Face à l’intensification des vagues de chaleur, la climatisation semble devenir incontournable. Pourtant, son utilisation massive soulève des inquiétudes. Dans un avis détaillé, l’Ademe tire la sonnette d’alarme. L’agence met en lumière les risques liés à la surconsommation énergétique et à l’aggravation des îlots de chaleur urbains. Mais, tout n’est pas perdu. Et, l’Ademe propose une série de recommandations concrètes. Isolation, protections solaires, brasseurs d’air : des solutions existent pour limiter le recours à la climatisation. L’agence insiste également sur l’importance de la planification urbaine et de l’adaptation des bâtiments. Entre urgence climatique et confort des habitants, un équilibre délicat se dessine.
Sommaire :
- La climatisation face au défi des vagues de chaleur
- L’Ademe appelle à repenser notre approche du rafraîchissement
- Les alternatives à la climatisation classique
- Planification et adaptation : des enjeux clés
- Vers une approche globale pour lutter contre les inégalités face à la chaleur
La climatisation face au défi des vagues de chaleur
Le rapport du GIEC de 2022 est sans appel : la fréquence, la durée et l’intensité des vagues de chaleur vont augmenter. En France, l’Ademe prévoit que d’ici 2050, 26% à 27% des bâtiments seront exposés à un “risque très fort” de surchauffe. Or, sans mesures d’adaptation, ce chiffre pourrait atteindre 65%.
Face à cette réalité, la climatisation apparaît comme une solution incontournable. Selon les données du syndicat professionnel Uniclima, en 2020, 25% des ménages et 40% des surfaces tertiaires étaient déjà équipés. Et, cette tendance va s’accentuer. Même dans un scénario de respect des engagements climatiques, nous aurons besoin de plus de climatisation pour maintenir des conditions de vie acceptables.
Les impacts environnementaux de la climatisation
Cependant, la climatisation n’est pas sans conséquences. En 2020, elle a généré l’équivalent de 4,4 millions de tonnes de CO2. Soit environ 5% des émissions totales de la France. À cet égard, les fluides frigorigènes sont particulièrement problématiques. En cela, le R410A, couramment utilisé, a un potentiel de réchauffement global (PRG) de 2038. Ce qui signifie qu’il est 2038 fois plus puissant que le CO2 en termes d’effet de serre.
De plus, les climatiseurs rejettent de la chaleur à l’extérieur, aggravant l’effet d’îlot de chaleur urbain. Une étude de modélisation appliquée à l’Île-de-France, montre que l’utilisation généralisée de la climatisation pourrait augmenter les températures extérieures jusqu’à 2°C à Paris. Voire davantage en cas de canicules extrêmes.
L’Ademe appelle à repenser notre approche du rafraîchissement
Prioriser les solutions passives
En effet, l’Ademe insiste sur l’importance des solutions passives. À cet effet, l’isolation, les protections solaires et la ventilation naturelle nocturne sont essentielles. Ces mesures permettent de retarder le besoin de climatisation active. Ainsi, lors des rénovations, il est recommandé d’intégrer systématiquement ces éléments. C’est une approche gagnant-gagnant. Puisque l’on réduit la consommation d’énergie tout en améliorant le confort d’été.
Ainsi, le projet RESILIANCE, soutenu par l’Ademe, a démontré que jusqu’en 2050, des mesures d’adaptation passives peuvent assurer un confort satisfaisant dans la plupart des cas étudiés.
Optimiser l’usage de la climatisation
Quand la climatisation est nécessaire, l’Ademe préconise une utilisation raisonnée. La température de consigne ne doit pas descendre en dessous de 26°C. De même, l’agence encourage l’utilisation des climatiseurs pendant les pics de production solaire, entre 11h et 18h.
Cette recommandation s’appuie sur les projections de RTE. En effet, celle-ci prévoit dès 2035 une capacité photovoltaïque installée variant entre 55 et 90 GW. Ce qui est largement suffisant pour couvrir les besoins de climatisation estimés à 35 GW en 2050.
