Le métier de diagnostiqueur immobilier est à un tournant décisif. Un rapport alarmant du député Lionel Causse met en lumière les failles d’un secteur pourtant central dans la transition énergétique. Fraudes massives, chute du nombre d’auditeurs énergétiques, pression économique, etc. La profession vacille alors qu’elle est plus que jamais indispensable pour accompagner la rénovation des logements. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : 73% des diagnostiqueurs constatent une baisse de leur chiffre d’affaires, et 3,4% des DPE comportent des anomalies évoquant des pratiques de complaisance. Pour restaurer la confiance, l’État propose une réforme ambitieuse, avec à la clé la création d’un ordre professionnel. Objectif : encadrer, structurer et redonner ses lettres de noblesse à une profession au cœur des ambitions climatiques françaises et européennes.
Sommaire :
- Comment la crise économique frappe-t-elle le diagnostiqueur immobilier ?
- Pourquoi les fraudes menacent-elles la crédibilité du diagnostiqueur immobilier ?
- Quelle réforme pour sauver la profession de diagnostiqueur immobilier ?
- Comment l’Europe influence-t-elle l’avenir du diagnostiqueur immobilier ?
- FAQ – profession de diagnostiqueur immobilier en France
À retenir – Diagnostiqueur immobilier en France
- 73% des diagnostiqueurs immobiliers ont subi une baisse de chiffre d’affaires pouvant atteindre 95% suite à l’effondrement des transactions immobilières.
- 3,4% des DPE présentent des anomalies de complaisance, concernant 1,3 million de logements pour un préjudice de 21 milliards d’euros.
- L’État propose une transformation en deux phases (2025-2027 puis 2028-2030) incluant un ordre professionnel et 16 points structurants.
- La directive 2024/1275 impose une adaptation des pratiques du diagnostiqueur immobilier aux standards européens d’ici mai 2026.
- Triplement des contrôles (10 000 par an), utilisation de l’IA pour détecter les fraudes et sanctions durcies (18 mois d’interdiction).
Comment la crise économique frappe-t-elle le diagnostiqueur immobilier ?
Crise immobilière : les diagnostiqueurs en première ligne du choc économique
Le diagnostiqueur immobilier subit de plein fouet la crise du marché immobilier. Les chiffres du rapport Causse sont alarmants. En effet, 73% des professionnels de l’expertise immobilière ont enregistré une baisse de leur chiffre d’affaires en 2023-2024. Et, les chutes peuvent atteindre jusqu’à 95% !
Cette situation découle directement de l’effondrement des transactions immobilières. Puisqu’elles sont passées de 1,17 million en 2021 à seulement 750 000 en 2024 (-36% en trois ans). Le marché du diagnostic énergétique reste important : 1,5 milliard d’euros de chiffre d’affaires potentiel. Il regroupe 11 500 diagnostiqueurs certifiés, répartis dans 8 600 entreprises. Les indépendants spécialisés en audit énergétique génèrent entre 60 000 et 90 000 € de chiffre d’affaires annuel, avec une marge nette comprise entre 30% et 40%.
Autrement dit, malgré un rôle central dans la transition énergétique, le diagnostiqueur immobilier paie cher la paralysie du marché. Sans reprise des ventes ou soutien public renforcé, la profession reste en sursis.
Des impayés qui fragilisent la trésorerie
Les diagnostiqueurs immobiliers font face à un problème chronique : les retards de paiement. En moyenne, 15 à 20% des factures liées aux diagnostics amiante, plomb ou DPE subissent des retards de plus de 30 jours. Et, dans de nombreux cas, les délais de règlement s’étendent jusqu’à 90 jours. Ce phénomène touche particulièrement les diagnostiqueurs indépendants, qui représentent 85% des entreprises du secteur. Autrement dit, la majorité des professionnels doivent supporter seuls ces tensions de trésorerie. Dans un contexte déjà difficile, ces impayés fragilisent davantage une profession en perte de vitesse.
L’impact des appels d’offres destructeurs
Les appels d’offres publics mettent en péril l’équilibre du secteur du diagnostic énergétique. Selon Lionel Causse, les marchés sont souvent attribués au moins-disant, ce qui crée une concurrence déloyale. Ainsi, les tarifs proposés peuvent être 30 à 50% en dessous des prix du marché libre. Résultat : les professionnels subissent une pression tarifaire constante, au détriment de la qualité du service rendu.
En outre, cette logique du prix bas à tout prix entraîne plusieurs dérives inquiétantes :
- Moins de temps accordé aux contrôles qualité,
- Sous-traitance à des diagnostiqueurs moins formés,
- Diagnostics moins fiables.
Comme le souligne le député Lionel Causse : “Cette pression tarifaire dégrade la qualité, pousse à la sous-traitance et met en danger la fiabilité des audits.”
Pourquoi les fraudes menacent-elles la crédibilité du diagnostiqueur immobilier ?
