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Santé

Pesticides dans les logements : 13 substances détectées dans 90% des foyers

Pesticides dans les logements : 13 substances détectées dans 90% des foyers

Votre intérieur est-il aussi sain que vous le pensez ? L’étude Pestiloge, menée par le CSTB et l’Anses entre 2020 et 2023 sur 571 logements français, révèle une contamination massive. Résultat : 13 pesticides dans les logements détectés dans plus de 90% des foyers, dont 10 substances pourtant interdites. Pire encore, certaines atteignent des concentrations de 1000 ng/g dans les poussières. Le lindane, interdit depuis 2009, persiste dans 80% des habitations. Comment ces produits chimiques envahissent-ils nos intérieurs ? Cette enquête d’envergure apporte des réponses inquiétantes sur notre exposition quotidienne à ces substances rémanentes.


Sommaire :


À retenir – Pesticides dans les logements

  • 13 pesticides détectés dans 90% des logements français, dont 10 substances interdites.
  • Le lindane, le DEET, la transfluthrine et l’icaridine contaminent 80% des foyers.
  • Les concentrations dans les poussières atteignent jusqu’à 1000 ng/g.
  • Le lindane persiste 16 ans après son interdiction en 2009.
  • Aucun seuil réglementaire n’existe pour évaluer le risque sanitaire.

Quelle ampleur prend l’étude Pestiloge sur les pesticides dans les logements ?

Une campagne nationale sans précédent

L’étude Pestiloge s’inscrit dans la deuxième campagne nationale sur la qualité de l’air intérieur (CNL2). Menée conjointement par le CSTB et l’Anses, elle s’est déroulée sur plus de deux ans, entre novembre 2020 et février 2023. Au total, 571 logements répartis dans 321 communes ont été analysés à travers tout le territoire.

Cette large couverture géographique offre une photographie représentative de la présence de pesticides dans les habitations françaises. L’échantillon, composé aussi bien d’appartements que de maisons individuelles, inclut des zones urbaines comme rurales, permettant ainsi d’obtenir une vision complète et nuancée de la contamination intérieure à l’échelle nationale.

Des polluants multiples mesurés

Au total, 170 polluants ont fait l’objet de mesures lors de cette campagne. Les scientifiques ont notamment recherché des composés organiques volatils (COV), des particules fines (PM2,5), du radon et des pesticides. Ainsi, cette approche globale offre une vision complète de la qualité de l’air intérieur. Par ailleurs, le volet spécifique Pestiloge s’est concentré sur deux axes distincts. D’une part, la présence de pesticides dans l’air ambiant. D’autre part, leur accumulation dans les poussières domestiques. En conséquence, cette méthodologie à double entrée permet de distinguer l’exposition aiguë par inhalation de l’exposition chronique via les poussières déposées sur les surfaces et les textiles.

Une méthodologie rigoureuse

Les chercheurs ont recherché 81 pesticides différents dans l’air intérieur. L’analyse des poussières a été encore plus poussée, car elle vise les substances les plus susceptibles de s’accumuler durablement dans les logements. Cette double approche — air et poussières — permet de comprendre comment les pesticides présents dans les habitations se comportent. Certains restent en suspension, tandis que d’autres s’installent durablement dans les poussières, créant ainsi une exposition continue pour les occupants.

Les prélèvements ont été réalisés selon des protocoles stricts et standardisés, garantissant la fiabilité des données et la comparabilité des résultats entre tous les logements étudiés.

Quels pesticides ont été détectés dans l’air des logements ?

Quatre substances omniprésentes

Dans l’air intérieur, quatre pesticides se démarquent par leur omniprésence : ils sont détectés dans 80% des logements étudiés. Deux insecticides figurent en tête : le lindane et la transfluthrine. Le premier, un organochloré autrefois utilisé contre les poux et la gale, se caractérise par une rémanence exceptionnelle. Le second, la transfluthrine, est un pyréthrinoïde de synthèse fréquemment employé dans les diffuseurs anti-moustiques.

Deux répulsifs complètent ce quatuor : le DEET (N,N-diéthyl-3-méthylbenzamide) et l’icaridine. Ensemble, ces quatre molécules constituent le cœur de la contamination atmosphérique intérieure, reflétant l’usage très répandu de produits anti-insectes dans les foyers français.

