Dans un contexte économique et géopolitique mouvementé, les Français font preuve d’une remarquable constance dans leurs comportements d’épargne. C’est ce que révèle le “Baromètre 2024 de l’Épargne en France et en régions”, réalisé par Ifop pour Altaprofits. Toutefois, malgré les efforts de transparence, l’investissement responsable peine encore à se développer. Et, cela, même si les jeunes générations semblent plus sensibles à cette thématique. Décryptage des principales tendances et des freins à l’essor de la finance durable.
Sommaire :
- Des comportements d’épargne en 2024 imperméables aux crises
- Des motivations d’épargne qui évoluent en 2024
- Une aversion au risque toujours présente
- L’investissement responsable peine à décoller
- Les jeunes générations, fer de lance de l’investissement responsable ?
- Comment convaincre les épargnants de l’importance des placements pour la transition écologique ?
Des comportements d’épargne en 2024 imperméables aux crises
En 2024, les Français font preuve d’une étonnante stabilité dans leurs habitudes d’épargne. Et, ce malgré un contexte économique et géopolitique agité. Selon le “Baromètre 2024 de l’Épargne en France et en régions” réalisé par Ifop pour Altaprofits, 85% des Français possèdent au moins un produit d’épargne. Or, ce chiffre reste stable depuis 2020. De plus, 58% en détiennent plusieurs, soit une hausse de 5 points depuis 2020.
La fréquence d’épargne en 2024 reste également constante. Puisque 94% des Français placent de l’argent à intervalles réguliers sur leurs produits d’épargne. Notons que ce taux est identique à celui de 2023 et 2021. Parmi eux, 75% le font au moins une fois tous les six mois.
Comme le souligne Stellane Cohen, présidente d’Altaprofits, “ Quoi qu’il arrive, quels que soient les évènements à l’échelle nationale ou internationale, les Français continuent à épargner de la même manière et en étant averses au risque.”
Cette stabilité des comportements d’épargne est d’autant plus remarquable qu’elle s’inscrit dans un contexte de crises multiples : pandémie de Covid-19, inflation, hausse des taux d’intérêt, réforme des retraites, conflits géopolitiques, etc. Autant d’éléments qui auraient pu ébranler la confiance des épargnants, mais qui n’ont finalement eu qu’un impact limité sur leurs habitudes.
Des motivations d’épargne qui évoluent en 2024
Si les comportements d’épargne sont stables, les motivations, elles, évoluent. En effet, l’épargne de précaution (75%), destinée à faire face aux imprévus, continue de devancer l’épargne projet (45%). Parmi ces imprévus, les situations exceptionnelles gagnent du terrain, avec 36% de citations en 2024, contre 23% en 2020.
Les différences générationnelles sont marquées. Ainsi, les moins de 35 ans privilégient l’épargne projet (59%). Tandis que les 65 ans et plus se distinguent par une plus forte sensibilité aux petits imprévus (65%) et une plus faible sensibilité aux situations exceptionnelles (29%).
Ces évolutions s’expliquent en partie par le contexte économique et social. En effet, avec la crise sanitaire et ses conséquences (chômage partiel, perte de revenus…), de nombreux Français ont pris conscience de l’importance d’avoir une épargne de précaution pour faire face aux aléas de la vie. Quant aux jeunes générations, elles sont davantage tournées vers l’avenir et les projets de vie (achat immobilier, création d’entreprise…). Ce qui explique leur préférence pour l’épargne projet.
Une aversion au risque toujours présente
Malgré des taux d’intérêt bas, les épargnants français restent fidèles aux produits sans risque. Même si cela implique un faible rendement. Ainsi, 69% des épargnants privilégient ces produits. Ainsi, les livrets d’épargne réglementés restent les produits socles. Ils sont détenus par 81% des épargnants. Ces livrets, comme le Livret A ou le LDDS (Livret de Développement Durable et Solidaire), sont particulièrement appréciés pour leur sécurité et leur liquidité. Et, cela, malgré des taux de rémunération faibles (1% pour le Livret A en 2024).
À l’inverse, seuls 17% des épargnants privilégient des produits un peu risqués avec un rendement espéré plus important. Et, à peine 5% optent pour des produits risqués. L’assurance-vie retrouve des couleurs en 2024 (29% des épargnants contre 26% en 2023). Tandis que le Plan Épargne en Actions (PEA) stagne à 13% depuis 3 ans. Cette frilosité vis-à-vis des produits risqués s’explique en partie par les crises financières à répétition (subprimes en 2008, dette européenne en 2010, etc.) qui ont ébranlé la confiance des épargnants.
