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Immobilier

Comment réglemente-t-on le coliving en France ?

Comment réglemente-t-on le coliving en France ?

Déposée au Sénat le 7 novembre 2025, la proposition de loi n° 117 marque un tournant dans la réglementation du coliving en France. Ce nouveau mode d’habitat, qui s’est imposé dans les métropoles françaises depuis le milieu des années 2010, suscite aujourd’hui de vives inquiétudes. Les sénateurs Ian Brossat, Marianne Margaté, Colombe Brossel, Rémi Féraud et Antoinette Guhl pointent un problème majeur : l’absence de cadre juridique permet aux opérateurs de contourner les règles du logement. Résultat ? Des loyers exorbitants, des services imposés et une précarisation des locataires. Paris va même plus loin en adoptant une politique “zéro coliving” sur son territoire. Face à cette expansion incontrôlée, la proposition de loi vise à replacer la réglementation du coliving dans le droit commun du logement. Elle impose des normes de décence, soumet ces résidences à l’encadrement des loyers et redonne aux collectivités territoriales les moyens d’agir. L’objectif ? Protéger les locataires tout en préservant la mixité sociale des centres urbains.


Sommaire :


À retenir – Réglementation du coliving en France

  • Une définition juridique enfin établie.
  • L’encadrement des loyers devient obligatoire.
  • Des pouvoirs renforcés pour les communes.
  • Paris adopte une politique de “zéro coliving”.
  • Une croissance explosive à réguler d’urgence.

Qu’est-ce que le coliving et pourquoi pose-t-il problème ?

Une définition juridique jusqu’ici absente

Actuellement, le coliving demeure sans définition légale en France. Pour combler ce vide, la proposition de loi n° 117 du Sénat, enregistrée le 7 novembre 2025, le définit comme un ensemble destiné à l’habitation principale. Concrètement, il comprend des unités privatives meublées, des espaces communs et des services mutualisés. L’ensemble est géré de manière coordonnée.

Or, cette absence de cadre juridique a permis à de nombreux opérateurs de développer ce modèle sans contrainte. Selon l’Institut Paris Région dans son étude de janvier 2025 intitulée “L’Essor du Coliving pour les jeunes franciliens“, l’Île-de-France concentre 18 résidences en exploitation. Celles-ci représentent 7 500 lits. Par ailleurs, 32 projets supplémentaires totalisant 6 800 lits sont en cours. Ils se situent principalement en petite couronne et à Paris intra-muros.

De plus, le Code de l’urbanisme ne mentionne pas cette forme d’habitat parmi les destinations et sous-destinations définies par ses articles R.151-27 et R.151-28. En conséquence, cette lacune empêche les collectivités de repérer le coliving. Elle les empêche également de le soumettre aux obligations de mixité sociale. Par conséquent, la réglementation du coliving devient urgente pour encadrer cette croissance exponentielle.

Un modèle économique controversé

Fondamentalement, le coliving repose sur une logique de rentabilisation maximale des biens loués. D’une part, les opérateurs intensifient l’usage des surfaces. D’autre part, ils valorisent des services mutualisés pour accroître leurs profits au détriment des locataires.

Par conséquent, cette stratégie conduit à des loyers nettement supérieurs au marché locatif classique. Ainsi, des chambres de 10 à 12 mètres carrés sont proposées entre 900 et 1 200 euros par mois. De surcroît, Barbara Gomes, élue parisienne chargée de l’encadrement des loyers, cite des exemples encore plus extrêmes lors du Conseil de Paris. Elle mentionne des chambres de 20 mètres carrés louées jusqu’à 1850 euros !

En outre, les prestations para-hôtelières incluent ménage, internet, blanchisserie et conciergerie. Surtout, elles sont souvent imposées sans réel choix pour le locataire. Dans les zones tendues, ces pratiques permettent de contourner l’encadrement des loyers. Ainsi, les opérateurs recourent aux baux exclus du dispositif. De plus, ils mobilisent systématiquement des compléments de loyer pour équipements et services haut de gamme. De fait, la facturation en package sans maîtrise effective du contenu et du prix alimente des pratiques assimilables à de la vente imposée. Cette situation devient encore plus problématique, car les grandes métropoles françaises offrent très peu d’alternatives locatives.

Les impacts sur le marché du logement

Le développement du coliving transforme des immeubles entiers en petites unités locatives. Cette mutation provoque alors la disparition progressive des logements familiaux. Parallèlement, elle entraîne aussi l’éviction des locataires en place lors des opérations de transformation.