Le cas préoccupant du lindane

Le lindane mérite une attention particulière. En effet, ce pesticide dans les logements pose un problème majeur. Il est interdit d’utilisation en France depuis 2009, conformément au règlement européen concernant les substances dangereuses.

Pourtant, l’étude révèle sa présence à des concentrations supérieures à 10 ng/m³ dans 5% des habitations. Cette persistance témoigne de la rémanence exceptionnelle de certains pesticides. Ainsi, des années après leur interdiction, ils continuent de contaminer l’air intérieur. Le lindane est classé cancérogène possible par le Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC). Il s’accumule dans les matériaux poreux comme le bois, le plâtre et les textiles. De là, il se libère progressivement pendant des décennies. Par ailleurs, sa demi-vie dans l’environnement intérieur peut atteindre plusieurs années.

L’absence de valeurs de référence

Face à ces résultats, l’Anses et le CSTB mettent en évidence un vide réglementaire majeur. À ce jour, aucun seuil ni valeur de référence n’existe pour évaluer les concentrations de pesticides mesurées dans les logements. Comme le rappellent les deux organismes, « en l’absence de valeurs de référence ou de seuils réglementaires, il n’est pas possible de déterminer si l’exposition à ces concentrations présente ou non un risque pour la santé des occupants ».

Cette absence de cadre appelle donc des travaux complémentaires afin d’élaborer des normes de protection spécifiquement adaptées à l’exposition domestique. Celles-ci doivent être distinctes de l’exposition professionnelle déjà encadrée.

Pesticides détectés dans l'air des logements
Pesticides détectés dans l’air des logements

Que révèle l’analyse des poussières sur les pesticides dans les logements ?

Un bilan plus lourd que prévu

Les poussières domestiques dressent un constat encore plus préoccupant. Parmi les 13 pesticides détectés dans plus de 90% des logements, 10 sont pourtant interdits en France. Cette présence massive de substances bannies soulève deux questions majeures : quelles sont leurs sources et combien de temps persistent-elles dans l’environnement intérieur ?

En réalité, les pesticides s’accumulent dans les poussières et peuvent y rester pendant des années, voire des décennies. Les poussières fonctionnent ainsi comme de véritables archives chimiques, conservant la trace des traitements passés, qu’ils aient été réalisés dans le logement lui-même ou dans son environnement immédiat.

Les familles de pesticides identifiées

L’inventaire complet des substances retrouvées dans les poussières révèle cinq fongicides : le boscalid, le dicloran (interdit), le difénoconazole, le propiconazole (interdit) et le tébuconazole. Ces molécules sont principalement utilisées en agriculture ou dans des produits de traitement du bois.

Fongicides et insecticides dans les poussières domestiques
Fongicides et insecticides dans les poussières domestiques

Quatre insecticides s’ajoutent à cette liste : l’acétamipride (interdit), la cyperméthrine, l’imidaclopride (interdit) et la perméthrine (interdit). Les néonicotinoïdes, tels que l’imidaclopride et l’acétamipride, ont pourtant été bannis en France en 2018 en raison de leurs effets sur les pollinisateurs, mais ils demeurent détectables dans les habitations.

Herbicides et répulsifs dans les poussières domestiques
Herbicides et répulsifs dans les poussières domestiques

Deux herbicides figurent également parmi les substances identifiées : le glyphosate, l’herbicide total le plus utilisé au monde, et le terbutryne (interdit). Enfin, deux répulsifs — le DEET et l’icaridine — complètent cet inventaire. Tous deux sont couramment présents dans les produits anti-moustiques vendus au grand public.

Des concentrations variables mais significatives

Les concentrations de pesticides mesurées dans les poussières varient fortement selon les substances et les logements. Certaines atteignent 100 ng/g (nanogrammes par gramme de poussière), tandis que d’autres montent jusqu’à 1 000 ng/g. Ces niveaux reflètent une accumulation importante au fil du temps. Les poussières jouent en effet le rôle de réservoirs, concentrant les molécules et maintenant une exposition continue pour les occupants.

À titre de comparaison, les concentrations les plus élevées dépassent largement celles observées dans l’air ambiant, ce qui illustre la dynamique d’accumulation progressive. Les zones peu ou rarement nettoyées — dessous de meubles, recoins difficiles d’accès — présentent d’ailleurs les niveaux les plus importants, confirmant ce phénomène.

D’où proviennent ces pesticides dans les logements ?

