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Immobilier

Comment lutter contre le gaspillage immobilier en France ?

Comment lutter contre le gaspillage immobilier en France ?

Le gaspillage immobilier prend une ampleur préoccupante en France. Dans les grandes métropoles, jusqu’à 10 % des bâtiments restent vacants. Pour y remédier, la proposition de loi n°1336, déposée le 17 avril 2025 par Lionel Causse et 35 députés, avance des solutions concrètes. L’objectif : mobiliser les centaines de milliers de mètres carrés inutilisés au service de l’intérêt général. Dans un contexte de crise du logement et de besoins croissants pour l’économie sociale et solidaire, ce texte cherche à transformer l’inoccupation en levier d’action sociale. Les mesures proposées, graduées et ciblées, vont de la réquisition élargie à l’extension des baux dérogatoires, en passant par une intensification des usages pour redonner vie aux espaces vacants.

Sommaire :

Le gaspillage immobilier : un phénomène massif qui interpelle les législateurs

L’ampleur du gaspillage immobilier en France

Le gaspillage immobilier constitue un enjeu majeur dans la France d’aujourd’hui. Des centaines de milliers de bâtiments restent inoccupés, en tout ou en partie. Dans certaines grandes métropoles, la vacance peut concerner jusqu’à 10 % du parc immobilier. Ce paradoxe interroge, alors même que les besoins en logements, en hébergements d’urgence et en locaux professionnels pour l’économie sociale et solidaire ne cessent de croître. Ce décalage entre offre inactive et demande pressante souligne l’urgence d’une action ciblée.

Le phénomène frappe surtout les grandes métropoles, où il crée une incohérence économique criante en pleine crise du logement. Contrairement aux crises passées, cette vacance immobilière s’installe durablement dans le paysage urbain. La généralisation du télétravail et les évolutions démographiques accentuent cette tendance. Elles annoncent un possible ralentissement de la tertiarisation, remettant en question les usages traditionnels de l’espace urbain.

Les causes structurelles du gaspillage immobilier

La sous-utilisation des bâtiments met en lumière de profonds dysfonctionnements. D’après les données de la proposition de loi, le taux moyen d’usage réel des espaces bâtis ne dépasse pas 20 %, en tenant compte de tous les moments d’inoccupation. Cette réalité déjà préoccupante se renforce encore avec les périodes de vacance temporaire qui jalonnent la vie d’un immeuble. Elle révèle un gâchis silencieux, mais massif, du potentiel immobilier existant.

Le gaspillage immobilier ne se limite pas aux bâtiments totalement vacants. Il concerne aussi les espaces utilisés en deçà de leur potentiel. De nombreux lieux restent inoccupés à certaines heures de la journée, la nuit ou durant les vacances scolaires. Ces “temps morts” représentent autant d’opportunités perdues pour accueillir d’autres usages, sans mobiliser de nouveaux fonciers ni engager de construction supplémentaire.

À cet effet, la proposition de loi introduit une distinction essentielle entre taux d’occupation et intensité d’usage. Le premier mesure le nombre de personnes présentes Alors que le second évalue l’utilisation d’un espace dans le temps. Pour optimiser les surfaces, elle encourage l’hybridation des usages. Par exemple, une salle de classe peut devenir une salle de sport en soirée, ouverte aux habitants du quartier. Ce type de réaffectation maximise l’utilité des lieux sans créer de nouveaux bâtiments.

Mesurer pour mieux agir contre le gaspillage immobilier

Un diagnostic indispensable

Pour lutter efficacement contre le gaspillage immobilier, il faut d’abord en mesurer précisément l’ampleur. Si plusieurs indicateurs existent, les données restent mal diffusées. Ni les collectivités ni le grand public n’y ont un accès clair. Cette opacité freine la mise en place de politiques publiques adaptées, faute d’une vision partagée du problème.
Mesurer pour mieux agir contre le gaspillage immobilier
Pour répondre à ce besoin de transparence, la proposition de loi prévoit une obligation claire. Les établissements publics de coopération intercommunale devront publier, tous les trois ans, un baromètre de la vacance immobilière. Ainsi, l’article L. 126-6-2 créé par la proposition de loi précise exactement :

“Les établissements publics de coopération intercommunale publient tous les trois ans un baromètre de la vacance immobilière précisant le nombre de mètres carrés vacants en fonction de leur destination.”

En rendant ces données accessibles, la mesure permettra aux acteurs locaux de mieux évaluer l’ampleur du gaspillage immobilier sur leur territoire.

Définir juridiquement la vacance

De même, le texte introduit une définition légale de la vacance dans le Code de l’urbanisme. Un local sera considéré comme vacant s’il reste inutilisé depuis plus de vingt-quatre mois, ou douze mois s’il s’agit d’un logement. Cette précision comble un vide réglementaire important. Elle pose les bases d’un cadre commun pour identifier les espaces inoccupés de manière objective.

Les plans locaux d’urbanisme (PLU) devront désormais établir un inventaire détaillé des mètres carrés vacants par destination. Cette obligation renforcera la prise en compte du gaspillage immobilier dans les documents de planification urbaine.

Faciliter la mobilisation des immeubles vides

Extension des baux dérogatoires

Par ailleurs, la proposition révolutionne le cadre juridique des baux commerciaux pour lutter contre le gaspillage immobilier. Ainsi, l’article 1er de la proposition de loi prévoit une modification de l’article L. 145-5 du Code de commerce. En cela, il étend la durée des baux dérogatoires à soixante-douze mois, contre trente-six actuellement, sous réserve de conditions strictes. Notons que cette évolution vise à favoriser l’occupation temporaire des locaux vacants, tout en encadrant les pratiques pour éviter les abus.

