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Travaux

Crise des artisans RGE : un obstacle à la rénovation énergétique

Crise des artisans RGE : un obstacle à la rénovation énergétique

La France fait face à une crise des artisans RGE. Ainsi, on observe une chute alarmante de 16 % du nombre de sociétés RGE sur un an. Alors que le gouvernement met en avant des mesures pour simplifier l’obtention du label RGE, la réalité du terrain reste préoccupante. Heero, un acteur clé du financement de la rénovation énergétique, souligne cette baisse accentuée par des disparités régionales et professionnelles. Or, cette situation entrave l’accès aux aides de rénovation pour les Français.

Sommaire :

Une baisse de 16 % du nombre d’artisans RGE sur un an et de 23 % sur 3 ans

Le secteur de la rénovation énergétique en France doit faire face à la crise des artisans RGE (Reconnu Garant de l’Environnement). Une récente étude de Heero, réalisée à partir des données de l’ADEME, est sans appel. En effet, le nombre de sociétés détenant la certification RGE a chuté dramatiquement. En début 2024, on compte seulement 55 000 sociétés, une baisse de 16 % par rapport à 2023 (65 500 entreprises). Plus alarmant encore, ce chiffre représente une diminution de 23 % par rapport à 2021, qui affichait 71 477 entreprises certifiées.

Crise des artisans RGE
Évolution des sociétés RGE

Cette réduction drastique pose un problème majeur. En effet, l’accès aux aides financières telles que MaPrimeRénov’ et les Certificats d’Économie d’Énergie (CEE) exige la collaboration avec des artisans qualifiés RGE. De fait, cette tendance à la baisse est particulièrement préoccupante. D’autant plus que l’ADEME prévoit que près de 17 500 entreprises supplémentaires pourraient perdre leur qualification d’ici à la fin de l’année 2024.

Romain Villain, directeur général de Heero, rappelle l’urgence de la situation. “ Il y a un an, notre indicateur de tension artisanale (ITA) soulignait déjà le déficit d’artisans RGE comme obstacle majeur aux aides financières. La situation n’a fait qu’empirer en 2024, nous éloignant encore plus de l’objectif fixé par le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, en 2022, qui était de quadrupler le nombre d’entreprises qualifiées RGE pour atteindre 250 000 d’ici 2028.”

Cette crise des artisans RGE soulève des inquiétudes quant à la capacité de la France à atteindre ses objectifs de rénovation énergétique. Sans une intervention rapide et significative pour inverser cette tendance, l’efficacité des incitations financières pourrait sérieusement être compromise.

> Consulter notre article sur : “Rénovation énergétique : nouveautés législatives au 1er janvier 2024

Crise des artisans RGE : des baisses différenciées selon les métiers

Dans ce contexte marqué par la crise des artisans RGE, il semble que tous les domaines soient touchés. Ainsi, le domaine du chauffage, de la ventilation et de la climatisation illustre parfaitement cette baisse. Puisque l’on observe une diminution de 16 % des entreprises RGE entre 2023 et 2024. Cette réduction signifie qu’une entreprise sur six, par rapport à l’an passé, n’est plus qualifiée RGE. Par ailleurs, malgré un contexte encourageant leur déploiement, le nombre d’entreprises installant des pompes à chaleur (PAC) a aussi fléchi en 2023.

des baisses différenciées selon les métiers
Évolution des sociétés RGE selon leur métier

Les sociétés spécialisées dans l’isolation intérieure et les installations de menuiseries ont connu des baisses encore plus dramatiques sur quatre ans. En effet, elles perdent respectivement 43,5 % et 29,7 % de leurs effectifs RGE. Cela s’est accentué depuis la fin du dispositif d’isolation des combles à 1 € en 2018.

“ Chaque année, les ambitions de rénovation énergétique grandissent, notamment pour des rénovations d’envergure. Cependant, la diminution du nombre de sociétés RGE dans tous les métiers aggrave la tension sur le marché artisanal. Même si la rénovation des logements en France progresse, cette amélioration ne suffit pas à alléger la pression sur ces entreprises. ” – Romain Villain.