Les usages domestiques passés et présents

Les pesticides présents dans les logements proviennent d’une grande variété de sources domestiques. Les traitements anti-parasitaires réalisés autrefois laissent d’abord des traces durables dans les matériaux du bâtiment. Les produits anti-termites, en particulier, contribuent fortement à la contamination, notamment dans le Sud-Ouest et le Sud-Est de la France. Les interventions contre les punaises de lit ou les cafards jouent également un rôle important.

D'où proviennent ces pesticides dans les logements ?

S’ajoutent à cela les répulsifs anti-moustiques utilisés régulièrement : diffuseurs électriques en fonctionnement continu durant l’été, sprays ou lotions appliqués par les occupants. D’autres produits du quotidien alimentent également la pollution intérieure, comme les shampoings anti-poux, les colliers anti-puces pour animaux domestiques ou encore les sprays textiles anti-acariens. L’ensemble de ces usages explique la diversité et la persistance des pesticides détectés dans les habitations.

La contamination externe

L’air extérieur constitue lui aussi une source d’intrusion de pesticides dans les habitations. Ces substances pénètrent par les fenêtres, les ouvertures et les systèmes de ventilation. Les logements situés à proximité de zones agricoles sont particulièrement exposés lors des périodes d’épandage. Une étude complémentaire menée en zone viticole l’a confirmé : les pesticides peuvent se disperser sur plusieurs centaines de mètres au-delà des parcelles traitées.

Une fois ramenées à l’intérieur, les particules se déposent sur les chaussures, les vêtements ou encore sur les animaux domestiques. Elles s’accrochent ensuite durablement aux poussières et aux textiles du logement. Ce phénomène d’apport indirect, appelé « track-in », constitue l’une des principales voies d’entrée — notamment pour certains herbicides comme le glyphosate.

Les matériaux de construction et d’ameublement

Certains matériaux présents dans les logements constituent eux-mêmes une source d’émission de pesticides. Les bois traités contre les insectes xylophages — vrillettes, capricornes, etc. — en libèrent progressivement dans l’air intérieur, notamment lorsqu’ils ont été imprégnés de perméthrine ou de cyperméthrine. Les textiles d’ameublement traités avec des répulsifs anti-acariens participent également à cette contamination, tout comme certains revêtements.

Cette diffusion lente peut se poursuivre pendant des années après la pose des matériaux. Moquettes traitées, rideaux, canapés : autant de surfaces susceptibles d’accumuler puis de relarguer ces substances dans le logement. Même si les normes de construction ont évolué, les habitations plus anciennes, traitées dans les années 1980 à 2000, continuent parfois d’émettre des pesticides aujourd’hui interdits.

Comment ces pesticides affectent-ils la santé des occupants ?

L’incertitude scientifique actuelle

L’Anses souligne un point essentiel : il n’existe aujourd’hui aucune valeur de référence permettant d’évaluer précisément le risque sanitaire lié aux niveaux d’exposition observés. Pour autant, la présence de pesticides dans les logements soulève des interrogations légitimes. Plusieurs substances détectées présentent en effet des propriétés toxicologiques bien établies, et les concentrations mesurées — parfois jusqu’à 1 000 ng/g dans les poussières — exposent les occupants à un contact quotidien.

Si les doses individuelles peuvent paraître faibles, la question de l’effet cocktail, c’est-à-dire l’exposition simultanée à de multiples pesticides, reste largement méconnue. Les études toxicologiques se concentrent généralement sur des molécules isolées, alors que les habitants sont confrontés à des mélanges complexes, beaucoup plus difficiles à évaluer.

Les travaux en cours

L’Anses a déjà commencé à exploiter ces données inédites. Elle travaille à la définition de valeurs sanitaires de référence pour l’exposition par inhalation aux pesticides présents dans les logements. Parallèlement, l’Agence prépare une évaluation plus globale des risques, fondée sur une approche intégrée qui prend en compte plusieurs sources — air intérieur, poussières, alimentation — et différentes voies d’exposition : inhalation, ingestion et contact cutané. L’objectif est d’obtenir une vision complète des dangers potentiels auxquels les habitants peuvent être confrontés.

Ces travaux s’inscrivent également dans une démarche plus large autour de l’exposome, c’est-à-dire l’ensemble des expositions environnementales subies par un individu tout au long de sa vie. À terme, cette recherche permettra d’élaborer des recommandations de gestion du risque réellement adaptées aux conditions de vie dans les logements français.

