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Logement

Crise du logement : entre difficultés d’accession et réformes nécessaires

Crise du logement : entre difficultés d’accession et réformes nécessaires

Depuis dix-huit mois, la France est confrontée à une crise du logement d’une ampleur sans précédent. Les indicateurs sont alarmants dans les ventes immobilières et la production de crédits. Cette situation inédite témoigne d’une transformation profonde et durable du marché de l’immobilier. Dans ce contexte, l’édition 2023 du baromètre Procivis-Harris Interactive, réalisée en partenariat avec la Fondation Jean-Jaurès, apporte un éclairage nouveau. Les analyses expertes de Yannick Borde et Guillaume Macher, mettent en lumière deux problématiques majeures du logement en France. En effet, il est question des perspectives d’accession à la propriété et du degré d’engagement en faveur de la rénovation énergétique des logements.

Sommaire :

Crise du logement : conflit entre les aspirations des Français et les orientations des politiques publiques

Retrait progressif de lÉtat dans le soutien à l’accession à la propriété

Au cours de la dernière décennie, l’État a graduellement réduit son rôle dans le soutien à l’accession à la propriété. Cette évolution s’est manifestée notamment par la fin des banques spécialisées, telles que le Crédit immobilier de France en 2012 et le Crédit foncier en 2018.

> Consultez notre article sur : “Crise du logement : les préoccupations sociales persistent

Bien que l’État ne soit pas le seul responsable, ce retrait coïncide avec une période où les banques généralistes offraient des prêts à faible taux. À présent, on observe une remontée des taux d’intérêt et un durcissement des conditions de crédit. Or, ces deux facteurs entraînent une baisse de 50% de la production de crédit en seulement un an. En conséquence directe, de nombreux Français se retrouvent désormais exclus du marché de l’accession à la propriété.

Suppression de l’APL Accession et Restructuration du Prêt à Taux Zéro (PTZ)

En 2018, le gouvernement a pris la décision controversée de supprimer l’APL accession. Pourtant, cette aide réduisait de 25% les mensualités des primo-accédants aux revenus modestes. Plus récemment, lors du Conseil national de la refondation sur le logement en juin 2023, le prêt à taux zéro (PTZ) a également été ciblé.

D’ailleurs, le projet de loi de finances pour 2024 envisage un “recentrage” du PTZ. Ainsi, il exclut 75% des bénéficiaires actuels et 93% des territoires concernés. Ces mesures reflètent une crise du logement où le désir de devenir propriétaire semble de plus en plus difficile à réaliser pour les Français, notamment pour des raisons économiques.

Perception et aspirations des Français face à la propriété immobilière

Malgré ces difficultés, l’enquête révèle que l’attachement à la propriété reste fort en France. Et, particulièrement, chez les jeunes générations. En effet, 61% des non-propriétaires considèrent la propriété comme un objectif important ou prioritaire. Or, cette proportion monte à plus de quatre personnes sur cinq parmi les 18-34 ans.
Crise du logement en France
Ces chiffres démontrent que, malgré un contexte défavorable de crise du logement, les Français, et notamment les jeunes, aspirent toujours à investir dans l’immobilier. Toutefois, il vise principalement à acquérir leur résidence principale. Certes, cette aspiration est financière. Mais, elle est tout aussi existentielle et patrimoniale. Ce qui se traduit par une recherche de stabilité et de satisfaction supérieure chez les propriétaires comparée aux locataires.

Connaissance et intérêt pour les différentes modalités d’accession à la propriété

Face à cette crise du logement, divers modèles d’accession à la propriété sont proposés. Certains sont plus traditionnels comme le prêt à taux zéro et le viager. D’autres concepts sont moins connus tels que le démembrement, les SCI ou la location-accession.
intérêt pour les différentes modalités d’accession à la propriété
L’intérêt pour ces différentes formes d’accession varie. Mais, il semble que les jeunes générations soient plus ouvertes à ces dispositifs. Sans doute, en raison de leur situation moins favorable pour devenir propriétaires, ou à cause d’un changement culturel.

En se focalisant sur l’Île-de-France, région caractérisée par un marché immobilier tendu et des prix élevés, on observe une plus grande ouverture aux formes alternatives de propriété. Et, cela, particulièrement dans les zones centrales où les prix sont les plus élevés. Cette tendance souligne une possible évolution vers ce que l’on pourrait appeler “l’alterpropriété”. Un phénomène qui mérite une attention particulière pour comprendre les dynamiques futures du marché immobilier en France.

