : une division d’un lot de copropriété contestée
Le contexte juridique de la subdivision
La société Justin possédait le lot n°1 d’un immeuble en copropriété. Elle décide de le diviser en plusieurs appartements distincts, transformant ainsi un seul logement en plusieurs unités d’habitation séparées.
Pour justifier cette opération, elle s’appuie sur l’article 9 de la loi du 10 juillet 1965, qui précise : « Chaque copropriétaire dispose des parties privatives comprises dans son lot ; il use et jouit librement des parties privatives et des parties communes, sous la condition de ne porter atteinte ni aux droits des autres copropriétaires, ni à la destination de l’immeuble. »
Cependant, le syndicat des copropriétaires s’y oppose fermement. Il invoque une décision d’assemblée générale interdisant ce type de division. Cette transformation soulève une question centrale. Jusqu’où un copropriétaire peut-il exercer son droit d’usage, sans remettre en cause l’équilibre collectif défini par le règlement ? Le conflit met en lumière la tension entre liberté individuelle et respect des décisions communes en copropriété.
L’interdiction votée par l’assemblée générale des copropriétaires
L’assemblée générale des copropriétaires a voté, le 27 avril 1981, une interdiction formelle de diviser les lots. Cette décision, rapportée dans l’arrêt, s’appuie sur l’article 17 de la loi de 1965, qui précise : « Les décisions du syndicat sont prises en assemblée générale des copropriétaires. » Sur cette base, le syndicat exige la remise en état du lot. Il réclame le retour à un appartement unique et la fin de la mise à disposition séparée des logements issus de la division.
La position des juridictions du fond sur la division d’un lot de copropriété
Le rejet par la cour d’appel de Lyon
Dans un premier temps, la cour d’appel de Lyon rejette les demandes du syndicat. Elle estime que le règlement de copropriété n’interdit pas explicitement la division des lots. Concernant la délibération de 1981, la cour considère que « la subsistance de cette interdiction n’est pas démontrée ». Elle exige donc la preuve du jugement ayant validé cette décision, et refuse de s’appuyer uniquement sur l’invocation orale de la délibération. Cette position révèle une lecture stricte des décisions d’assemblée générale. Puisque la juridiction lyonnaise privilégie la preuve écrite et rejette toute interprétation sans fondement documentaire clair.
L’argumentation du syndicat des copropriétaires
Le syndicat rejette l’analyse de la cour. Il affirme que les décisions d’assemblée générale s’imposent à tous les copropriétaires. Selon lui, ces résolutions conservent leur force obligatoire tant qu’un tribunal ne les a pas annulées. Ainsi, il lui suffit de prouver l’existence de la décision de 1981. C’est à la société Justin de démontrer son éventuelle annulation. Par cette argumentation, le syndicat défend l’autorité des organes collectifs et la stabilité juridique des décisions votées. À cet effet, il invoque le principe de force exécutoire des délibérations d’assemblée générale.
La cassation : rappel des principes sur la division d’un lot de copropriété
Les textes de référence appliqués
La Cour de cassation fonde sa décision sur plusieurs textes fondamentaux selon l’arrêt du 22 mai 2025 :
- L’article 9 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 sur la copropriété
- Article 17 de cette même loi
- L’article 1134 du code civil (dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016)
La loi SRU (Solidarité et Renouvellement Urbains) impose aussi des limites strictes. En effet, elle interdit la division si elle crée un lot habitable de moins de 14 m². Elle s’y oppose également si le logement ne dispose pas des équipements essentiels : eau, électricité ou évacuation. Cette réglementation vise à lutter contre l’insalubrité et à freiner la prolifération des micro-logements.
Dans son arrêt, la Cour de cassation rappelle un principe fondamental : « les décisions d’assemblée générale sont exécutoires tant qu’elles n’ont pas été annulées ». Cette règle s’applique directement à l’interdiction de diviser un lot votée par l’assemblée générale. Autrement dit, même une décision ancienne conserve sa pleine validité juridique si elle n’a pas été contestée devant un tribunal.