Les alternatives à la climatisation classique
L’Ademe met en avant plusieurs solutions alternatives :
- Les brasseurs d’air. Le projet BRASSE, soutenu par l’ADEME, a confirmé leur efficacité sous réserve de conditions adéquates d’installation et d’utilisation.
- Les puits climatiques. Ils sont aussi appelés puits canadiens ou provençaux. Ainsi, ils exploitent la fraîcheur du sol pour refroidir l’air.
- Le rafraîchissement adiabatique. Cette technique utilise l’évaporation d’eau pour abaisser la température de l’air ambiant.
- La géothermie. Elle permet de produire du froid de manière efficace et économique, notamment grâce au “geocooling”.
- Les réseaux de froid urbains. Ils mutualisent les besoins et exploitent des sources locales comme la géothermie ou les eaux d’exhaure.
Par ailleurs, l’Ademe souligne la nécessité de poursuivre l’innovation. Le développement de technologies plus performantes et l’utilisation de fluides frigorigènes moins nocifs sont cruciaux.
D’autant que la réglementation européenne “F-GAS” 517/2014/UE a été révisée en février 2024. Désormais, elle fixe un calendrier d’interdiction de mise sur le marché et de restriction d’utilisation des fluides frigorigènes d’ici à 2032 pour les pompes à chaleur et les climatiseurs. Cette évolution réglementaire devrait stimuler l’innovation dans le secteur de la climatisation.
Planification et adaptation : des enjeux clés
Repenser l’urbanisme face aux canicules
L’adaptation aux vagues de chaleur doit être intégrée dans la planification urbaine. À cet effet, l’Ademe recommande l’utilisation d’outils comme “Plus fraîche ma ville” pour aider les collectivités.
La directive européenne sur l’efficacité énergétique adoptée le 13 septembre 2023 prévoit que les villes de plus de 45 000 habitants seront tenues d’élaborer et de mettre en œuvre des plans locaux détaillés. Ces derniers visent à optimiser la résilience des systèmes de chauffage et de refroidissement des bâtiments.
Adapter les bâtiments existants
La rénovation des bâtiments est une opportunité majeure. L’Ademe préconise d’inclure systématiquement l’adaptation aux canicules dans les travaux. Cela passe par l’isolation, l’installation de protections solaires et l’amélioration de la ventilation naturelle.
Le projet exemplaire de la plus grande aérogare bioclimatique du monde en milieu tropical, inaugurée en mars 2024 à La Réunion, illustre cette approche. Le concept repose sur l’optimisation de la circulation naturelle de l’air via un canyon central et sur le brassage de l’air, permettant d’éviter le recours massif à la climatisation.
Vers une approche globale pour lutter contre les inégalités face à la chaleur
Les vagues de chaleur exacerbent les inégalités sociales. Selon une étude de l’INSEE citée par l’Ademe, environ 1,2 million de personnes pauvres vivent dans des zones très exposées à la chaleur. Et, 510 000 sont dans les zones les plus touchées par les anomalies de chaleur nocturnes.
Ainsi, nous devons renforcer la recherche sur ces disparités et préconiser des mesures spécifiques pour les ménages précaires. L’agence suggère notamment d’introduire une dimension “vagues de chaleur” dans la définition des logements décents.
Par ailleurs, l’adaptation aux canicules nécessite une mobilisation générale. À cet effet, l’Ademe encourage les collectivités et les entreprises à développer des stratégies d’adaptation. Elle met à disposition des outils comme la démarche TACCT (Trajectoires d’Adaptation au Changement Climatique des Territoires) pour les territoires et la méthodologie ACT Adaptation pour les entreprises.
Face à l’augmentation des vagues de chaleur, la climatisation ne peut être l’unique réponse. C’est pourquoi, l’Ademe propose une approche globale, alliant solutions passives, innovations technologiques et planification urbaine. L’enjeu est de garantir le confort des habitants tout en préservant l’environnement.
“ Nous devons repenser notre rapport au confort thermique. Il ne s’agit pas de renoncer à la climatisation, mais de l’utiliser de manière raisonnée, en complément d’autres solutions plus durables. C’est un défi complexe, mais des solutions existent. Il est temps de les mettre en œuvre à grande échelle.”