“ Je suis curieux de suivre l’évolution des Français au sujet des modes alternatifs d’accès à la propriété. On voit qu’ils les connaissent mal et s’en méfient plutôt. Mais, il y a une ouverture du côté des plus jeunes et globalement beaucoup de pragmatisme. C’est peut-être un bout de la solution.” – Yannick Borde, Président de Procivis.

Crise du logement et défi du logement neuf en France

La crise du logement en France est exacerbée par des difficultés persistantes dans l’objectivation des besoins en logements neufs. En effet, l’un des principaux obstacles réside dans l’absence d’un système d’information fiable concernant la “donnée logement”. Toutefois, la qualité de la donnée n’est qu’une partie du problème. Puisqu’il existe des différences notables dans la perception et l’interprétation des facteurs clés. Tels que : la démographie, l’évolution du nombre de personnes par ménage, l’obsolescence du parc immobilier, et la localisation de l’offre et de la demande.

Disparités dans les évaluations du besoin en logements neufs

Selon une étude récente de l’Union sociale pour l’habitat (USH) confiée à HTC, il faudrait construire 518 000 logements neufs annuellement, entre 2024 et 2040, pour répondre à la demande. Par ailleurs, une étude menée par les étudiants de l’ESCP pour la Fédération des promoteurs immobiliers en mai 2023 suggère un besoin de 449 000 logements neufs par an sur la prochaine décennie.

Or, ces chiffres contrastent avec l’évaluation plus modeste de la Cour des comptes. Puisque celle-ci estime ce besoin à 370 000 logements par an. D’autant que cette dernière estimation semble être validée par le ministre de la Transition énergétique, Christophe Béchu. En effet, il a indiqué en mars 2023 qu’une construction annuelle équivalente à 1% du parc immobilier serait considérée comme une bonne performance. Ce qui correspond aux 37,6 millions de logements en France recensés par l’Insee.

Enfin, notons qu’en introduction du Conseil National de la Rénovation (CNR) Logement, la cheffe économiste de Bercy a avancé un besoin de 200 000 logements par an. Pour autant, ce chiffre reste significativement inférieur aux estimations des professionnels.

Aspirations des Français et réalités du marché du neuf

Près de la moitié des sondés expriment le désir de réaliser leur prochain achat dans le neuf. Alors que cette production ne représente qu’environ 1% du parc immobilier total. Notons que, depuis des années, chaque logement neuf construit trouve un acquéreur.
Réalités du marché du neuf
Malgré le recentrage systématique des dispositifs de soutien publics, comme le Prêt à Taux Zéro (PTZ), sur les zones densément peuplées, les préférences géographiques des Français semblent plus étendues. Notre baromètre indique un désir constant des Français pour des territoires moins denses. Une tendance confirmée en 2023.

Face à ce constat, les pouvoirs publics devraient reconsidérer leur stratégie qui se concentre principalement sur les métropoles. Bien que ces zones soient les plus peuplées, une autre politique d’aménagement du territoire pourrait favoriser une répartition plus équilibrée de la population. En effet, les données suggèrent que les Français sont prêts pour une telle réorientation. Ce qui souligne ainsi l’importance d’une approche plus diversifiée et inclusive pour répondre aux défis de la crise du logement en France.

La mobilité dans le parc immobilier et la crise du logement

Un des défis majeurs dans le secteur du logement est la diminution notable des transactions et des locations. L’État espère atténuer cette crise du logement par une baisse des prix. Cette réduction est certes visible, quoique modérée, dans plusieurs grandes villes françaises.

Cependant, dans la majorité du marché immobilier, les prix restent stables ou continuent même de s’accroître. Ce phénomène s’observe malgré un désir persistant de déménagement parmi les Français, particulièrement chez les locataires. De fait, plus d’un tiers des Français expriment le souhait de déménager, une tendance constante depuis 2021.

Souhait de mobilité et transactions immobilières

Ce sont les motivations personnelles des Français qui déterminent les transactions immobilières, et non les décisions des professionnels du secteur. En cela, le désir de mobilité maintient une demande élevée, en particulier pour l’achat de biens immobiliers. Dès lors, ce parcours dans le logement est souvent vu comme une quête existentielle. Comme celle de retrouver les caractéristiques du logement de l’enfance.

C’est pourquoi, les Français sont de plus en plus nombreux à entreprendre des démarches pour l’acquisition d’un bien immobilier. Malgré la durée parfois longue de ces recherches, leur intensité ne faiblit pas. Mais, cela révèle également les difficultés rencontrées pour trouver le bien idéal. Face à la cherté des logements, une part significative des Français est prête à revoir ses exigences. Cette situation reflète la souffrance des Français face à des dépenses de logement de plus en plus lourdes.