La Cour reproche à la cour d’appel d’avoir ignoré cet aspect. Ainsi, elle lui reproche de ne pas avoir vérifié si la délibération du 27 avril 1981 interdisait effectivement la division d’un lot de copropriété. Or, cette pièce figurait bien dans le dossier. En négligeant cet élément central, la cour d’appel n’a pas fondé légalement sa décision. La haute juridiction sanctionne ainsi un défaut de motivation. Elle rappelle que les juges doivent examiner tous les documents utiles au litige avec rigueur.
Les conséquences pratiques pour la division d’un lot de copropriété
La cassation partielle de l’arrêt
La Cour de cassation casse partiellement l’arrêt de Lyon. Elle annule uniquement les dispositions qui déboutent le syndicat de ses demandes de remise en état et de cessation de la division d’un lot de copropriété. L’affaire retourne devant la cour d’appel de Lyon, autrement composée. Cette technique procédurale permet de préserver les aspects non contestés du jugement tout en renvoyant les points litigieux pour un nouvel examen. Le renvoi garantit une nouvelle appréciation des faits à la lumière des principes rappelés par la Cour de cassation.
Les implications financières
La Cour de cassation condamne la société Justin aux dépens. Elle l’oblige aussi à verser 3 000 euros au syndicat, sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile. Cette somme vient s’ajouter aux frais de procédure et aux éventuels coûts de remise en état du logement.
Cette jurisprudence renforce considérablement les pouvoirs de l’assemblée générale face aux initiatives individuelles de division d’un lot de copropriété. Elle rappelle que la copropriété reste un régime collectif où les décisions communes prévalent sur les intérêts particuliers. Les règles de gouvernance collective trouvent ainsi un nouvel éclairage jurisprudentiel.
FAQ – Division d’un lot de copropriété
Peut-on diviser librement son lot de copropriété ?
Non, la division d’un lot de copropriété n’est pas totalement libre. Elle doit respecter le règlement de copropriété et les décisions d’assemblée générale. Si l’assemblée a voté une interdiction de division, celle-ci s’impose à tous les copropriétaires tant qu’elle n’est pas annulée par un tribunal. Cette restriction vise à préserver l’équilibre architectural et la destination de l’immeuble.
Combien de temps reste valable une décision d’assemblée générale ?
Une décision d’assemblée générale reste valable indéfiniment, tant qu’elle n’a pas été annulée par une décision de justice. L’arrêt de 2025 confirme qu’une interdiction votée en 1981 conserve toute sa force exécutoire. Cette permanence garantit la stabilité juridique des règles de copropriété et renforce l’autorité des organes de gestion collective.
Quelles sont les conditions légales pour diviser un lot ?
La loi SRU impose plusieurs conditions : le nouveau lot doit faire au minimum 14 m² habitables, avoir accès à l’eau potable, à l’évacuation des eaux usées et à l’électricité. Un diagnostic amiante doit également être effectué. Ces exigences techniques visent à éviter la création de logements insalubres ou inadaptés aux besoins d’habitation.
Que risque un copropriétaire qui divise malgré l’interdiction ?
Il s’expose à une action en justice du syndicat pour remise en état. Il peut être condamné à remettre le lot dans sa configuration d’origine, aux dépens de la procédure et à des dommages-intérêts (3 000 euros dans l’affaire jugée). Ces sanctions financières s’ajoutent aux coûts de remise en conformité et aux frais d’avocat, rendant l’opération particulièrement coûteuse.
Comment contester une interdiction de division votée en assemblée ?
Il faut saisir le tribunal pour faire annuler la décision d’assemblée générale. La charge de la preuve de l’annulation incombe au copropriétaire qui conteste. La simple absence de production de documents judiciaires ne suffit pas à remettre en cause l’interdiction. Cette procédure contentieuse nécessite l’assistance d’un avocat spécialisé en droit de la copropriété.