DPE de complaisance : 1,3 million de logements concernés, 21 milliards de préjudices
Une étude scientifique majeure du Conseil d’Analyse Économique révèle l’existence d’une fraude systémique au “DPE de complaisance”. Mais, en définitive, ce sont trois études indépendantes (KRNO, Conseil d’Analyse Économique, Antoine Le Calvez) qui convergent vers des conclusions alarmantes. En effet, toutes pointent un chiffre préoccupant : 3,4% des DPE présentent des anomalies statistiques, suggérant une manipulation volontaire des notes.
> DPE de complaisance : la start-up Krno soulève des questions, la CDI nuance
Le cœur du problème concerne les logements classés F, considérés comme passoires thermiques. En effet, 18,81% d’entre eux seraient artificiellement surclassés en E, juste assez pour échapper à la réglementation. or, ce surclassement massif toucherait environ 1,3 million de logements, avec un préjudice estimé à 21 milliards d’euros. En clair, des milliers de propriétaires et d’acheteurs sont induits en erreur.
Dans ce contexte, la profession connaît un recul inquiétant du nombre de diagnostiqueurs habilités à faire des audits énergétiques. Entre le 16 décembre 2024 et le 7 janvier 2025, leur nombre est passé de 3 462 à 2 924, soit –15% en moins d’un mois. Désormais, l’écosystème de l’audit énergétique est à la fois fragilisé et discrédité, alors qu’il devrait être un pilier de la transition écologique.
Un marché parallèle de faux diagnostics
Au-delà des DPE de complaisance, la presse révèle l’existence d’un marché parallèle de faux DPE vendus quelques dizaines d’euros via des réseaux sur Snapchat ou Telegram. Ces pratiques frauduleuses dans la certification DPE s’expliquent par l’afflux d’opportunistes attirés par les enjeux économiques de la loi Climat et résilience et les défaillances du contrôle qualité diagnostic.
Des défaillances dans la formation
Par ailleurs, les retours d’expérience révèlent des dérives inquiétantes dans la formation continue obligatoire.
Le député Lionel Causse dénonce ces pratiques : “Les retours d’expérience révèlent des dérives inquiétantes dans la formation : organismes proposant des attestations obtenues en quelques minutes de connexion, formations de 12 jours prétendant délivrer un titre de niveau 7 (BAC+5) avec des prérequis basiques”.
Les nouvelles modalités de certification DPE introduites en juillet 2024 ont provoqué une chute significative du taux de réussite aux examens d’accréditation COFRAC.
Quelle réforme pour sauver la profession de diagnostiqueur immobilier ?
Une approche progressive en deux phases
L’expertise immobilière entre dans une phase de mutation contrôlée. L’État propose une stratégie de transformation en deux étapes, pour restructurer durablement la profession.
Lionel Causse, député en charge du sujet, justifie cette approche : “Face à l’ampleur des défis et aux exigences de la transition énergétique, une stratégie progressive en deux phases s’impose.”

Phase 1 : assainir la filière entre 2025 et 2027
La première phase, prévue sur la période 2025–2027, sera pilotée directement par l’État. Objectif : réorganiser la filière de la réglementation immobilière et poser les bases d’un encadrement plus solide. Selon le député, cette méthode permet d’éviter les chocs brutaux. En effet, il s’agit d’élever progressivement le niveau de qualité et de professionnalisme dans le secteur du diagnostic immobilier.
Phase 2 : la création d’un ordre professionnel
La phase 2 (2028-2030) prévoit la création d’un ordre professionnel après validation des résultats de la première phase. Cet ordre professionnel disposerait d’un pouvoir disciplinaire autonome. Il assurerait la représentation professionnelle face aux pouvoirs publics pour tous les diagnostiqueurs spécialisés en audit énergétique et diagnostic amiante plomb.
Seize points structurants pour la réforme
Le rapport identifie 16 priorités, en lien avec l’article L271-6 du Code de la construction et de l’habitation. Parmi elles :
- Renforcement de l’indépendance,
- Certification obligatoire avec audits sur site tous les 12 à 18 mois,
- Refonte complète de la formation.
Lionel Causse insiste sur l’urgence : “Sans action rapide et déterminée selon cette feuille de route progressive, c’est l’ensemble de la politique de rénovation énergétique qui pourrait être compromise, avec des conséquences majeures sur l’atteinte des objectifs de neutralité carbone de la France à l’horizon 2050”.
Formation renforcée, contrôles triplés
Depuis le 1er juillet 2024, le nouveau régime de certification DPE impose :
- 56 heures de formation initiale,
- 7 heures minimum de pratique,
- Un tutorat obligatoire pour les diagnostics liés à la rénovation énergétique.
Par ailleurs, l’État prévoit un triplement des contrôles (10 000 par an) et l’utilisation de l’intelligence artificielle pour détecter les fraudes DPE complaisance. De plus, les sanctions sont durcies : interdiction de 18 mois en cas de fraude (contre 6 mois précédemment) et 24 mois en cas de récidive. Autrement dit, l’État muscle à la fois la prévention et la répression, pour restaurer la confiance dans le diagnostic immobilier.