En effet, en proposant des loyers largement supérieurs à la moyenne, ce modèle accentue la spéculation foncière. Dans certains cas, ces loyers dépassent même les plafonds légaux dans les territoires soumis à l’encadrement. Ainsi, il détourne des bâtiments de leur vocation première : l’habitation.

Par ailleurs, dans de nombreuses communes, ces résidences engendrent d’importantes nuisances pour les riverains. Notamment, les troubles sonores récurrents, l’usage intensif des parties communes et le turn-over rapide des occupants posent problème. De même, les fêtes et attroupements dégradent la qualité de vie des habitants à proximité. D’après de nombreuses municipalités, ces situations nourrissent un sentiment d’impunité face à des opérateurs difficilement identifiables. En définitive, la réglementation du coliving doit donc préserver la diversité du parc locatif. Elle doit également garantir la mixité sociale tout en protégeant le voisinage.

Que prévoit la proposition de loi pour encadrer le coliving ?

L’inscription dans le Code de la construction et de l’habitation

L’article 1er de la proposition de loi insère un nouvel article L. 631-13-1 dans le Code de la construction et de l’habitation. Cette disposition crée une définition juridique précise du coliving. En effet, elle le qualifie de forme de logement relevant pleinement du Code de la construction et de l’habitation.

Concrètement, les unités privatives et leurs annexes sont assimilées à des logements. Cela vaut au sens de ce code et de l’article R. 151-28 du Code de l’urbanisme. Par conséquent, elles devront répondre aux exigences de l’article 6 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs. Cette loi, modifiée par la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986, établit les normes de décence du logement.

De plus, les unités de coliving seront soumises à l’ensemble des dispositions applicables. Celles-ci concernent la fiscalité, la réglementation des baux, l’encadrement des loyers, l’urbanisme, le droit au logement opposable et la mixité sociale.

Par ailleurs, les services mutualisés devront être clairement identifiés et listés. Leur caractère optionnel sera garanti. De même, leur facturation devra être distincte du loyer. Un décret en Conseil d’État déterminera la liste minimale de ces services. Il fixera aussi les conditions de leur facturation. Ainsi, cette mesure vise à éviter toute vente imposée. Elle vise également à assurer la transparence contractuelle.

La soumission à l’encadrement des loyers

L’article 2 modifie la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite loi ELAN. D’abord, il supprime le dernier alinéa du IV de l’article 140. Celui-ci excluait les logements meublés en résidence avec services de l’encadrement des loyers.

Désormais, selon le nouvel article 140-1 créé par la proposition, les unités de coliving constituant la résidence principale du locataire seront pleinement soumises à l’encadrement des loyers. En outre, les prestations de services annexes ne pourront plus justifier un dépassement du loyer de référence majoré.

Ensuite, l’article 140-2 nouvellement créé autorise les collectivités territoriales à fixer par délibération un plafond des frais accessoires. Ces frais sont facturés dans le cadre des services mutualisés. Ainsi, cette disposition empêche que la tarification des prestations serve à contourner les plafonds légaux fixés par zone géographique.

En définitive, elle assure une transparence complète entre le loyer de base et les prestations additionnelles. Par conséquent, les locataires bénéficieront des mêmes protections que dans le parc locatif classique soumis à la loi du 6 juillet 1989.

La protection renforcée des locataires

L’article 3 complète l’article L. 121-12 du Code de la consommation. Il introduit une disposition spécifique. Celle-ci qualifie de pratique commerciale interdite le fait pour le propriétaire ou l’exploitant d’une résidence de coliving de facturer des services non précisément décrits et identifiés.

De plus, le prix de chaque prestation doit être mentionné et ventilé en fonction de la prestation proposée. Ainsi, cette mesure combat les forfaits opaques. Ces derniers regroupent des services para-hôteliers facturés en supplément du loyer principal.

Par conséquent, la réglementation du coliving garantit une information complète et transparente aux locataires. Elle leur permet de maîtriser réellement le coût de leur logement. Elle leur permet également d’exercer un choix éclairé sur les services qu’ils souhaitent souscrire.

En outre, les sanctions applicables en cas de pratique commerciale interdite relèvent du Code de la consommation. Elles peuvent atteindre deux ans d’emprisonnement et 300 000 euros d’amende pour les personnes physiques. Cela est prévu selon l’article L. 132-2 du Code de la consommation.

Comment les collectivités territoriales peuvent-elles réguler le coliving ?

