Face aux logements bouilloires, une réponse politique s’organise enfin. Alors que 42% des Français ont souffert de la chaleur dans leur logement en 2024 et que plus d’un tiers du parc immobilier est exposé à la surchauffe estivale, l’urgence climatique devient une urgence sanitaire. À l’initiative de la Fondation pour le Logement des Défavorisés, des députés de sept groupes politiques ont déposé une proposition de loi transpartisane “Zéro Logement Bouilloire” à l’Assemblée nationale. Comment adapter durablement le parc immobilier aux vagues de chaleur qui se répètent ? Décryptage d’un texte ambitieux pour sortir des logements bouilloires et protéger les plus vulnérables face au réchauffement climatique.
Sommaire :
- Comment identifier les logements bouilloires les plus à risque ?
- Pourquoi les logements bouilloires créent-ils une urgence sanitaire ?
- Quelles solutions propose la loi contre les logements bouilloires ?
À retenir
- Un tiers des logements français sont des “bouilloires thermiques” qui deviennent inhabitables pendant les fortes chaleurs et les canicules estivales
- 42% des Français ont souffert de la chaleur chez eux en 2024, avec un pic à 48% chez les 18-24 ans dans leur habitat surchauffé
- 3 700 personnes sont mortes de la chaleur en 2024, portant le bilan à 34 000 décès entre 2017 et 2024 dus aux vagues de chaleur
- Le Vaucluse, le Gard et le Lot sont les départements les plus exposés aux logements bouilloires et à la précarité énergétique estivale
- Une proposition de loi transpartisane vise à intégrer la surchauffe thermique dans la définition de la précarité énergétique
- 1 milliard d’euros annuels d’aides publiques permettraient d’équiper tous les logements de protections solaires et systèmes de rafraîchissement d’ici 2040
Comment identifier les logements bouilloires les plus à risque ?
Une bombe thermique à retardement dans le logement
L’étude «Chaud dedans ! L’urgence d’adapter les logements bouilloires aux canicules», publiée par la Fondation pour le Logement, dresse une cartographie inquiétante de la précarité thermique estivale. En croisant les données DPE ADEME (juillet 2021 – octobre 2024) avec les projections climatiques de Météo France, elle met en lumière les départements les plus exposés aux surchauffes estivales. Ainsi, le Vaucluse (84), Gard (30) et Lot (46) forment le trio de tête des territoires les plus vulnérables.
Les départements en première ligne face aux canicules
Selon Climadiag Météo France, ces zones connaîtront un doublement du nombre de journées très chaudes et de vagues de chaleur d’ici 2050. On pourrait alors atteindre 12 jours par an en moyenne dans plus de 32 000 communes françaises. Déjà, la température annuelle moyenne a grimpé de +1,7°C depuis les années 1990, et les projections tablent sur +2,7°C d’ici 2050. Ce réchauffement accéléré menace de transformer des milliers de logements en véritables bouilloires, en particulier dans les régions déjà fragilisées par les extrêmes climatiques.
Un parc immobilier mal préparé aux fortes chaleurs
Selon l’indicateur de confort d’été analysé par la Fondation pour le Logement, plus de 80 % des logements français sont susceptibles de devenir des logements bouilloires sous l’effet du réchauffement climatique. Par ailleurs, l’étude révèle que près de 80 % des DPE renseignant cet indicateur sont classés « insuffisant » ou « moyen ». De même, plus d’un logement sur trois affiche un niveau jugé insuffisant.
L’alerte ignorée du confort d’été dans les DPE
Cette alerte reste largement sous-estimée. Ce facteur essentiel reste ignoré lors des décisions de vente, de location ou de rénovation. Pourtant, son importance ne cesse de croître avec la fréquence des épisodes de chaleur extrême.
Hello Watt pointe une faille structurelle du DPE : « Le confort d’été reste un indicateur marginal dans l’évaluation énergétique des logements. S’il est bien mentionné, il n’est pas intégré dans le calcul de la note et reste une simple indication. »
Une étude conjointe Pouget Consultants – Ignes (juillet 2024) confirme l’ampleur du phénomène. Selon ses simulations, une révision méthodologique stricte de l’indicateur de confort d’été ferait basculer 90% du parc immobilier dans les catégories « insuffisant » ou « moyen ». Ce constat souligne un décalage préoccupant entre la réalité du terrain et les outils d’évaluation réglementaires.
Dans les zones les plus exposées au réchauffement d’ici 2050, la situation est encore plus critique. Puisque, trois logements sur quatre y présentent déjà un indicateur dégradé. Ce qui place leurs occupants en première ligne de la précarité énergétique estivale. Comme le résume Hello Watt : « Des bâtiments très performants en hiver peuvent devenir de véritables bouilloires thermiques en été. »
Pourquoi les logements bouilloires créent-ils une urgence sanitaire ?
Des populations inégalement exposées à la surchauffe
Comme l’explique Christophe Robert, délégué général de la Fondation pour le Logement : “Les chiffres de la précarité énergétique d’été traduisent de fortes inégalités. La précarité liée aux logements bouilloires frappe prioritairement les habitants des quartiers populaires, les jeunes, les personnes âgées et les ménages modestes.”
En effet, les données de l’étude “Chaud dedans !” montrent que 48% des 18-24 ans ont souffert de la chaleur en 2024, contre 42% de la population générale. Cette surexposition aux logements bouilloires révèle une fracture sociale majeure dans l’accès au confort thermique, même lors d’un été relativement tempéré.
