Selon un arrêt de la Cour d’appel de Paris rendu le 25 septembre 2025, un restaurant parisien est condamné à remettre sa façade dans son état d’origine. La raison ? Des travaux en façade réalisés sans l’accord préalable de la copropriété. L’enseigne et la devanture ont été modifiées, changeant ainsi l’aspect extérieur de l’immeuble. Or, la loi du 10 juillet 1965 impose une autorisation de l’assemblée générale pour de tels travaux. Cette décision rappelle une règle fondamentale : tout copropriétaire souhaitant modifier la façade doit obtenir un vote favorable. L’absence d’autorisation constitue un trouble manifestement illicite. Le juge des référés peut alors ordonner la remise en état sous astreinte. Cet arrêt soulève des questions essentielles pour les commerçants et copropriétaires : quels travaux en façade nécessitent une autorisation ? Quelles sont les conséquences d’une modification non autorisée ? Comment éviter un contentieux coûteux ?
Sommaire :
- Quels travaux en façade nécessitent une autorisation de copropriété ?
- Quelle procédure suivre pour obtenir l’autorisation de travaux en façade ?
- Quelles conséquences en cas de travaux en façade non autorisés ?
- Comment éviter un contentieux sur les travaux en façade ?
À retenir – Travaux en façade d’un commerce en copropriété
- L’autorisation préalable de l’assemblée générale est obligatoire pour tous travaux modifiant l’aspect extérieur de l’immeuble, conformément à l’article 25 b) de la loi du 10 juillet 1965.
- La majorité requise est celle de tous les copropriétaires, et non simplement des présents ou représentés, ce qui rend le vote plus exigeant.
- L’absence d’autorisation constitue un trouble manifestement illicite permettant au juge des référés d’ordonner la remise en état sous astreinte financière.
- Les sanctions peuvent être très lourdes : jusqu’à 200 euros par jour d’astreinte pendant six mois, soit 36 000 euros maximum, plus les frais de justice et de remise en état.
- Une régularisation a posteriori ne suffit pas à effacer le trouble : même si une assemblée générale est prévue ultérieurement, les travaux déjà réalisés restent illicites selon la jurisprudence.
Quels travaux en façade nécessitent une autorisation de copropriété ?
Les modifications affectant l’aspect extérieur de l’immeuble
Les travaux en façade d’un commerce en copropriété sont encadrés par la loi du 10 juillet 1965. L’article 25 b) de cette loi impose une autorisation préalable pour toute modification affectant l’aspect extérieur de l’immeuble. Cette règle s’applique aux enseignes, devantures, vitrines et tous éléments visibles depuis la rue.
Dans l’affaire jugée par la Cour d’appel de Paris le 25 septembre 2025 (arrêt n°24/20514), un restaurant a modifié sa devanture et son enseigne sans consulter l’assemblée générale. Les juges ont constaté un changement de coloris, une augmentation du volume de l’enseigne et un débord plus important en façade. Selon le procès-verbal de constat établi le 24 mai 2024, l’enseigne comportait des lettres capitales de dimension plus importantes que précédemment et dépassait largement la devanture, atteignant les fenêtres du premier étage. Ainsi, le débord initial de 150 mm était passé à 500 mm, soit une augmentation de plus de 230%. Cette transformation substantielle démontrait clairement une atteinte à l’harmonie architecturale de l’immeuble.
La distinction entre travaux autorisés et travaux soumis à vote
Tous les travaux en façade ne requièrent pas systématiquement une autorisation de la copropriété. Les interventions purement intérieures ou l’entretien courant peuvent être réalisés librement. En revanche, dès qu’un élément modifie la perception extérieure du bâtiment, le vote devient obligatoire.
Le commerçant doit alors inscrire sa demande à l’ordre du jour d’une assemblée générale. La majorité requise est celle de tous les copropriétaires, conformément à l’article 25 b) de la loi du 10 juillet 1965. Cette exigence protège l’harmonie architecturale et les intérêts collectifs de la copropriété. La jurisprudence considère que même des modifications apparemment mineures peuvent nécessiter cette autorisation si elles changent la perception visuelle globale de la façade. Dans le cas jugé, le restaurant avait lui-même reconnu l’ampleur des modifications en proposant ultérieurement une réduction du débord de la devanture et de l’enseigne dans un courrier adressé au syndic.
Quelle procédure suivre pour obtenir l’autorisation de travaux en façade ?
L’inscription à l’ordre du jour de l’assemblée générale
Le copropriétaire commerçant doit formuler une demande écrite au syndic. Cette demande précise la nature des travaux en façade envisagés, accompagnée de plans, photos et descriptifs techniques. Le syndic inscrit ensuite la question à l’ordre du jour de la prochaine assemblée générale.
Le délai peut varier selon le calendrier des assemblées. C’est pourquoi, il est recommandé d’anticiper cette démarche plusieurs mois avant la réalisation des travaux. Une présentation détaillée du projet facilite l’obtention de l’accord des copropriétaires. Dans l’affaire parisienne, le restaurant avait déposé une déclaration préalable de travaux auprès des autorités administratives, mais avait omis l’étape cruciale de l’autorisation de la copropriété. Cette confusion entre autorisation d’urbanisme et autorisation de copropriété est fréquente chez les commerçants.