L’intégration aux obligations de logement social

L’article 4 complète l’article L. 151-15 du Code de l’urbanisme. Il établit que tout projet de coliving est assimilé à un programme de logements. Par conséquent, il sera soumis aux obligations de production de logements sociaux. Ces obligations sont prévues à l’article L. 302-5 du Code de la construction et de l’habitation.

Or, cet article constitue le fondement de la loi Solidarité et Renouvellement Urbain (SRU) du 13 décembre 2000. Cette loi impose aux communes de plus de 3 500 habitants de disposer d’au moins 25% de logements sociaux. Ce seuil est ramené à 1 500 habitants en Île-de-France. Les communes concernées doivent être situées dans certaines agglomérations.

Ainsi, l’intégration du coliving dans ce dispositif s’appliquera lors de la transformation d’un bâtiment existant. Elle s’appliquera également lors d’une opération de construction neuve. De ce fait, le coliving contribuera à la mixité sociale au lieu de l’affaiblir. Désormais, il ne pourra plus échapper aux contraintes d’aménagement local en se faisant classer dans la catégorie hébergement. En définitive, cette mesure évite que ce modèle ne détourne le foncier disponible. Elle protège notamment le foncier destiné au logement social dans les zones où la demande est forte.

Le permis de louer étendu au coliving

L’article 5 modifie l’article L. 635-1 du Code de la construction et de l’habitation. Il étend le dispositif du permis de louer aux unités privatives de coliving. En effet, ce dispositif permet aux communes et établissements publics de coopération intercommunale compétents en matière d’habitat de soumettre à autorisation préalable la mise en location de logements. Cela concerne certaines zones spécifiques.

Par ailleurs, le nouvel article L. 635-1-1 créé par la proposition précise que cette autorisation peut être refusée en cas de non-conformité aux critères de décence. Elle sera également refusée si le projet présente des risques pour la mixité sociale. De même, elle sera refusée en cas d’incompatibilité avec les objectifs du programme local de l’habitat (PLH) ou du plan départemental d’action pour le logement et l’hébergement des personnes défavorisées (PDALHPD).

En outre, la demande d’autorisation préalable devra indiquer plusieurs informations. D’abord, le nombre d’unités privatives mises en location. Ensuite, la nature des espaces partagés et des services proposés. Puis, l’identité du gestionnaire. Enfin, les conditions de location, notamment le montant des loyers et des charges pratiqués. Ainsi, la réglementation du coliving donne aux élus locaux les outils concrets pour maîtriser son développement sur leur territoire. Elle permet également de garantir la qualité de l’offre locative.

La création d’un registre public

L’article L. 635-1-2 nouvellement créé impose aux communes et établissements publics de coopération intercommunale compétents en matière d’habitat de créer un registre public. Ce registre recensera toutes les résidences de coliving situées sur leur territoire.

Concrètement, pour chaque résidence, il mentionnera plusieurs informations. D’abord, l’adresse exacte. Ensuite, le nombre d’unités privatives. Puis, le nom du gestionnaire ou opérateur. Également, la nature des prestations proposées. Enfin, les montants des loyers et des charges constatés. Mis à jour annuellement, ce registre assurera la transparence nécessaire au contrôle de ce secteur.

De plus, les collectivités pourront fixer dans le cadre de leur plan local d’urbanisme (PLU) un nombre maximal de résidences de coliving par secteur géographique. Cette limitation vise à préserver la diversité du parc locatif. Elle vise également à éviter une concentration excessive.

Sanctions prévues en cas de non-respect - Réglementation coliving
Sanctions prévues en cas de non-respect

Par ailleurs, en cas de location sans autorisation préalable dans les zones où elle est requise, la commune ou l’établissement public pourra prononcer une amende administrative. Celle-ci s’élève à 50 000 euros par unité privative louée non déclarée. Ils pourront également interdire temporairement toute mise en location dans la résidence concernée. Enfin, les résidences existant avant la publication de la loi devront se déclarer auprès de la commune dans un délai de trois mois. Cela est prévu selon l’article 5-III de la proposition.

Les 5 articles clés de la proposition de loi n°117
Les 5 articles clés de la proposition de loi n°117

Quelle est la position de Paris face à la réglementation du coliving ?

Une politique de “zéro coliving”

Paris est la première ville de France à prendre officiellement position sur la réglementation du coliving. En effet, le Conseil de Paris a adopté une délibération instaurant le principe du “zéro coliving”. Ian Brossat, président du groupe communiste et sénateur, également candidat aux municipales, a exposé cette position lors de la séance. Désormais, la capitale signalera aux promoteurs immobiliers et opérateurs privés son refus de tout nouveau projet de cette forme d’habitat.