Un bilan humain dramatique qui interpelle
Les conséquences des logements bouilloires sont mortelles : 3 700 personnes sont décédées de la chaleur en 2024 selon les données citées par la Fondation. Ce qui porte le bilan à 34 000 morts entre 2017 et 2024 selon Santé Publique France. Ces décès ne sont pas une fatalité. Ils pourraient être moindres si les logements protégeaient véritablement. Ces décès liés aux logements bouilloires touchent principalement les personnes âgées de plus de 75 ans, plus vulnérables aux épisodes caniculaires dans des habitations inadaptées.
Le député Lionel Causse, cosignataire de la proposition de loi, souligne l’urgence : “En 2024, 42% des Français ont souffert de la chaleur dans leur logement, même lors d’un été relativement tempéré. Les conséquences sont graves. En 2024, 3 700 personnes sont mortes de la chaleur. Ce chiffre pourrait être réduit si nos logements étaient mieux adaptés.”
Quelles solutions propose la loi contre les logements bouilloires ?
Une redéfinition de la précarité énergétique
La proposition de loi transpartisane « visant à adapter les logements aux fortes chaleurs et à protéger leurs occupants » marque une avancée majeure dans la lutte contre la précarité énergétique estivale. Pour la première fois, la surchauffe des logements — dits bouilloires — est intégrée dans la définition officielle de la précarité énergétique.
Soutenue par des députés issus de sept groupes politiques, cette initiative législative consacre une évolution culturelle et sociale importante. Les logements bouilloires sont désormais reconnus comme un enjeu aussi critique que les passoires thermiques hivernales. Dès lors, cette reconnaissance inscrit le confort d’été au cœur des politiques de rénovation énergétique. C’est une réponse aux dérèglements climatiques et à la multiplication des vagues de chaleur.
Ce texte ouvre la voie à de nouvelles obligations. Il prévoit aussi des dispositifs d’accompagnement ciblés, afin d’anticiper les risques sanitaires et sociaux liés à l’inconfort thermique en été.
Le député Lionel Causse explique cette démarche : “Jusqu’à récemment, la précarité énergétique était surtout traitée sous l’angle du froid. Or, avec le réchauffement climatique, des millions de logements deviennent invivables l’été, en particulier pour les plus vulnérables : habitants des quartiers populaires, jeunes, personnes âgées et ménages modestes.”
Des mesures concrètes pour protéger les occupants
Le texte législatif contre les logements bouilloires propose plusieurs mesures urgentes :
- L’interdiction des coupures d’électricité tout au long de l’année, garantissant l’accès aux ventilateurs et réfrigérateurs
- L’affichage obligatoire de la note “confort d’été” du DPE sur les annonces immobilières pour identifier les logements bouilloires
- Un calendrier de rénovation des logements bouilloires à la location à partir de 2030
- La modification du système de vote en copropriétés pour faciliter l’installation de protections solaires
- L’obligation de traiter systématiquement le confort d’été dans les rénovations globales
Lionel Causse précise l’objectif : “En cosignant cette proposition de loi, je souhaite que chacun puisse vivre dignement chez soi, été comme hiver, et que la lutte contre le mal-logement prenne enfin en compte tous les aspects de la précarité énergétique. Il est temps d’agir pour des logements réellement adaptés à notre époque et à ses défis.”
L’approche d’Hello Watt pour réformer le DPE
Pierre-François Morin, Directeur de l’activité rénovation énergétique d’Hello Watt, alerte : “Un logement peut afficher un B au DPE et pourtant devenir invivable en été. Cela crée une vraie incompréhension chez les particuliers, qui finissent par ne plus faire confiance à l’outil. Il est urgent de rendre le DPE plus lisible, plus fiable, et surtout plus cohérent avec les enjeux climatiques actuels.”
Hello Watt recommande également des évolutions des dispositifs publics pour mieux lutter contre les logements bouilloires :
- Inscrire les occultations et les revêtements réfléchissants dans MaPrimeRénov’
- Augmenter le soutien aux isolants à fort déphasage thermique
- Réformer le DPE en rendant l’indicateur de confort d’été plus fiable et en l’intégrant à la note globale
Pierre-François Morin conclut : “Le confort d’été ne doit plus être un critère secondaire dans la rénovation énergétique. Adapter les logements aux chaleurs extrêmes ne relève plus d’un simple enjeu de confort, mais d’une urgence de santé publique et d’un impératif énergétique.”
Un plan d’action sobre et réaliste pour éradiquer les logements bouilloires
Selon la Fondation, une hausse annuelle d’un milliard d’euros des aides publiques suffirait à équiper l’ensemble du parc résidentiel de protections solaires et de brasseurs d’air d’ici 2040. Cette trajectoire budgétaire maîtrisée viserait à éliminer progressivement les logements bouilloires. Elle privilégie une adaptation passive et efficace aux canicules, sans favoriser l’usage massif de climatiseurs individuels.
Ce scénario offre une alternative à la fois écologique, économique et socialement responsable. En cela, il répond à une triple urgence : préserver la santé des occupants, limiter les émissions liées à la climatisation, et garantir un confort estival accessible à tous.
Comme le résume la Fondation : « Il s’agit d’une urgence sociale, écologique et sanitaire à laquelle l’État doit apporter des solutions rapides et durables. »
Cet objectif ambitieux trace la voie d’une rénovation climatique juste, à la hauteur des défis du réchauffement global.