Le vote en assemblée générale et ses modalités
L’autorisation de travaux en façade requiert la majorité de l’article 25 b) de la loi du 10 juillet 1965, soit la majorité des voix de tous les copropriétaires. Cette majorité est plus exigeante que la majorité simple de l’article 24. Chaque copropriétaire vote selon ses tantièmes. Le procès-verbal d’assemblée générale acte la décision.
En cas de refus, le commerçant peut tenter de modifier son projet pour le représenter ultérieurement. L’absence de vote favorable interdit formellement la réalisation des travaux en façade. Le restaurant soutenait qu’il fallait convoquer une assemblée générale extraordinaire avec l’autorisation des modifications inscrite à l’ordre du jour. Mais, la Cour d’appel a écarté cet argument. Elle a estimé que cette circonstance n’avait aucune incidence, car l’assemblée s’était tenue après les modifications déjà réalisées et son ordre du jour exact n’était pas établi. Cette position jurisprudentielle confirme qu’une régularisation a posteriori ne peut effacer le trouble manifestement illicite.
Quelles conséquences en cas de travaux en façade non autorisés ?
La caractérisation du trouble manifestement illicite
La réalisation de travaux en façade sans autorisation constitue un trouble manifestement illicite au sens de l’article 835 du Code de procédure civile. Cette notion juridique permet au juge des référés d’intervenir rapidement pour ordonner des mesures conservatoires ou de remise en état.
Dans l’arrêt du 25 septembre 2025, la Cour d’appel a confirmé cette qualification. Le trouble résulte de la violation de l’article 25 b) de la loi du 10 juillet 1965. Les modifications visibles depuis la rue suffisent à caractériser l’atteinte. Peu importe que les travaux soient de qualité ou améliorent l’esthétique du commerce. L’absence d’autorisation préalable fonde à elle seule le trouble manifestement illicite.
La Cour a notamment retenu que les travaux avaient conduit à un changement de coloris de la devanture et de l’enseigne, mais aussi à une modification évidente du volume de ces deux éléments, la nouvelle devanture dépassant en hauteur la précédente et arrivant en façade sous les fenêtres du premier étage.
L’ordonnance de remise en état et l’astreinte financière
Le juge des référés peut ordonner la remise en état des lieux dans leur configuration antérieure. Cette décision s’accompagne généralement d’une astreinte pour contraindre le commerçant.
Dans l’affaire parisienne, l’astreinte était fixée à 200 euros par jour de retard à compter d’un mois suivant la signification de l’ordonnance, pendant une durée maximale de six mois. Le montant total peut donc atteindre 36 000 euros (200 euros × 180 jours).
Le commerçant supporte également les frais de justice et les honoraires d’avocat des parties adverses. Le tribunal judiciaire de Paris, dans son ordonnance du 5 novembre 2024, avait condamné le restaurant à verser 1 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile aux bailleurs, et 1 000 euros au syndicat des copropriétaires. En appel, ces montants ont été portés à 2 000 euros pour chaque partie. Ces sanctions financières s’ajoutent au coût de la dépose et de la remise en état des travaux en façade, qui peuvent représenter plusieurs dizaines de milliers d’euros selon la complexité des installations.
Comment éviter un contentieux sur les travaux en façade ?
L’anticipation et le dialogue avec la copropriété
La prévention du contentieux passe par une communication précoce avec le syndic et les copropriétaires. Avant tout engagement financier, le commerçant doit vérifier les règles du règlement de copropriété et de l’état descriptif de division. Certains immeubles imposent des contraintes esthétiques spécifiques concernant les matériaux, coloris ou dimensions autorisés.
La présentation d’un dossier complet et soigné rassure l’assemblée générale. Des simulations visuelles ou des photos de projets similaires facilitent la compréhension. Le dialogue permet d’identifier les éventuelles réticences et d’adapter le projet en conséquence. Une consultation préalable aurait permis d’éviter un contentieux qui s’est étalé sur plus d’un an, du début des travaux en 2024 jusqu’à l’arrêt de la Cour d’appel en septembre 2025.
Les recours possibles en cas de refus de l’assemblée
Si l’assemblée générale refuse l’autorisation de travaux en façade, le copropriétaire peut contester cette décision. Le recours juridique s’exerce devant le tribunal judiciaire dans un délai de deux mois suivant la notification du procès-verbal d’assemblée générale. Il faut démontrer que le refus est abusif ou contraire à l’intérêt collectif. Cette procédure reste complexe et aléatoire. Une alternative consiste à modifier le projet pour le rendre plus acceptable. La réduction des dimensions, le changement de coloris ou la limitation du débord peuvent suffire.
Dans le cas étudié, le restaurant avait proposé une révision de son projet avec une réduction du débord de la devanture et de l’enseigne. Cependant, cette proposition est intervenue trop tardivement, après que les travaux aient déjà été réalisés et que la procédure judiciaire soit engagée. La négociation demeure souvent plus efficace qu’un contentieux coûteux. Le bail commercial datait du 1er février 2008, et les relations entre les parties se sont détériorées suite à ces travaux non autorisés.