En 2023, grâce aux aides à la rénovation énergétique comme MaPrimeRénov’, l’Anah a financé les travaux de 569 243 logements (contre 669 890 en 2022), dont 71 613 étaient des rénovations d’ampleur. Cette situation met en lumière l’importance des artisans RGE dans la réalisation des objectifs nationaux de rénovation énergétique. Si leur nombre n’augmente pas considérablement, la France pourrait alors connaître un ralentissement de ses avancées dans ce secteur clé de la transition écologique.

> Consulter notre article sur : “MaPrimeRénov’ : la CAPEB obtient la révision du dispositif

Des baisses différenciées selon les départements

La crise des artisans RGE se dessine avec acuité sur le plan géographique. Entre 2023 et 2024, aucun département n’a connu une augmentation du nombre de sociétés certifiées RGE. En revanche, une majorité de départements affiche une baisse d’au moins 10 % de leurs entreprises RGE. C’est le cas de Paris et du Var qui affichent, respectivement, des indices de tension artisanale de 77/100 et 75/100.
Des baisses différenciées selon les départements
Malgré 70 000 rénovations d’ampleur réalisées en 2023 face à 7 millions de bâtiments énergivores, seuls 1 % ont bénéficié d’une rénovation complète. Si la crise des artisans RGE est présente sur l’ensemble du pays, elle frappe plus durement l’Île-de-France. En particulier, la Seine-Saint-Denis qui enregistre une baisse de 25 %, les Hauts-de-Seine (-24 %) et Paris (-23 %). Ainsi, sur les 10 départements les plus touchés, 8 se situent en Île-de-France !

Or, cette diminution significative pourrait bien être influencée par l’organisation des Jeux olympiques. En effet, les nombreux projets de construction en cours semblent absorber la capacité des artisans du BTP. Ce qui minimise temporairement l’intérêt d’acquérir ou de maintenir la certification RGE.

Quelles sont les perspectives face à la crise des artisans RGE ?

La nécessité de choisir un artisan RGE pour obtenir des aides comme MaPrimeRénov’ et les CEE présente un sérieux défi. Cette exigence exclut automatiquement de nombreux Français de ces aides essentielles. Ainsi, la préoccupation s’accroît face aux ambitions gouvernementales. Car, elles visent 140 000 rénovations d’envergure en 2024, le double de l’année précédente. Or, le déficit d’entreprises RGE entrave l’atteinte de ces cibles.

Romain Villain identifie cette pénurie comme une cause majeure du non-usage d’une part significative des 2,4 milliards d’euros alloués à MaPrimeRénov’ en 2023. En réponse, le gouvernement a lancé des mesures pour faciliter l’obtention du label RGE. Il s’agit notamment de la validation des acquis pour les petites entreprises de moins de 10 salariés.

Néanmoins, l’efficacité de ces réformes reste incertaine. Malgré plusieurs années de changements réglementaires destinés à booster la rénovation énergétique, le manque d’artisans RGE demeure un obstacle. À cet effet, le Secrétariat Général à la Planification Écologique (SGPE) s’est fixé un objectif. Il est d’accroître le nombre d’entreprises RGE en 2024 de +30 %. Soit 113 000 entreprises qualifiées en 2026.

Mais, comment atteindre ces objectifs ? Pour résoudre cette crise des artisans RGE, nous devons adopter une stratégie globale. Cela implique de simplifier l’accès au label RGE, mais aussi de soutenir les artisans dans leur développement professionnel et la gestion des demandes de rénovation croissantes. Soulignons l’importance de l’éducation, de la formation continue et des incitations financières. Seule une approche complète et engagée assurera le succès de la transition énergétique dans le secteur du bâtiment.

Isabelle DAHAN

Isabelle DAHAN

Rédactrice en chef de Monimmeuble.com. Isabelle DAHAN est consultante dans les domaines de l'Internet et du Marketing immobilier depuis 10 ans. Elle est membre de l’AJIBAT www.ajibat.com, l’association des journalistes de l'habitat et de la ville. Elle a créé le site www.monimmeuble.com en avril 2000.

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