Notons que les femmes et les épargnants âgés sont les plus averses au risque, avec respectivement 75% et 78% de préférence pour les produits sans risque. Par ailleurs, les hommes sont plus nombreux à privilégier le PEA (17% contre 9% pour les femmes) ou l’assurance-vie (33% contre 25%). Ces différences s’expliquent par des facteurs culturels et sociologiques. Ainsi, les femmes ont souvent une connaissance et une confiance moindres vis-à-vis des produits financiers. Tandis que les seniors privilégient la sécurité de leur épargne.
L’investissement responsable peine à décoller
Malgré les efforts de transparence et les réglementations en faveur de la finance durable (loi PACTE de 2019, règlement SFDR de 2021…), l’épargne responsable reste minoritaire en 2024. Puisque seuls 9% des épargnants ont privilégié des produits plus responsables pour l’environnement et la société en 2024. Pour autant, ce chiffre reste stable depuis 2022. D’ailleurs, les indicateurs relatifs à l’investissement responsable (critères ESG, label ISR, label Greenfin, notation SFDR) sont peu connus du grand public. Et, seulement 26% des répondants déclarent en connaître au moins un.
Le manque d’informations est le principal frein à l’investissement responsable (53% des répondants). Mais, il est suivi par la crainte de placements trop risqués (28%) et la peur du greenwashing (25%). Par ailleurs, les personnes aisées et les cadres sont particulièrement sensibles au risque de greenwashing. Tandis que les 65 ans et plus ne sont simplement pas intéressés par ce type d’investissement.
Ces résultats montrent que malgré les efforts des pouvoirs publics et des acteurs financiers pour promouvoir l’investissement responsable, il reste du chemin à parcourir pour convaincre les épargnants. En effet, la complexité des labels et des notations, ainsi que les scandales de greenwashing (comme celui du fonds “green” de H2O AM en 2020), ont contribué à entretenir la méfiance des épargnants vis-à-vis de ces produits.
Les jeunes générations, fer de lance de l’investissement responsable ?
Si l’investissement responsable peine à se développer, les jeunes générations pourraient bien changer la donne. En effet, 17% des moins de 35 ans ont privilégié ces investissements en 2024, contre seulement 6% pour leurs aînés. Ils sont également plus informés sur le sujet. Puisque 38% d’entre eux connaissent au moins un indicateur relatif à l’investissement responsable, contre 26% en moyenne.
Cette sensibilité accrue des jeunes générations à la finance durable s’explique par plusieurs facteurs. D’abord, les moins de 35 ans sont plus sensibles aux enjeux environnementaux et sociaux. Comme le montre leur forte mobilisation pour le climat (marches pour le climat, grèves étudiantes…). Ensuite, ils sont plus à l’aise avec les outils numériques. Ce qui leur permet de s’informer plus facilement sur les produits d’épargne responsable. Enfin, ils sont moins attachés aux produits d’épargne traditionnels et plus ouverts à la nouveauté.
Comme le souligne Stellane Cohen, présidente d’Altaprofits, “Les investissements responsables sont émergents ; les jeunes générations sont les plus sensibles à la finance durable ; elles sont les plus à même à flécher leur épargne vers le financement de la transition écologique.”
Comment convaincre les épargnants de l’importance des placements pour la transition écologique ?
Des efforts de pédagogie et de transparence restent nécessaires pour convaincre l’ensemble des épargnants de l’intérêt de ces placements pour la transition écologique. L’enjeu pour les acteurs du secteur sera de réussir à convaincre l’ensemble des épargnants de l’intérêt de ces placements. Pour cela, ils devront combiner pédagogie, transparence et performance.
À cet effet, ils pourront s’appuyer sur les nouvelles réglementations en faveur de la finance durable. C’est le cas de la loi PACTE qui oblige les assureurs à proposer des unités de compte responsables dans leurs contrats d’assurance-vie. Citons également le règlement SFDR qui impose aux acteurs financiers de plus de transparence sur les caractéristiques ESG de leurs produits. Un défi de taille, mais nécessaire pour aligner l’épargne des Français en 2024 avec les objectifs de la transition écologique.