Comment l’Europe influence-t-elle l’avenir du diagnostiqueur immobilier ?
La directive européenne 2024/1275
La directive européenne 2024/1275 du 24 avril 2024 sur la performance énergétique des bâtiments impose une harmonisation des certificats de performance énergétique d’ici le 29 mai 2026. Cette évolution contraint le diagnostiqueur immobilier français à adapter ses pratiques aux nouveaux standards européens de bilan énergétique.
La réglementation européenne fixe un cap clair :
- Tous les nouveaux bâtiments devront être à émissions nulles d’ici 2030.
- Cette exigence s’appliquera dès 2028 pour les bâtiments publics.
Le secteur du bâtiment doit donc accélérer sa transformation, en particulier dans les projets neufs. Pour les logements existants, la directive impose une baisse de la consommation d’énergie primaire : –16% en 2030 par rapport à 2020 et entre –20 à -22% d’ici 2035. L’objectif est éradiquer progressivement les passoires thermiques dans toute l’Europe.
En France, seulement 3% des habitations sont classées A selon les critères de performance énergétique. En clair, pour atteindre les objectifs européens, la France devra engager des adaptations massives de son parc résidentiel.
De nouvelles classes de performance
L’introduction de nouvelles classes de performance (A0 pour les bâtiments à émissions nulles, A+ pour ceux contribuant positivement au réseau énergétique) modifiera le travail du diagnostiqueur immobilier spécialisé en audit énergétique. Ces évolutions de la transition énergétique nécessitent une formation continue approfondie pour maîtriser les nouveaux critères d’évaluation de la rénovation énergétique et les standards COFRAC accréditation.
La profession de diagnostiqueur immobilier se trouve à un tournant décisif. Entre défis économiques, fraudes systémiques et mutations européennes, une réforme structurelle s’impose pour garantir l’avenir de ce métier essentiel à la transition énergétique française et à la lutte contre les passoires thermiques.
Comme le conclut Lionel Causse : “Cette transformation progressive constitue un investissement stratégique pour l’avenir énergétique du pays et la protection des consommateurs, garantissant une profession modernisée, responsable et reconnue au service de l’intérêt général”.
FAQ – profession de diagnostiqueur immobilier en France
Combien gagne un diagnostiqueur immobilier en 2025 ?
Le chiffre d’affaires moyen d’un diagnostiqueur immobilier indépendant spécialisé en expertise immobilière oscille entre 60 000 et 90 000 euros avec une marge nette de 30 à 40%. Cependant, 73% des professionnels de l’audit énergétique ont subi une baisse de revenus en 2023-2024, parfois jusqu’à 95%, en raison de la chute des transactions immobilières et des problèmes de certification DPE.
Comment devient-on diagnostiqueur immobilier certifié ?
Depuis juillet 2024, la formation initiale DPE impose 56 heures de cours avec 7 heures minimum de pratique et un tutorat obligatoire pendant la première année pour la performance énergétique. Le diagnostiqueur immobilier doit obtenir une certification par domaine d’expertise (diagnostic amiante plomb, DPE, gaz, électricité) auprès d’un organisme d’accréditation COFRAC. Elle est valable 7 ans avec un contrôle qualité diagnostic tous les 12-18 mois selon la réglementation immobilière.
Quelles sont les sanctions pour un diagnostiqueur immobilier fraudeur ?
Les sanctions se sont durcies contre la fraude DPE complaisance. Ainsi, l’interdiction d’exercer est de 18 mois en cas de fraude (contre 6 mois précédemment) et 24 mois en cas de récidive. Une liste noire commune à tous les organismes certificateurs est mise en place. De plus, l’État prévoit d’utiliser l’intelligence artificielle pour détecter automatiquement les comportements anormaux dans la certification DPE et l’expertise immobilière.
Quand aura lieu la réforme du diagnostiqueur immobilier ?
La réforme de la réglementation immobilière s’organise en deux phases : réorganisation étatique de 2025 à 2027 avec création d’une charte déontologique et renforcement des contrôles de performance énergétique. Puis la création d’un ordre professionnel de 2028 à 2030. Cette transformation progressive vise à éviter les bouleversements brutaux tout en garantissant une montée en qualité de l’audit énergétique et du bilan énergétique.
Comment l’Europe va-t-elle changer le métier de diagnostiqueur immobilier ?
La directive européenne 2024/1275 impose une harmonisation des certificats de performance énergétique d’ici mai 2026 dans la transition énergétique. Le diagnostiqueur immobilier devra intégrer de nouveaux indicateurs (qualité de l’air, potentiel de réchauffement planétaire). De plus, il devra s’adapter aux nouvelles classes de performance A0 et A+ pour les bâtiments à émissions nulles. Ce qui nécessite une formation continue obligatoire renforcée et une expertise immobilière approfondie pour lutter efficacement contre les passoires thermiques.