Les populations vulnérables

Les jeunes enfants sont particulièrement vulnérables face aux pesticides présents dans les logements. Leur proximité constante avec le sol et les poussières accroît fortement leur exposition, d’autant que leurs gestes main-bouche multiplient les risques d’ingestion. Leur métabolisme encore en développement les rend également plus sensibles aux perturbateurs endocriniens, auxquels appartiennent certains des pesticides détectés.

D’autres catégories de population accumulent aussi des doses d’exposition plus importantes : les personnes qui passent beaucoup de temps à domicile, comme les personnes âgées, les télétravailleurs ou les personnes en situation de handicap. Les femmes enceintes constituent un autre groupe à risque, car l’exposition prénatale peut affecter le développement du fœtus, comme l’ont montré plusieurs études épidémiologiques dans d’autres contextes d’exposition. Ces constats soulignent la nécessité d’une vigilance renforcée pour les publics les plus sensibles.

Vers quelles évolutions réglementaires se dirige-t-on ?

Des données pour faire évoluer la législation

Les résultats inédits de l’étude Pestiloge, publiés en novembre 2025, offrent désormais une base scientifique solide pour orienter l’action publique. Grâce à un échantillon représentatif de 571 logements, la France dispose pour la première fois de données concrètes sur la présence de pesticides dans l’air intérieur et les poussières. Cette avancée ouvre la voie à l’élaboration de normes spécifiques de qualité de l’air intérieur pour ces substances.

Le rapport souligne d’ailleurs que « ces données inédites pourront également contribuer à proposer des évolutions réglementaires ». Cette perspective s’inscrit pleinement dans les objectifs du Plan National Santé Environnement (PNSE), qui vise à réduire l’exposition des populations aux polluants et à renforcer la prévention des risques environnementaux.

La nécessité d’un cadre protecteur

L’absence de seuils réglementaires pour les pesticides présents dans les logements laisse aujourd’hui un vide juridique préoccupant. Les autorités sanitaires devront définir des valeurs limites d’exposition afin de mieux protéger les occupants. Ces futures normes pourront s’inspirer des valeurs guides déjà établies pour d’autres polluants intérieurs, comme le formaldéhyde ou le benzène. Elles porteront à la fois sur l’air ambiant et sur les concentrations mesurées dans les poussières domestiques.

Un étiquetage renforcé des produits destinés à un usage intérieur pourrait également être envisagé, afin d’informer clairement les consommateurs sur la rémanence des substances actives. La réglementation des produits biocides, aujourd’hui harmonisée au niveau européen, pourrait elle aussi évoluer pour encadrer plus strictement les usages domestiques et limiter les molécules les plus persistantes. Cette évolution viserait à mieux protéger les habitants face à une contamination intérieure encore largement sous-estimée.

Les recommandations pour réduire l’exposition

En attendant un encadrement réglementaire complet, plusieurs gestes simples permettent déjà de limiter efficacement la présence de pesticides dans les logements. L’aération régulière constitue la première mesure : dix minutes, deux fois par jour, suffisent à renouveler l’air intérieur et à diluer les concentrations. Le nettoyage fréquent des poussières joue également un rôle déterminant ; l’usage d’un aspirateur équipé d’un filtre HEPA réduit l’accumulation des substances et l’exposition par ingestion involontaire.

Vers quelles évolutions réglementaires se dirige-t-on ?

Il est aussi conseillé de restreindre les traitements chimiques en intérieur et de privilégier des alternatives plus sûres : pièges mécaniques, répulsifs naturels, lutte intégrée… Ces méthodes diminuent directement les sources de contamination. De même, retirer ses chaussures à l’entrée limite fortement l’apport de pesticides provenant de l’extérieur.

Combinés à une vigilance accrue sur les produits utilisés au domicile, ces gestes simples améliorent sensiblement la qualité de l’air intérieur et réduisent l’exposition aux pesticides dans les habitations.

Isabelle DAHAN

Isabelle DAHAN

Rédactrice en chef de Monimmeuble.com. Isabelle DAHAN est consultante dans les domaines de l'Internet et du Marketing immobilier depuis 10 ans. Elle est membre de l’AJIBAT www.ajibat.com, l’association des journalistes de l'habitat et de la ville. Elle a créé le site www.monimmeuble.com en avril 2000.

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