Certes, la position municipale n’est pas juridiquement contraignante en l’absence de cadre légal. Toutefois, Ian Brossat estime qu’elle sera entendue par les promoteurs. En effet, ces derniers n’ont pas intérêt à se mettre la ville à dos. Cela s’explique par le très peu de foncier disponible dans la capitale.

Un dispositif de contrôle renforcé

Paris se dote d’une équipe spécialement chargée de contrôler et d’évaluer les résidences de coliving déjà existantes sur son territoire. Cette équipe aura pour mission de vérifier le respect des normes en vigueur. Elle contrôlera également la conformité des pratiques tarifaires. D’une part, elle identifiera les abus. Notamment, les dépassements de loyers et les contournements de la réglementation. D’autre part, elle contrôlera la qualité des prestations facturées. Elle vérifiera aussi leur caractère réellement optionnel.

Par ailleurs, cette approche opérationnelle complète la proposition de loi déposée au Sénat. Elle montre la volonté politique d’agir rapidement et concrètement sur ce sujet. Et, cela se fait sans attendre le vote définitif de la loi. En outre, cette équipe pourrait servir de modèle pour d’autres communes confrontées au même phénomène.

Les arguments du débat municipal

Selon Barbara Gomes lors du Conseil de Paris, le coliving se trouve dans une “zone grise” particulièrement problématique. En effet, il entre parfois en catégorie habitation, parfois en catégorie surface commerciale. Cela dépend des montages juridiques choisis.

Par conséquent, cette ambiguïté permet aux opérateurs d’échapper à l’encadrement des loyers en vigueur dans la capitale. L’élue communiste donne un exemple concret. Il suffit de placer trois rameurs de sport dans une salle commune pour justifier un complément de loyer. Celui-ci échappe alors totalement à l’encadrement réglementaire.

Par ailleurs, Ian Brossat établit un parallèle explicite avec le phénomène Airbnb. Comme la ville a considérablement serré la vis sur les locations touristiques de courte durée, certains investisseurs se sont stratégiquement rabattus sur le coliving. De fait, ce nouveau modèle permet une rentabilité très forte. Surtout, il le fait sans les contraintes imposées aux meublés touristiques.

Néanmoins, l’opposition municipale a contesté vivement cette position lors des débats. Notamment, Aurélien Véron du groupe Les Républicains soutenant Rachida Dati a déploré l’interdiction de “ce qui marche”. Il a souligné que le coliving reste marginal. Selon lui, il répond à une demande réelle des jeunes actifs. Toutefois, la majorité municipale considère que la réglementation du coliving est absolument indispensable. Elle vise à éviter les dérives observées. Elle vise également à protéger les Parisiens de la spéculation immobilière.

Conclusion

La régulation du coliving répond à trois enjeux majeurs. Elle vise d’abord à protéger les publics les plus fragiles — étudiants et jeunes actifs — aujourd’hui confrontés à des loyers excessifs, à des services imposés et à une perte de contrôle sur leur budget logement. Cette loi propose ainsi de rétablir un cadre équilibré : loyers décents, véritable transparence contractuelle et liberté de refuser les prestations optionnelles sans risque d’éviction.

Elle répond ensuite à un impératif de cohésion urbaine. Le développement rapide de résidences haut de gamme dans des quartiers populaires accélère la gentrification et fragilise la mixité sociale, pourtant au cœur des politiques publiques depuis la loi SRU. En donnant aux collectivités la possibilité de maîtriser ces projets au regard de leurs documents de planification, le législateur cherche à préserver la diversité du parc locatif et l’équilibre des territoires.

Enfin, l’encadrement juridique apparaît indispensable face à un secteur en pleine explosion. Avec une offre qui a presque doublé en deux ans et des opérateurs multipliant les montages contractuels pour contourner les règles du logement, l’absence de norme créait un terrain propice aux abus. La nouvelle réglementation vient donc combler un vide devenu intenable et entend sécuriser un modèle qui, sans balises claires, risquait de déstabiliser durablement le marché locatif.

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Isabelle DAHAN

Isabelle DAHAN

Rédactrice en chef de Monimmeuble.com. Isabelle DAHAN est consultante dans les domaines de l'Internet et du Marketing immobilier depuis 10 ans. Elle est membre de l’AJIBAT www.ajibat.com, l’association des journalistes de l'habitat et de la ville. Elle a créé le site www.monimmeuble.com en avril 2000.

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