Espoirs et réalités du marché immobilier

L’État a opté pour une régulation du marché par les prix. Et, on espère que cela aboutira vers un ajustement rapide et efficace. Toutefois, cette régulation prend du temps. D’ailleurs, elle n’est pas encore clairement manifeste. Certes, le déficit structurel d’offre combiné à une demande élevée ne facilite pas cette régulation espérée. Cette situation complexe illustre les multiples facettes de la crise du logement en France, où les aspirations des citoyens rencontrent les réalités économiques et politiques d’un marché en tension.

Enjeux et défis de la rénovation énergétique dans la crise du logement

Dans le contexte actuel de la crise du logement, l’un des grands défis est la rénovation énergétique. L’État, actif sur cette question, a élaboré un nouveau système d’aides pour les particuliers. Notamment via “MaPrimeRenov’”, il a établi des objectifs ambitieux pour la performance énergétique des logements.
Défis de la rénovation énergétique
Cette initiative semble porter ses fruits. Puise que l’on observe une prise de conscience croissante parmi les Français de l’importance de la performance énergétique de leurs logements. De plus, la qualité de l’isolation thermique est devenue une priorité dans leurs critères de sélection d’un nouveau logement. D’ailleurs, une majorité des acheteurs potentiels accordent une grande importance à la classe énergétique du logement.

Quel est l’impact des aides publiques ?

Face à l’ampleur de la tâche que représente la rénovation énergétique, les aides publiques semblent efficaces. En effet, deux tiers des propriétaires ayant entrepris ou envisageant des travaux de rénovation indiquent que ces subventions ont été un facteur incitatif.

Pour ceux qui n’ont pas encore franchi le pas, près de la moitié affirme que ces aides pourraient les motiver à le faire. Cependant, l’aspect coercitif de certaines mesures pourrait avoir des conséquences mitigées. Car, la majorité des propriétaires bailleurs sont conscients de la nécessité de rénover. Néanmoins, ils sont nombreux à envisager de retirer leurs biens du marché locatif. Une tendance en hausse par rapport à l’année dernière.

Freins à la rénovation énergétique

En dépit de ces efforts, il n’y a pas d’accélération notable des travaux de rénovation énergétique. Pourtant, une majorité de locataires se disent prêts à accepter une augmentation raisonnable de leur loyer en échange d’une rénovation énergétique.
Classe énergétique du logement
Cependant, les Français méconnaissent la performance énergétique de leur propre logement. De plus, ils ont des doutes sur la fiabilité des diagnostics énergétiques. En cela, les subventions publiques, malgré leur efficacité, ne peuvent pas à elles seules pallier le manque de financement privé. D’où l’importance de la proposition de créer une “banque de la rénovation énergétique”. Ainsi, on pourrait associer les grandes banques françaises et les professionnels du logement pour fournir des financements adaptés et garantir la qualité des travaux.

“ La massification de la rénovation est inatteignable sans un système de financement adéquat. Il reste à construire. Nous avons fait une proposition en ce sens : la création d’une banque de la rénovation énergétique. C’est un instrument de place associant les grandes banques françaises et les professionnels du logement. Son objectif : déployer des financements à la hauteur de l’enjeu, tout en sécurisant la qualité des travaux.” – Yannick Borde, Président de Procivis.

Perspectives stratégiques et rôle de lÉtat

Les orientations récentes de l’État dans le secteur du logement sont principalement motivées par des préoccupations environnementales et budgétaires. Ces considérations sont légitimes. Toutefois, il est essentiel de tenir compte des aspirations des Français dans ces réflexions stratégiques.

Le logement est un besoin fondamental. C’est pourquoi, il doit intégrer une dimension humaine dans les politiques publiques. De même, la responsabilité de résoudre la crise du logement ne repose pas entièrement sur l’État. Puisque c’est aux acteurs économiques de s’adapter aux changements en cours. Ces derniers doivent alors apporter leurs propres solutions à cette transformation du marché du logement.

Isabelle DAHAN

Isabelle DAHAN

Rédactrice en chef de Monimmeuble.com. Isabelle DAHAN est consultante dans les domaines de l'Internet et du Marketing immobilier depuis 10 ans. Elle est membre de l’AJIBAT www.ajibat.com, l’association des journalistes de l'habitat et de la ville. Elle a créé le site www.monimmeuble.com en avril 2000.

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