Précisons que cette extension s’adresse exclusivement aux structures de l’économie sociale et solidaire, telles que définies par l’article 1er de la loi du 31 juillet 2014. Elle concerne les locations de locaux vacants, selon la définition de l’article L. 111-26-1 du Code de l’urbanisme. Pour la période excédant les trente-six premiers mois, le loyer devra être inférieur d’au moins 80 % au prix du marché ou à la valeur locative estimée. L’objectif est clair : encourager l’occupation à but social tout en garantissant un cadre économique équitable.

Selon la proposition de loi portée par Lionel Causse : “Les biens immobiliers vacants constituent un potentiel d’utilité sociale que l’État, les collectivités locales et les structures de l’économie sociale et solidaire doivent pouvoir utiliser pour remplir des fonctions d’intérêt général et d’utilité sociale, au service des politiques publiques, notamment en faveur du développement du logement, de l’hébergement et des espaces économiques de transition écologique et sociale.”

Élargissement du droit de réquisition

L’article 2 du texte étend considérablement les pouvoirs de réquisition pour combattre le gaspillage immobilier. Le texte accorde aux maires les mêmes pouvoirs que les préfets pour agir sur les immeubles non résidentiels vacants situés en zones tendues. Il modifie à cet effet le titre IV du livre VI du Code de la construction et de l’habitation. Désormais, les maires peuvent directement réquisitionner les bâtiments vides sur leur territoire. Cette évolution renforce leur capacité d’action locale face à la vacance, dans un contexte de forte pression immobilière.

Les immeubles réquisitionnés pourront être utilisés pour des activités associatives, coopératives ou d’hébergement. Cette mesure permet de transformer le gaspillage immobilier en ressource concrète d’utilité sociale. Ainsi, elle offre aux collectivités un levier d’action rapide et efficace, en donnant aux élus locaux les moyens de répondre directement aux besoins de leur territoire.

Optimiser l’utilisation par l’intensification des usages

Adapter le droit de l’urbanisme

L’intensification des usages devient un outil clé pour lutter contre le gaspillage immobilier. L’article 3 de la proposition de loi modifie l’article L. 151-16 du Code de l’urbanisme afin de permettre aux règlements de PLU d’autoriser des destinations additionnelles ou accessoires à l’usage principal d’un bâtiment. Cette évolution juridique encourage la mixité fonctionnelle, en ouvrant la voie à une occupation plus souple et optimisée des espaces bâtis.
Optimiser l'utilisation par l'intensification des usages
La proposition distingue quatre types d’intensification :

  • L’ajout d’activités identiques,
  • l’utilisation ponctuelle à certaines heures,
  • l’occupation continue pour une autre destination,
  • ou le changement temporaire de destination constituent autant de modalités d’optimisation.

Simplifier les procédures administratives

Enfin, le texte simplifie les autorisations d’urbanisme pour les changements de destination. Cette mesure supprime les obstacles administratifs. Puisque les usages complémentaires ne nécessiteront plus systématiquement de formalités préalables.

Ainsi, l’hybridation, la mutualisation et la chronotopie s’imposent comme de nouveaux leviers d’action publique. Ces approches permettent d’optimiser l’usage des espaces existants, sans recourir à la construction. En valorisant chaque mètre carré selon les besoins et les temporalités, elles transforment le gaspillage immobilier en ressource utile et productive. Une manière concrète de repenser la gestion du foncier en ville comme en zone rurale.

Source

Cet article s’appuie sur la proposition de loi n°1336 visant à lutter efficacement contre le gaspillage immobilier, présentée par le député Lionel Causse avec le soutien de Cyrielle Chatelain, Emmanuel Grégoire et 33 autres parlementaires de la majorité. Ce texte législatif de la dix-septième législature a été officiellement enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 17 avril 2025.

FAQ – Lutte contre le gaspillage immobilier

1. Qu’est-ce qui définit légalement un local vacant selon cette proposition de loi ?

Un local est considéré comme vacant s’il est inutilisé depuis plus de 24 mois, ou 12 mois pour les habitations. Cette définition sera intégrée au Code de l’urbanisme pour clarifier le cadre juridique du gaspillage immobilier.

2. Les maires peuvent-ils vraiment réquisitionner des immeubles privés vides ?

Oui, la proposition étend aux maires les mêmes pouvoirs de réquisition que les préfets pour les immeubles non résidentiels vacants en zone tendue. Cette décentralisation permet une action locale plus réactive contre le gaspillage immobilier.

3. Comment les entreprises de l’ESS peuvent-elles bénéficier de baux prolongés ?

Les entreprises de l’économie sociale et solidaire peuvent obtenir des baux dérogatoires de 72 mois (au lieu de 36) pour des locaux vacants, à condition que le loyer soit inférieur de 80% au prix du marché après les 36 premiers mois.

4. Qu’est-ce que l’intensification des usages dans la lutte contre le gaspillage immobilier ?

L’intensification permet d’utiliser un bâtiment pour plusieurs fonctions : ajout d’activités identiques, utilisation ponctuelle à certaines heures, occupation temporaire pour une autre destination, ou changement provisoire complet de destination.

5. Quelles obligations de transparence cette loi impose-t-elle aux collectivités ?

Les établissements publics de coopération intercommunale devront publier tous les 3 ans un baromètre de la vacance immobilière précisant les mètres carrés vacants par destination. Les PLU devront également inclure un inventaire détaillé des espaces vides.

Isabelle DAHAN

Isabelle DAHAN

Rédactrice en chef de Monimmeuble.com. Isabelle DAHAN est consultante dans les domaines de l'Internet et du Marketing immobilier depuis 10 ans. Elle est membre de l’AJIBAT www.ajibat.com, l’association des journalistes de l'habitat et de la ville. Elle a créé le site www.monimmeuble.com en avril 2000.

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